Une silhouette sombre, encapuchonnée, aux frusques larges et ternes, rien qui n’attire d’habitude ton attention. La cité des pies et ses alentours grouille d’individus qui veulent se faire discret, mais dont les secrets et les machinations ne t’intéressent pas toujours. Cette ombre si, pourtant, attire ton attention. Pas parce qu’elle rase prudemment les murs de la Coupola, mais parce qu’il y a quelques chose dans sa démarche, quelque chose dans son attitude, dans ses enjambées et ses épaules excessivement droites. Quelque chose d’une défunte aventureuse et intrépide, parfois arrogante, qui a inspiré plus que l’admiration de son petit frère.

Tu devines qu’il s’agit de Nell avant même qu’elle repousse sa capuche pour arranger sa tresse. Nell, qui décide de s’engager seule sur le chemin de fer, et ça n’est pas un hasard, si elle n’est pas accompagnée. La Covenant a toujours eu ce besoin étrange, celui de se prouver à elle-même qu’elle est capable d’agir seule. Selon toi, ça n’est plus à prouver, mais ça n’est pas pour autant que c’est une bonne idée. Alors tu décides de la suivre et pour ne pas te faire repérer, tu laisses plusieurs dizaine de mètres entre vous.

Une minute s’écoule à peine avant que l’audacieuse soit la cible d’une balle qui ricoche à ses pieds. Un tireur la tient en joug et semble ne pas vouloir qu’elle s’aventure plus loin. Malheureusement, tu n’as rien avec toi pour la défendre. Tu n’es pas du genre à t’encombrer d’un pistolet ou d’un arc. Malgré tout, tu te précipites vers elle, cours aussi vite que tu le peux pour la rattraper et dans la poche de ta veste, tu as tout de même un artefact que tu exploites sans hésiter. La balle de l’assaillant lui est renvoyée, mais elle loupe sa cible elle aussi, sert uniquement de diversion et lorsque tu arrives à hauteur de la brune, tu l’entraînes avec toi de l’autre côté du chemin de fer, dans la mer froide de novembre. Tu bats des jambes et agite les bras pour remonter à la surface, Sangha aussi s’empresse de sortir la tête de l’eau, une mine contrarié habillant son petit faciès.

“Super Aimé. Vraiment génial.”
Bronche-t-il, en s’accrochant aux bras de son porteur.

Tu ne rebondis pas sur l’intervention du tamarin, bien plus intéressé par l’espionne et ses aspirations que par ton prolongement et sa haine de l’eau.

“Alors ? On continue ? Faut qu’on bouge avant de se les geler.”
Affirmes-tu d’un air espiègle à l’égard de la jeune femme.

Tu n’attends pas qu’elle rétorque pour entamer un mouvement de brasse.

Miroir et Venin d’Ouroboros:

La tête basse, tu observes les remous de l’eau et les doux clapotis qui filent entre tes doigts à chaque nouveau mouvement. Tu aimerais pouvoir aller plus vite, parce que la mer est horriblement froide et tu as la désagréable impression de sentir tout tes vaisseaux sanguins rétrécir.

“Tu aurais dû me laisser lui rendre la monnaie avec les intérêts.”
Grommèle la châtaine derrière toi.

Tu as un souffle rapide qui traverse tes narines, un rictus amusé qui fait crisper ton ventre. Tu la reconnais bien là, depuis le premier jour, la Covenant a toujours été belliqueuse. Une petite teigne à la moue boudeuse qui te menaçait pour que tu déguerpisses du port.

“Mais merci. Qu’est ce que tu fais par ici ? Tu me suivais, Aimé ?”
Demande-t-elle tout à coup.

Tu pousses ton bras plus profondément sous la surface de l’eau et tu pivotes pour te mettre sur le dos. Ainsi, tu peux faire face à la jeune femme et observer les traits de son visage. Pendant la manœuvre, le simien pousse plusieurs complaintes, en effet, il essaye de tenir en équilibre sur des zones de ton corps qui ne sont pas submergées.

“Oui, c’est tout à fait ce que j’étais en train de faire.”
Admets-tu, ne voyant absolument pas l’utilité de mentir.
“J’avais envie de savoir ce que Nell Covenant prépare en douce.”
Continues-tu, un fin sourire sur tes lèvres désormais livides.

À l’approche du banc, l’espionne envoie l’hirondelle en avant-garde afin de ne pas être surprise une deuxième fois par une attaque quelconque, mais tu n’as pas la patience d’attendre et tu t’extirpes déjà de l’eau. Tu rampes sur la petite bute et profite de sa hauteur pour ne pas te faire remarquer. Tes dents claquent et tes extrémités tremblent, vivement que le volatile revienne avec une bonne nouvelle.

“Pourquoi l’idée ne t’est pas venu deux mois plus tôt ?”
Fais-tu mines de râler.

#staff