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Elle pèse au moins une tonne. Ou peut-être même deux. J'ai eu peur qu'en la mettant sur L'Oiseau, la machine à trésors ne soit trop lourde et qu'elle ne mène le bateau à sa perte, dévoré par les fonds marins sans plus de cérémonie. Mais les planches de bois tiennent bon ; il n'y en a pas une qui se brise, pas une qui coule. La barque flotte, la machine avec elle, et ce ne sont pas nos petits poids plume avec Djinn qui devraient faire pencher la balance. Alors, essoufflée, je regarde mes frères qui m'ont aidée de leurs bras musclés d'explorateurs aguerris, et j'ai sautillé avec le peu d'énergie qui me restait. Car armer mon bateau de sa plus belle arme pour chasser les reliques et les merveilles rendait tous mes dernières rêves possible : j'étais désormais exploratrice sous-marine, accompagné de cette bête de ferraille rutilante et de ses engrenages qui demandaient de l'attention et de l'huile de coude. Je ne me contentait plus de voguer, partir à la recherche de nouvelles terres, je partais aussi à la recherches des objets disparus et oubliés. Ces souvenirs et ces vies abandonnées dans les bras de la mer qui les ramène, toujours, à bon port.

Mais dans les faits, je n'avais encore rien trouvé d'autres que ce qui s'échouait sur les plages. Je n'avais pas encore pris la peine de vagabonder, fouiller, creuser et repêcher les petites silhouettes brillantes sous les vagues. C'était le projet ! Et pour le mener à bien, j'avais demandé à Grimm de m'aider à reconstruire cette sorte de... filet de chalutier, à moitié grue et à moitié grapin, dont j'avais justement récupéré les quelques morceaux çà et là. Machine fin prête - ou presque -, à présent il me fallait un·e compagnon·e pour partir à la pêche, quelqu'un·e qui aurait la connaissance nécessaire pour savoir de quoi serait composé nos prochaines trouvailles. Le visage de Djinn était apparu naturellement dans mon esprit, son sourire et sa curiosité, mais aussi surtout cette capacité inestimable qu'il avait à savoir exactement la vie passée des objets récoltés. Petit conteur d'histoire et du passé, il nous permettrait de pouvoir évaluer nos trésors et leur offrir une seconde vie en nous inspirant de la première qu'ils ont vécu.

Notre première mission, cette après-midi, serait simplement de partir en eaux suffisamment profondes et de tester la bête. Tester la machine, remonter un ou deux sacs de trouvailles, voir si l'on obtenait des choses intéressantes ; mesurer également le temps que tout cela nous prendrait, l'énergie demandée, combien de fois fallait-il tourner la manivelle pour espérer remonter autre chose que du sable, des poissons, des cailloux et des coraux ? La machine allait-elle tenir, également ? Ou devrais-je aller pleurer dans les jambes de Grimm pour qu'il me construise un nouveau prototype ? Après tout, ces piliers de métal n'avaient ni ailes ni hélices, ils n'étaient pas vraiment dans ses habitudes et ses compétences, alors je devais me faire à l'idée qu'il était bien probable que nous faisions face à un échec.

J'attends en tout cas patiemment, allongée sur le ponton où était attaché L'Oiseau, quand Djinn pointe le bout de son nez. « Alors, ça y est ? Tu es prêt ? T'as préparé à manger, à boire ? On va peut-être rester longtemps sur l'eau. C'est pas juste une petite aventure que je te propose, eh ! Je me redresse puis me relève, entre dans le bateau pour aller jusqu'à la barre et je le regarde en montrant que moi aussi, j'ai un gros sac rempli de quoi survivre. T'inquiète, j'ai des trucs déjà. Mais allez, viens, détache le bateau et on part, comme ça on perd pas de temps. ». Puis j'enfonce la main dans mon sac pour y repêcher un truc étrange trouvé le matin même au Porto Vecchio. Je le tends à Djinn : il s'agit d'un tout petit objet rectangulaire en plastique, coloré d'un jaune encore vif malgré le sel, qui d'un côté est creux et de l'autre sortent six petits cylindres. « Tiens, en attendant, tu serais capable de me dire ce que c'est ce truc et à qui ça appartient ? J'ai jamais vu ça. ». Puis nous voguons, nous éloignons doucement, le cap vers l'infini et le cœur gonflé d'espoir pour que nous repéchions les plus beaux trésors.

