Les semaines passent mais les plaies ne se referment pas et parmi les nahualli, la cicatrice de la bataille de la Terre Brûlée pulse encore d’une énergie vengeresse. Ce sont des adelphes, des amant‧e‧xs, des ami‧e‧xs, des aïeul‧e‧xs qui ont péri sur cette Terre que les cittadini ont osé toucher de leurs lames. Ce sont les enfants de la forêt qui ont rendu leur dernier souffle ou en ont extirpé cent de leurs gosiers arrachés par les tortures. Ce sont elleux, les nahualli, qui ne peuvent se permettre la perte et qui pourtant la vivent dans leur chair. Le village s’agite, les esprits s’emballent et chacun‧e veut y aller de ses crocs, de son venin, de ses griffes. La colère n'est pas sourde, elle est aussi bruyante que la douleur de laquelle elle naît, bouillonnant dans les entrailles de celleux qui ont osé braver la mort.

Le messager s’est fait la flèche de cette colère qui brûle haut et fort dans ses yeux sombres. S’organiser pour mieux trancher les gorges. Un guetteur du village, un faune infiltré dans la Cité des Cimes et puis lui, dans cet entre-deux qui n’existe pas vraiment. Il semble n’appartenir plus à rien ni personne si ce n’est à la forêt, mais c’est peut-être déjà le cas depuis que la Cirque a fait tomber comme un couperet la sentence de sa demi-mort.
Ils seront donc trois pour traquer trois bourreaux. L’équité du combat lui importe peu, il faut seulement que des têtes tombent, pour venger celles arrachées et celles torturées.

Le rendez-vous est donné dans un code que seul‧e‧xs les nahualli peuvent comprendre et dont Nil a la spécialité. Rencontrer la cible sur son propre terrain de chasse, faire un pied de nez aux cittadini si prompt‧e‧xs à se penser intouchables. Les trois silhouettes sont tapies dans l’ombre et c’est dans un chuchotement que le récemment nommé faune vient délivrer le plan à ses compagnons du soir. Les branchages les protègent et pourraient presque faire oublier qu’ils ne sont pas dans la forêt qu’ils connaissent si bien, s’il n’y avait cette tension des corps et des esprits qui anime jusqu’aux yeux une flamme de pure détermination.

« Je vais aller dans le ciel pour vous guider jusqu’à la cible et redescendrai vous aider à le maîtriser. Avec le venin de Nil, je pense qu’on n’aura pas de mal à le faire parler. »

Sans un mot de plus, le faune s’élance vers les cieux, étendant ses bras comme des ailes pour ne devenir qu’une petite silhouette noire se détachant à contre-jour dans la lumière de la lune. Les Jardins Suspendus sont emplis d’une quiétude rare que l’on ne trouve qu’aux petites heures du jour, vides de toutes les âmes qui viennent s’y promener durant la journée. Repérer la cible est donc un jeu d’enfant pour l’Oiseau, qui glisse entre les ailes du vent, usant des courants de l’air pour tournoyer au-dessus de lui et signaler à ses acolytes sa position.

Le Gibet, tu le côtoies dans l’ombre, tu le connais dans ses vices et dans ses imperturbables horreurs. Tu le connais comme tant autres ordures que ta hiérarchie te donne pour affaiblir la cité des cimes et décapiter leurs égéries. Tu tues les nobles, les important·e·xs, les fouteur·euse·xs de merde qui achètent la ville avec leurs possessions et leurs noms. Alors lorsque que tu apprends que le Gibet s’en est pris aux tien·ne·xs, c’est presque comme un sourire qui vient écailler tes lèvres gercées. Enfin. Enfin, l’ordre vous a été donné de le rayer de la liste sordide des putrescences de ce monde. Jusqu’à présent, c’est presque s’il vous aidait, s’occupant des malfrats et de de la petite canaille pour laisser faire les adultes. Mais son avarice l’a conduit trop loin, beaucoup trop loin.

Tu acquiesces au plan de Paz avant de te glisser dans l’ombre de Marigold pour gagner votre cible. Tu as contre toi les reflets de tes écailles dans la nuit, et plus encore dans la lumière noire, alors le couvet de Marigold ne t’est pas de trop. Bientôt, la cible devient proche, très proche, et le félin s’aplati sur le sol pour demeurer invisible. Toi, tu n’en as besoin, et commences déjà à escalader doucement le pantalon du malfrat

L’ocelot agit soudain, plantant des griffes acérées dans les épaules du Gibet tout en attrapant sa nuque entre en ses dents, en signe de domination. Par surprise, le malfaiteur en échappe son arme, un large couteau de boucher qui résonne sinistrement sur le sol. Tu pries à cet instant pour qu’aucune patrouilles ne vous découvre dans les jardins, mais ceux-ci semblent encore calmes.

La manœuvre de Marigold t’as permis de remonter le long du gros corps meurtrier, pour te placer exactement dans l’une de ses mains, que le Gibet porte instinctivement son visage pour découvrir un scorpion noir, dard en évidence.

