Ohanzee n'est pas toujours le premier sur la ligne de front quand il s'agit de défendre les intérêts zutiques, mais quand Jana lui a proposé de protéger un entrepôt d'une descente solmène, il n'allait pas refuser de mettre à mal les plans de la faction haïe. Alors il se retrouve sur le toit du petit hangar, perché sur le rebord avec ses allures d'oiseau de mauvais augure, à observer d'un regard scrutateur les alentours. Il vient d'aller poser deux bouteilles fumigènes à quelques dizaines de mètres des murs du bâtiment, faisant confiance à Jana pour les faire exploser au moment venu. Et puis si les solmènes ne débarquent finalement pas, il trouvera toujours une utilité aux deux armes à demi cachées dans l'herbe.

Il lance un sourire acéré à son amie qui semble bien contente d'être de cette mission, et il ne peut que partager son sentiment. Ses mains s'animent pour lui répondre, tandis que son regard se porte à nouveau sur le paysage qui les entoure, pour ne pas se faire surprendre par une arrivée impromptue de leurs ennemi‧e‧xs.

"C'est dingue qu'iels aient encore des partisan‧e‧xs, avec toutes les dérives complètement folles qu'il y a. Mais apparemment si, et il y a même des gen‧te‧xs plutôt sain‧e‧xs dedans."

Ses paroles silencieuses lui tirent une grimace, le renvoyant aux retrouvailles surprises avec Liv. Il ne comprend pas pourquoi elle reste dans cette faction délétère et aux idéaux fanatiques. Il faudrait qu'il lui en parle pour mieux comprendre mais il n'est pas certain de vouloir s'y confronter.

bouteille fumigène Bouteille scellée de plomb, son ouverture répand un épais nuage de fumée dans un rayon de 40 mètres, qui se dissipe en 20 minutes.

Pourtant habitué à l’art de la confrontation, Lotario était fébrile ; il sentait une anxiété glaciale le prendre au cou pour l’étrangler, et c’était pour lui un effort insupportable de résister à l’instinct, qui lui disait de tout foutre là avant que ça commence à péter. Il voulait s’attirer la confiance zutique et ça ne pouvait pas se faire sans se salir un peu les mains, il le savait. Les risques connus, mais pas nécessairement acceptés, il espérait faire un peu de damage control, empêcher les deuils à gauche et à droite, autant chez les zutiques que chez les solmènes. C’était peut-être le complexe du sauveur qui se développait peu à peu en lui, après une vie à ne servir que lui-même, mais c’était surtout cette peur d’aller trop loin, et de la perdre aussi. De devenir zutique plus qu’en nom.

Alors il veillait avec les deux autres, les trois comme des gargouilles protégeant Rome des invasions barbares. Leur palais était un hangar dans le Quai des Ambres, et leur ennemi était l’ordre en place. C’était elleux, les « barbares », du moins, c’est l’idée qui prédominerait dans les journaux, dans les prochains jours. Suffisait qu’il y ait des mort.e.s cette soirée-là, et on dirait que ce serait une « boucherie », un « massacre » commis par « les pires représentant.e.s de la race humaine », car seul.e.s celleux-là, des monstres, avait l’horrible prédisposition nécessaire pour devenir un.e sale zutique. Les petits journaux seraient en extase et la chronique nécrologique contaminerait tous les numéros spéciaux de la semaine. Cittàgazze serait elle aussi étranglée par l’anxiété, car aucun changement ne vient sans violence, aucune révolution n’est accomplie sans des renversés, aucune guerre n’est gagnée sans mort.e.s. Lotario comprenait ça, mais ne l’acceptait pas.

