Derrière une barricade en pierre qui surplombe le Lonely Ocean, le messager triture une enveloppe entre ses doigts. La mine anxieuse, il observe la tâche d'encre baveuse et diffuse qui a remplacé l'adresse du destinataire. Si seulement il avait été de nature plus soigneuse, la lettre n'aurait pas été mutilée par la pluie, et il n'aurait pas eu à ouvrir ce courrier qu'il préférait cerné de mystères.
Maintenant, il était envahi par la paranoïa et par des visions d'horreur dans lesquelles il se faisait cerner par une mère tarentule et ses adeptes. Loin d'être averti de tous les enjeux autour de la “spider queen”, la demande explicite d'un empoisonnement avait suffit à lui glacer le sang et à ne pas vouloir en savoir davantage.
“Qu'est-ce que tu attends ? Débarrasse-t'en !”Déjà chevrotant, la voix grinçante de son daemon le fait sursauter et la missive lui échappe des mains. Elle est remise au grès du vent et bientôt au grès de l'eau, là où elle ne pourra plus menacer personne. En tout cas, c'est le souhait naïf qu'alimente les espoirs du sorcier.
“Maintenant on ne peut plus faire le lien avec toi, t'es hors de danger.”Whisper fait mine d'être convaincu par les efforts de son volatile et hôche la tête d'un air entendu. Pourtant, il fait rapidement volte-face, préférant retourner dans les dédales vivaces de la Ville Basse plutôt que de rester seul au bord d'une falaise avec une cible accrochée au milieu du dos.
[...]
Le Lovelace se mouve jusqu'aux escaliers aériens pour rejoindre l'artère la plus animée de Cittagazze, celle où se succèdent alternativement bars et maisons de passes. À plusieurs reprises, il refuse les avances de travailleur.e.xs trop volontaires. Rien d'étonnant alors, à ce qu'il confonde lorsqu'on l'interpèle à nouveau en agrippant son poignet.
“Je ne suis pas int-”Les paroles se meurt lorsque les émeraudes trouve le visage de la responsable, une enfant au souffle saccadé par l'effort qui tient sur son épaule un sac à l'odeur de terre humide. Exempté d'hésitation le messager la déleste aussitôt, aidé par la force surhumaine qu'est pourvu son espèce.
“Je dois emporter ce terreau à l'Oliveraie !”
La fillette amorce le pas sans laisser d'autres choix au sorcier que de la suivre. Devant la candeur de l'enfant, il ne se doute absolument pas qu'elle le mène tout droit dans la gueule du loup.