La manœuvre est menée avec une souplesse rare, de celle des combattant‧e‧xs surentraîné‧e‧xs dont les gestes ne souffrent d’aucun doute. Même Marigold, qui ne fait pas partie des rares élu‧e‧xs faunes, exécute parfaitement le rôle qui lui est dévolu. Paz en serait presque impressionné, si la situation ne demandait toute son attention et sa détermination la plus pure. Une descente en piquet l’entraîne au plus près de l’action et à ses oreilles résonne le bruit sourd du couteau qui s’échoue sur le sol terreux des Jardins Suspendus. Le martinet plane dans le dos du Gibet, pour se transformer dès son retour au sol à l’abri du regard du bourreau. Sous les arbres, la lumière de la lune est ténue et projette des ombres menaçantes, mais les branches ne sont témoins d’aucun frisson d’angoisse ou de terreur. Tous ici savent trop ce qui se trame pour que la peur ne les assaille. Les gestes sont aussi froids que le blizzard et les regards acérés comme des lames.

Paz contourne sans bruit le corps maîtrisé du Gibet, imposant par sa stature un respect qui ne brille pourtant pas dans les yeux du faune. Il n’y a que du mépris et du dégoût qui s’y mêlent dans un noir éclat de mort. Son sourire s’étire en promesse de douleurs à venir et c’est avec un calme glaçant qu’il brise le silence du lieu.

« Tu as le choix. Soit tu nous dis où on peut trouver tes ami‧e‧xs, soit tu meurs dans des souffrances que tu n’imagines même pas. »

Le faune ramasse le large couteau tombé au sol pour le faire tourner entre ses doigts entraînés. Le scorpion n’attend que de piquer, de déverser dans les veines du Gibet son venin assassin, mais Paz ne sera pas en reste s’il parle. Des souffrances il y en aura, pour venger les sien‧ne‧xs. L’agonie sera seulement moins longue s’il prononce les mots qu’ils attendent, mais agonie il y aura.


succès : il accepte de donner les informations.
échec : il préfère le venin.

Tes petites pattes où se devine de minuscules griffes prennent du plaisir à s’enfoncer pus profondément encore dans la paume du Gibet, comme pour t’y arrimer. Il ne pourra pas te chasser, et toi, tu as la voie libre pour le menacer et bientôt, le renvoyer dans les poisseuses ténèbres dont il semble le suppôt. Lorsqu’il te considère comme un vulgaire scorpion de compagnie, tes pattes se tendent et ton dard se fait de plus en plus menaçant, alors que quelques gouttes de poison y perle déjà.

La proposition du Gibet pour se sauver la mise ne suffira pas à l’épargner, et lorsque Marigold te donne enfin le droit de l’anéantir, tu n’hésites pas. Fermement arrimé à sa paume où dégouline déjà quelques gouttes de sang, ton tard s’enfonce vivement en plein cœur de son poignet, là où les veines sont les plus saillantes et vives, là où le sang n’aura besoin que d’un tour pour venir anéantir tout ce qu’il reste du Gibet.

Son corps tombe lourdement sur le sol, et tu reprends forme humaine, les yeux brûlants de haine. Un crachat est ta seule considération pour ce cadavre, avant de te tourner vers tes deux compagnons : « La Double Main se trouve derrière la Cattedrale. » Tu jettes un regard vers le ciel. « La nuit avance, il faut partir tout de suite. » avant de réendosser ton animal-mémoire pour dévaler dans les ruelles, direction l’antre de l’Autorité.

Les mots pleins de fiel se déversent dans le pesant silence qui précède l’exécution. Le bourreau devient l’accusé mais sa défense n’en est pas une, juste une dernière provocation qui marque son arrêt de mort. Le possessif dessine une grimace de dégoût sur les lèvres de Paz, en miroir de celle que l’on peut apercevoir entre les rayons de lune sur le visage de Marigold. L’estime inexistante pour le Gibet vient encore de baisser, si cela est même possible. Le faune n’a rien à redire de l’ordre du jeune guetteur, laissant à Nil tout le loisir de montrer à l’affreux humain qu’il n’est le scorpion de personne.

Le dard n’attendait qu’une inflexion de voix pour se dresser et plonger au cœur des veines pour répandre son poison mortel. Il n’y a pas de cri, le corps tressaute et s’effondre sur lui-même sans lutter, comme s’il savait que se battre ne ferait qu’accentuer les douleurs. Il ne reste bientôt plus rien à sauver du cadavre dont la dernière respiration chasse tous les possibles enfers qu’il aurait pu faire subir. Pas un regard ne se pose sur lui, abandonné sur le sol comme un vulgaire pantin, seulement un crachat pour toute marque du mépris immense qu’il pouvait éveiller.