Il connaissait les méthodes zutiques, il savait quel type était attiré par les attentats, le feu et le sang. Lui, il croyait en quelque chose, peut-être. Pas en la suprématie solmène, ni en n’importe quelle autre suprématie. Certainement pas en l’anarchie. Et donc, même s’il admirait cette force des zutiques, prêt.e.s à défendre coûte que coûte leur droit d’exister, leur droit à un futur, il ne pouvait s’empêcher de penser que les mauvais éléments étaient trop nombreux. Il n’avait aucun respect pour les nihilistes, aucune envie de s’associer à eux. Il voyait ainsi la mission de ce soir comme une tâche pénible à accomplir. Et, même, s’iels pouvaient échouer, ce ne serait pas si mal, car enlever les explosifs aux terroristes nihilistes, c’était une idée plutôt mal. Félicitations aux solmènes.

Sa couverture était la chose la plus importante. Il ne pouvait pas aller entièrement contre la mission, même s’il le voulait bien. Et, heureusement, il était en équipe avec probablement deux des zutiques les plus censé.e.s, ce qui en disait beaucoup sur la faction, considérant que Jana comptait parmi elleux. Ohanzee, lui, était une présence silencieuse, mais bienveillante – Lotario ne comprenait pas comment il s’était retrouvé chez les zutiques, mais il ne connaissait pas son histoire. Il savait également qu’il entretenait une amitié avec Liviana, ce qui, tout de suite, le rendait précieux à ses yeux. Il devait y avoir quelque chose en ce jeune homme qui méritait son respect. Cependant, le chasseur de primes ne comprenait à peu près rien au langage des signes, ce qui tout de suite impliquait une certaine difficulté de communication.  « Je suis désolé, je ne comprends pas très bien. J’espère juste que tu renchérie pas sur ce que Jana raconte. Y’a des gens bien chez les solmènes. J’en étais un, y’a pas très longtemps… »

Il était venu les mains vides. Ce n’était même pas pour saboter les opérations. Vraiment, il n’avait aucune arme disponible, pas de grenades ou de fumigènes. Cependant, il avait, comme toujours, Palimpseste, qui faisait déjà des rondes au-dessus d’elleux, à distance maximale de Lotario. Ainsi, il serait possible de voir les solmènes arriver… s’iels n’avaient pas déjà pris les mesures nécessaires pour rester caché.e.s.

Il y a certes des gens‧te‧xs bien chez les Solmènes, Liv' en est la preuve, mais iels sont rares et l'acrobate ne démordra pas de cette idée. Il a trop fait les frais de leurs dérives illuminées pour se laisser convaincre d'une telle chose et est persuadé que de rester dans cette faction ne peut mener qu'à un endoctrinement des plus mortifères. Il n'a pas le temps de répliquer - et de toute façon, Lotario n'aurait pas pu le comprendre -, que les premiers signes de la présence de la milice se répandent sous leurs yeux. Les bouteilles explosées relâchent les fumigènes, noyant dans un épais et étouffant brouillard les silhouettes armées. Les corps se tendent, les sens à l'affut, dans la préparation du combat à venir.

Jana ne met que quelques secondes à réagir, preuve de l'habitude et de l'endurance dans les luttes armées. Temps de latence avant qu'Ohanzee ne prenne à son tour part à l'action, obéissant aux ordres lancés par la chasseresse. Se saisissant d'une grenade, il s'élance du toit et s'envole de l'autre côté du hangar pour atterrir tout en souplesse sur la terre battue. Les silhouettes et les toux sonores sont étranglées par la fumée impénétrable et le funambule doit jouer le jeu du hasard en lançant la grenade dégoupillée aux limites du nuage gris avant de se mettre à l'abri, espérant faire reculer la milice. Les grenades sont sans doute pour l'instant leur principal allié, car poser une bombe de ruines si près du hangar risquerait de faire des dégâts aussi importants sur leurs ennemis que sur la propriété de la faction.

Le souffle se coupe quand la déflagration retentit, alors qu'Asha pointe son bec au-dessus du rocher derrière lequel iels se sont abrité‧es dans l'espoir de distinguer l'effet qu'a pu avoir l'explosion. Mais rien ne semble indiquer de dégâts chez les milicien‧ne‧xs, ni injures ni cris.

