Ombre de crasse que tout le monde ignore, ou préfère ignorer parce que son existence même semble être une hérésie à leur sens commun, il est facile de se terrer dans la pénombre qui lui fait office de berceau et observer les autres. Observer les pandémoniques et se prétendre être l'un d'elleux, dans une cape pourpre sombre à se prendre pour Batman catholique, la démarche flegmatique et suave qui irait si bien au comédien des rues basses qu'il est lorsque sa propre faction ne l'accepte pas réellement. Acceptation seulement pour sa capacité de persuasion chaotique, parce qu'il y a vraiment que ça qui compte finalement.
C'est dans cette intention un peu floue et plus que bancale qu'il se retrouve envoyé sur une mission — Dissident, qu'iels disent — dont l'objectif lui échappe quelque peu. C'est toujours sympathique de voir de nouvelles personnes intégrées un groupe où elles se sentent bien. Bon, vénérer un Dieu qui dicte la restriction traditionnelle c'est autre chose, quelque chose de pas forcément ouf, mais à ce stade c'est leur problème. Puis ce n'est pas pour déplaire à Ezra de rentrer dans le rôle d'un orateur et de prêcher sa parole à lui. Pas la foi zutique, mais la foi Lestrange. Tiens, ça risque de donner.

C'est ainsi qu'il se retrouve à se faufiler chez le soit disant orateur. Pauvre âme qui ne s'attend pas à ce qu'il va lui tomber dessus, mais quand on vit dans un tel monde, il faut toujours s'attendre au pire — que c'en est triste, si ce n'était pas aussi divertissant. Les deux zutiques — lui et l'autre dont il a oublié momentanément le prénom — qui rentrent un peu trop facilement chez l'orateur — on y entre comme dans un moulin aurait pris tout son sens, si l'orateur vivait effectivement dans un moulin — parce que les rouges et noir·es ont une confiance absolument en le secret. Secret de son cul, à l'évidence alors que l'identité secrète pas si secrète que ça de l'orateur leur a été révélée avec presque autant de facilité qu'ils se sont invités chez lui.

Le regard baladeur qui prend note du décor sobre — évidemment, rendons à César Dieu ce qui appartient à Dieu — qui se dresse devant lui, avant de sauter sur la table de bois noir pour poser son cul dans une révérence qui n'est respectueuse qu'à ses yeux. « Sur ces collines, près de la mer, j'ai vu Henry Miller. Je ne sais plus si j'aime encore la vallée de la mort. », le sorcier mélomane se met à chanter, fait vibrer ses cordes vocales comme pour échauffer sa douce voix suave et tester l'eau du charisme hypnotique désagréable qu'il exerce avec son sort de tricheur.
Les notes se taisent, et il sourit d'un sourire qui n'est pas aussi chaleureux ou avenant qu'il le voudrait. « N'aie pas peur papy. » Oui, c'est lui qui parle alors qu'il atteint bientôt les quatre siècles. « Personnellement, je n'aime pas la violence non nécessaire. Drôle anecdote : elle est souvent tournée vers moi. » Et il n'en semble pas malheureux ou traumatisé. « Tu nous donnes ce qu'on veut, et tout se passe bien. On préfère que ça se passe bien, évidemment. On veut juste se faire une petite scène de théâtre, toute simple toute tranquille, au moment du prêche. Parce qu'on est ce genre d'artiste torturé·es. » Il attrape une pomme qui se tenait dans le panier à fruits sur la table et croque dedans.

Facilité risible teintée d'une pointe d'ironie qui donne un sourire goguenard à Ezra qu'il n'essaie même pas de masquer. Parce que pourquoi faire un effort de ne pas paraître pour un total connard désagréable quand il n'en a pas grand chose à foutre — si ce n'est même, rien du tout. Duo tapageur qui n'est en rien ravageur, et pourtant l'étrangeté qui arrive à s'immiscer non seulement dans les appartements du prêcheur soit disant secret, mais aussi et surtout dans son système limbique en plein dans la tombe vivante de sa peur. Les sorciers en deviennent ses pauvres neurones et le manipulent à merveille pour obtenir le mot de passe dans un même tour de passe de passe qui consiste simplement en leurs charismes respectifs déroutant. L'hypnose d'un déchet et l'apparition soudaine d'un mec que l'on aperçoit que trop tard. Deux charmes opposés de deux hommes qui se ressemblent trop — et peuvent se blairer autant que les zutiques s'aiment entre elleux.
Aucune résistance, Ezra qui commence le joli poème des menaces habituelles pour que les vers soient complétés avec une aisance déconcertante par @Alyosha Dahl, comme s'ils avaient répété ces quelques lyriques pendant des heures avant de se décider de pénétrer par effraction évidemment et évidente dans l'espace privé de fébrile pandémonique. S'il avait été un peu plus combatif, probablement que ç'aurait saoulé le terrien de passer le premier obstacle si rapidement — faut dire que c'est une petite trotte de l'appartement à la cathédrale, c'est chiant de faire le trajet pour quasi rien. Mais partisan du chaos dans le moindre effort, ce n'est pas pour déplaire son flegme que d'obtenir ce qu'il veut en l'espace de trente-sept secondes et demies. « Merci papy ! Ça fait toujours plaisir quand on se comprend, même entre pandémonique et zutique. Le monde n'irait pas mieux si c'était toujours ainsi ? » Un baiser plein de jus de pomme sur le front pour accompagner ses paroles faussement bienveillantes.

Bon, maintenant c'est qu'il fallait aller à la cathédrale et pas que le prêche n'ait trop de retard sinon ça en deviendrait suspect, parce que le quart d'heure parisien n'est pas zutique — askip. Il ne sait plus s'il y a un ou deux zutiques qui montent la garde en bas de chez le prêcheur, mais il espère grandement que si l'un est déjà à la cathédrale, il saura faire le show pour divertir la foule fanatique en attendant son arrivée théâtrale. « Cher larbin du cul de Dieu, pour bon service rendu à la société, tu as gagné le droit de te déshabiller et de te foutre dans le placard. Celui de ton choix, le plus grand sera peut-être le plus confortable. » Il lance un coup d'œil à @Alyosha Dahl pour qu'il s'occupe lui-même du groom de ces divinités, enfin plutôt cette divinité parce que Dieu unique tout ça tout ça, pendant que lui enfile la toge rougeâtre du religieux. « Ça peut ressembler à un kink, de se déshabiller pour se faire enfermer dans un placard, surtout avec les cordes qu'on a prévues. Mais je peux vous assurer que c'en est pas un. » Deux secondes de réflexion. « À part si c'est ce que vous aimez et que vous voulez que c'en soit un. » Après tout, il est religieux mais il aime peut-être le sexe. Ou peut-être que c'est la seule chose qui se rapproche du sexe qu'il aura dans toute sa vie.

Une fois la toge pourpre ajustée sur ses épaules, la capuche ample sur sa tête qui cache la moitié de son visage pour masquer également son identité — on dirait il va à un carnaval putain, ce n'est pas pour lui déplaire —, il s'admire dans un miroir. Okay, ça fera l'affaire. « Let's go, monsieur Dahl ? » Ce n'est pas tout, mais c'est qu'ils ont encore du pain sur la planche pour déverser un chaos d'une échelle divine.