Les avancées des noénautes au sein du Consiglio depuis déja plus d'un an ne sont pas vues d'un bon augure par les milicien‧ne‧xs qui ont l'impression de se faire narguer par tous‧te‧xs ces nouvelleaux venu‧e‧xs en Haute Ville, tous‧te‧xs ces conseiller.ère‧xs et leurs ouailles qui encombrent les couloirs et augmentent leur charge de travail en matière de sécurité. Il faut faire bonne figure, bien sûr, mais la mise à jour de la Charte s'est faite sans la milice et ça : ça ne passe pas.

Alors, discrètement, certain‧e‧xs milicien‧ne‧xs ont été incité‧e‧xs à se renseigner sur ces nouvelleaux membres, à déterrer les cadavres du fond du jardin, à trouver les failles dans leurs nominations. Tout sous le manteau, bien entendu, car les solmènes ne peuvent pas se permettre d'esclandres actuellement, mais Dragon a bien compris le message qu'on lui a fait passer, et sa cible était toute trouvée.

Isle Mayfair, doyenne, veuve vivant sur une péniche du Porto Vecchio (hors juridiction solmène). De toutes les intrigues politiques et aventures, abritant les nimrodien‧ne‧xs et manifestant pour les analogues, il y a longtemps que son nom est connu de la milice (notamment pour cette fâcheuse bataille sur la glace lors du Blizzard). Dragon se met en route pour une visite de courtoisie, pour prendre la température du personnage lorsqu'elle se trouve chez elle, repérer les lieux, aussi, pour de futurs incidents (les péniches prennent si vite feu).

Elle a pris soin de quitter son uniforme, de descendre en civil, toujours méfiante dans ces rues emplies d'habitant‧e‧xs de la ville basse qu'elle connait moins bien, et dont elle ne peut jauger les réactions. Il lui semble qu'à chaque visite, les lieux changent, les couleurs et les noms des rues - quand elles en ont, que tout se meut comme un reptile ou un labyrinthe prêt à l'y perdre.

De loin elle remarque les péniches, se pose sur une bite d'amarrage pour observer les allées et venues en croquant dans une pomme. La haute silhouette et chevelure rousse de Mayfair se reconnait bien, même à distance, et Dragon la file un moment, triomphante à la voir se diriger vers le quai des ambrumes. Personne ne s'y rend pour des raisons légales : s'il y a bien un lieu où le trafic est seul maître, c'est ici.

"Mayfair, un moment je vous prie." Elle a suivi un chemin parallèle jusqu'à pouvoir l'accoster - une main dans le sac serait meilleure mais étant en civile, elle ne peut pas abuser davantage de son pouvoir. "Que viens-faire une honorable doyenne dans ce vieux bouge ? Vous ne prenez pas d'ambrume tout de même ?" Ah, si cela pouvait être si simple !

La doyenne a des griffes, et une certaine prestance, mais ça, Dragon s’y attend, cela fait partie du package. Les noénautes ne sont pas à sous-estimer, y compris leurs femmes indépendantes, que la milicienne admirerait plus volontiers si iels n’étaient pas tous‧te‧xs tout le temps en train de manigancer la chute de l’autorité solmène en Ville Basse, voir au delà.

L’explication d’une surdose est convenable, si l’on est pas une milicienne habituée, à la fois aux mensonges et à la fois à l’absence de pitié. « Et vous avez des talents d’infirmière en plus de tout le reste ? Cette personne malade ne ferait-elle pas mieux de se rendre à l’Hopital ? » Elle imagine très bien les raisons de ces soins sous le manteau, et il n’y a pas de place pour la charité dans sa logique. Fugitif‧ve‧xs, canailles, drogué‧e‧xs… les quais des ambrumes regroupent les pires brigand‧e‧xs de la ville, et, oui, quelques pauvres hères qui n’ont pas d’autre lieu où dériver. « Vous savez quoi ? Je vous accompagne, s’il faut transporter cette personne en urgence, deux paires de mains seront plus utiles. » On ne la fera pas partir si facilement que ça.