Dés:

loupe de galilée Une loupe révélant quelque chose de caché dans un rp, une mission ou une intrigue globale. Utilisable une seule fois par rp.

Grenades : 4/6

Cartes utilisées:

Réfugié derrière son rocher, Ohanzee tente de jeter un coup d’œil sans se mettre en danger – si la situation le permet réellement – mais la fumée est bien trop dense pour qu’il puisse apercevoir quoi que ce soit. Des silhouettes se dessinent derrière les nuages sans rien laisser deviner de leurs visages. C’est Asha qui vient lui pincer le cou de ses serres, quelques secondes plus tard, pour lui dire de regarder encore une fois par-dessus leur abri. Cette fois-ci, un coup de vent relevant presque du miracle dégage un instant les brumes pour leur révéler ce qui se trame en leur sein, donnant à l’acrobate un aperçu de celleux contre qui iels se battent. Le galon doré luit dans la faible lumière du crépuscule, accrochant l’œil et accélérant la respiration. Ohanzee n’a jamais fait trop confiance aux alchimistes et leur science est pour lui bien trop imprévisible pour qu’il se risque à les abattre. Et puis les milicien‧ne‧xs sont trop organisé‧e‧xs pour que la mise hors d’état de nuire de deux des leurs soit un réel facteur de victoire. D’autres viendront en renfort, c’est certain.

Dans sa main, les mèches des grenades restantes se désagrègent soudain, et c’est un festival d’insultes et de remontrances qui se déchaine dans la caboche de l’Oiseau. Les milicien‧ne‧xs sont en surnombre et cette histoire va mal finir, il le sent. Il peste intérieurement quand la seule solution qu’il trouve est de se replier dans le hangar, prenant le risque de se faire exploser. L’esprit est pris dans le tourbillon des événements, étudiant à une vitesse folle toutes les solutions qui s’offre à elleux. Lotario et Jana sont hors de vue et il espère que c’est pour le meilleur, qu’iels ont réussi à se mettre en sécurité.

Tapi derrière un caisson certainement rempli d’explosifs, le brouillard des fumigènes vient envahir ses poumons, manquant plusieurs fois de faire tousser Ohanzee tant le goût âcre râpe la gorge écorchée. La réflexion effrénée est interrompue quand une voix s’élève d’entre les brumes pour se rapprocher de plus en plus d’elleux. L’accent gazzi est à couper au couteau et ne peut appartenir qu’à un‧e milicien‧ne‧x, il en est certain. La rage s’éveille, mordante, à l’idée que les solmènes puissent prendre le contrôle d’une autre partie de la ville. Hors de question qu’il en soit ainsi. Mais le‧a milicien‧ne‧x s’approche et le temps joue contre lui, surtout quand les cris de Lotario s’élèvent pour prévenir tout le monde de l’explosion qui va survenir. Le feu est proche, gagnant peu à peu toutes les caisses, et il faut qu’il se tire de là. Il faut qu’il se tire de là mais il enrage de laisser derrière lui la possibilité de mettre à mal, ne serait-ce qu’un peu, l’autorité des solmènes. Alors il attend encore un peu, se concentre pour distinguer, parmi la fumée et l’odeur de la poudre, la présence d’un esprit du feu. Il ne faut que quelques secondes pour que le‧a haut‧e‧x gradé‧e‧x ne se retrouve encerclé‧e‧x par les flammes, montant de plus en plus haut avant que tout n’explose.

C’est tout ce qu’il fallait pour qu’Ohanzee prenne la fuite, courant aussi vite qu’il le peut pour fuir les flammes et les déflagrations qui commencent déjà à percer ses tympans. Il court dans une fuite effrénée, laissant derrière lui le‧a milicien‧ne‧x qui, s’iel est sauvé‧e‧x, aura au moins le mérite de ralentir les autres membres de la troupe si une course-poursuite se met en branle.

réussiteAssure la réussite de votre action ou de votre sort, quel que soit le résultat des dés.