Aujourd'hui, tu vas partir à l'aventure. Trouver des trésors dans la mer avec Pelagia, ça t'avait même pas effleuré l'esprit avant qu'elle ne te le propose. T'as déjà rendu des services aux explorateur‧rices qui te demandent parfois la nature d'une relique qu'iels ont trouvé, mais c'est toujours les objets qui venaient à toi, là c'est toi qui te déplaces. Et faut dire que tu as attendu ça avec impatience. Tu te vois comme un historien ou un archéologue, comme ces héro‧ïnes que tu admires dans les livres. Celleux qui trouvent des réponses. Finalement, c'est peut-être ça ta voie.

T'as préparé un sac avec des vivres, du matériel à dessin et même un manteau un peu plus chaud que ton pull à moitié bouffé par les mites. Pour l'instant le soleil est chaud, mais avec les embruns et ta santé fragile t'as peur d'attraper froid. Et tu sais qu'un rhume avec ton asthme ça peut vite être sacrément dangereux. Tu sais que tu dois te montrer prudent, mais t'as pas vraiment le choix que de vivre. Orion est avec toi, comme toujours, et il sautille sur place. Toi t'es plus calme. T'as bien entendu prévenu les Lucioles que tu partais en mer mais qu'il ne devrait rien t'arriver. C'est pas une sortie en bateau qui te mettra en danger. Et peut-être que tu trouveras des traces de tes parents, des objets qu'iels avaient sur leur sardinier. Tu te fais pas trop de films, mais t'aimerais bien quand même.

Tu rejoins Pelagia au port et elle a tout d'une fille de la mer allongé sur le ponton à côté de L'Oiseau. Tu la salues distraitement, les yeux déjà attiraient par l'engin métallique monté sur le navire. Tu l'avais pas vu avant, tu savais que Grimm travaillait sur une machine, mais tu t'attendais pas à ça. C'est grand et disgracieux, mais le grappin vous permettra de remonter plus facilement des merveilles. « Elle est énorme cette machine à trésors. Grimm s'est surpassé ! Tu sais s'il a encore les plans ? J'aimerais bien les voir. Et oui j'ai pris tout ce qu'il faut, j'ai même un manteau de pluie si jamais un grain se lève. » Tu lui montres ton sac de la main. Il est posé nonchalamment sur ton épaule. Tu détaches l'amarre et grimpes sur le bateau. L'exploratrice te tend un petit objet en plastique en te demandant si tu sais ce que c'est. « Je vais essayer d'avoir une vision. Je peux m'installer quelque part sans te déranger pour naviguer ? » Tu finis par pouvoir t'asseoir en tailleur dans un coin.

Le rectangle de plastique jaune est serré dans ta main gauche alors que tu fermes les yeux et que tu te concentres sur son poids dans ta main. C'est assez étrange comme truc. Ça t'a pas vraiment l'air utile. Et puis la vision vient. C'est flou. L'objet devait pas être très important. Mais tu vois des mains d'enfants empiler plusieurs briques comme ça. En fait les petits cylindres peuvent s'emboiter dans le creux d'une autre pièce. Ça permet de faire des constructions. C'est un jouet pour enfant, en tout cas cette pièce était à un enfant. « C'est un jouet je crois. Il doit y avoir plusieurs objets comme ça et on peut les assembler. J'ai vu un gamin qui faisait une tour avec pleins de ces petites briques étranges. C'est pas très précieux, j'ai pas pu avoir plus de détails que ça. »

Vous naviguez tranquillement, la mer est calme, tu te sens en sécurité ici. Et puis suffisamment au large, vous vous mettez à actionner la manivelle pour faire descendre la pince de la machine. Tu croises les doigts, t'aimerais vraiment que vous remontiez autre chose que des grains de sables. L'effort te fait transpirer, mais tu veux voir ce que ça va donner. « On va trouver des trésors., que tu chantonnes. » T'es plutôt guilleret et tu sifflotes. À vous les merveilles !