Nil leur donne les prochaines indications et aucun de ses compagnons ne songe à lui demander d’où il tient ces informations. Il s’agit de Nil, après tout. Il ne faut pas poser de questions, il sait, c’est tout. La course reprend, Paz plane dans le ciel assombri de nuages où menace la pluie, jusqu’à ce que l’immensité de la Cattedrale se profile devant ses yeux. Il lui faut descendre en piqué vers le sol pavé avec soin de la Ville Haute et se transformer dans un saut pour gagner les ombres du monument écrasant de hauteur et d’autorité. De l’autre côté de l’antre pandémonique se trouve leur cible, et si Paz voudrait se précipiter dans un élan de vengeance, il sait que ce serait la chose la moins intelligente à faire. Alors il se tourne vers ses compagnons qui ont tôt fait de le rejoindre.

« Vous avez un plan ? »

Un de moins sur votre liste mortuaire. Tu ne quittes pas ta forme animale pour rejoindre la Cattedrale, vaste édifice sombre ciselant la nuit. Tu ne te retransformes que lorsque tes compagnons et toi vous trouvez dans l’angle d’une petite ruelle, à l’abri des regards. « Ce que je vous propose : Marigold, tu escalades la cathédrale et tu te tiens prêt avec ta sarbacane. Paz et moi, on trouve la Double Main et on la fait sortir pour que tu puisses l'abattre. » L’empoisonneuse ne pouvait pas être loin. Sans doute habitait-elle dans une petite casette à l’arrière de la Cattedrale, ou dans une autre cachette plus difficile à cerner. C’était la raison pour laquelle il était plus prudent que Marigold reste en hauteur ; d’un oiseau ou d’un scorpion, il était le moins discret.

Une fois transformé, tu pris le chemin de la première casette attenante à la Cattedrale, une petite bâtisse blanche ratatinée qu’il était facile de manquer dans cette rue peu passante. La Double Main avait sans doute un accès à la Cattedrale, d’une manière ou d’une autre. Prudemment, tu pénétras dans la bâtisse par un carreau de fenêtre laissé entrouvert.

succès c'est la cabane de la Double Main, et découvrir par surpris un scorpion au dard pointant sur elle la fait sortir en criant.
échec c'était juste la maison de l'un des moines.

Dans l'ombre des bâtiments, à l'angle d'une petite ruelle, les trois compagnons jurent avec le calme vide de la place entourant la Cattedrale. S'ils s'attardent trop ici, ils auront tôt fait d'être repérés et avec l'atmosphère régnant ces temps-ci dans la Cité des Pies, les suspicions pourraient bien leur être fatales. Il faut donc se dépêcher, bien vite se mettre d'accord sur un plan et l'exécuter sans anicroche. Paz n'a rien à dire de plus qu'un hochement de tête d'approbation avant de se retransformer en oiseau pour se fondre dans la noirceur nocturne. Seuls de rares rayons de lune viennent faire luire ses ailes de sombres éclats.

Du ciel, le faune observe le scorpion se faufiler par l'ouverture d'une fenêtre, avant de venir se poser sur le balcon de la casette d'en face pour être prêt à intervenir en cas de besoin. La probabilité que la première maison visitée soit celle de la Double Main est faible, et pourtant. Et pourtant la chance leur sourit dans leur mission, comme si la Lune veillant sur eux insufflait aux événements mortuaires de la nuit toute la chance dont ils pourraient rêver. C'est bien la Double Main qui se révèle aux yeux des deux nahualli attendant derrière la porte, poussant un couinement de peur qui ferait presque rire Paz, s'il n'était pas si tendu par la situation.

L'oiseau jette un coup d'oeil vers les hauteurs de la cathédrale, le coeur battant dans l'attente de la fléchette empoisonnée. Son corps reste tout entier tendu, sur le fil de la transformation, au cas où le tir manquait sa cible et qu'il devait intervenir pour l'immobiliser.

Lorsque la Double Main, sous l’effet de la surprise de voir un scorpion débouler chez elle, sort dans la rue, il ne faut que quelques secondes pour que Marigold ne la touche avec sa sarbacane. Tu reprends forme humaine alors que tu te précipites sur le corps pour le mettre à l’abri, aidé de Necahual, dont vous aviez été tenus informé de son arrivée. « Tu arrives au bon moment. » tu lâches entre tes dents en aidant à déposer le corps dans un coin sombre de la ruelle.

Mais à peine Necahual commençait à menacer la Double Main que des bruits de pas se firent entendre dans la ruelle, dont le tempo des bottes si caractéristique te fit sans mal comprendre qu’il s’agissait de milicien·ne·xs. Vous n’avez pas beaucoup de temps, et te retransformant en scorpion, tu t’éloignas de la planque avant de reprendre discrètement forme humaine et de jeter un pavé dans une fenêtre en contre-bas pour tenter d’attirer les milicien·ne·xs loin de vous.

réussite : le pavé détourne l'attention de la milice qui s'en va.
échec : la ruse de fonctionne pas et la milice vous repère.