La milicienne hausse les épaules quant Mayfair l’accuse, répondant avec franchise – elle n’est pas là pour s’en faire une amie. « Il y en a un paquet ici pour qui ce serait une issue trop douce. Les agresseur‧euse‧xs, par exemple. Les meurtrier.ère‧xs. Celleux qui profitent de la misère des autres pour s’enrichir. A défaut de justice, toutefois, si l’un‧e‧x d’elleux meurt avant de faire d’autres victimes ? » Elle a une moue blasée, surveillant les alentours, et cette chouette qui lui jette des regards mauvais. « Bon débarras. »

Et de découvrir un sourire qui ressemble davantage à un avertissement, quand la doyenne tente de la taquiner sur sa présence. « Mais tout comme vous, madame. Je me mêle à la plèbe pour avoir bonne publicité. Ca doit être si dur, de maintenir une image de perfection comme la votre, non ? Toujours aider son prochain, surtout contre les solmènes… »

Cette suffisance, voilà ce qu’elle hait, parfois, chez les noénautes. Cette croyance d’avoir trouver la seule moralité possible, d’être meilleur‧e‧xs que les autres, avec leur programme reposant sur l’espoir pour endormir une population désespérée. Aider son prochain, oui, au détriment de l’ordre, au détriment de la logique, jusqu’à la surpopulation et le désespoir qui l’accompagne. Jusqu’à tomber dans le clientélisme, dans la loi des clans et dans le crime, tant de crimes qu’elle ne conçoit pas qu’Isle Mayfair ne soit pas elle-même mouillée dans tous les trafics qu’elle cautionne par sa présence.

Face à sa réflexion sur le mariage, Dragon ne peut que faire une moue de dégout. Elle n'a jamais trop cherché à comprendre le fonctionnement des autres mondes, avant l'Effondrement, mais tout ce qu'elle entend sur l'Alterre ne fait que la conforter dans une certaine supériorité. Cela explique certains tics de Mayfair, un traumatisme d'enfance sans doute, une faiblesse qu'elle se note donc de transmettre à ses supérieur‧e‧xs. "Et pas d'époux ? Devez-vous respecter une période de deuil avant de vous remarier ?" Tomas Covenant leur a donné du fil à retordre, à l'époque, et s'il est toujours regrettable de finir dévoré‧e‧x par les spectres, Dragon ne peut pas dire qu'il lui manque particulièrement.

Bien sûr, la doyenne prend mal le terme de plèbe, et l'alchimiste ricane. "J'en suis, de la plèbe. C'est simplement étonnant de voir des personnes de votre rang se mêler à nous autres pauvres sous-fifres." Si elle veut apercevoir de loin un‧e‧x aile de la grande prêtresse, elle doit prendre rendez-vous, et prier.

"Hm. Et donc si on vous traite mal, vous réagissez mal ?" Dragon ne comprend pas totalement cette manière de vivre, mais soit. Dans son métier, il faut savoir s'effacer sous les insultes, sinon elle ne serait plus responsable de maitriser les incendies, uniquement de les démarrer. Elle se contente ensuite d'un sourcil levé : rien contre les solmènes, sure, whatever help her sleep at night. La milicienne a vu bien trop de truand‧e‧xs tenter la carte de l'amitié pour se sortir d'affaire pour que ça fonctionne encore sur elle.

A leur arrivée sur les lieux, la solmène arrête ses piques, reprenant un air sérieux et dégageant ses mains pour accéder à son charbon de prédilection, au cas où viendrait à l'idée de qui que ce soit de taper sur du milicien. Elle n'aime pas franchement être enfermée ; à l'air libre, elle a plus d'espace pour utiliser l'oxygène de l'air et tout brûler, au besoin, mais au vu de l'état de la personne à terre, quelques pas de plus sont impossibles. Silencieuse - elle sait l'être, quand il le faut - Dragon observe Isle dans ses gestes médicaux. Effectivement, elle parait habituée à porter secours. Il est pourtant trop tard, pour la jeune femme ; une fois dévoré par l'ambrume, on en revient pas. L'Enclair est tout au plus une pause, jamais un moyen de se sevrer complètement.

"Si vous me donnez le nom de saon fournisseur‧e‧x, je peux vous en débarrasser facilement." propose-t-elle à Isle, une fois l'addict soigné. Moins il y a de trafics, mieux iels se portent tous‧te‧xs. Sauf si Mayfair préfère, au nom de son aide inconditionnelle, tendre la main aux absent‧e‧xs zutiques.