· mi octobre 33 ·

Avec ses hautes flèches prêtes à toucher les nuages et chatouiller la barbe de Dieu, au beau milieu du désert de la Terre Brûlée, elle se voit de loin. Avec ce mélange de matériaux entre la pierre de basalte, aussi sombre que les cœurs qui ont finit de construire l’édifice malgré la disparition de son architecte, et le granit presque rose, comme les joues fières des fidèles lorsqu’iels inaugurèrent la première ouverture de la lourde porte, oui : la Cattedrale Santo Balthamos se voit de très, très, loin. Sa terre désolée et inconquise, sa nouveauté faisant suite aux miracles et aux craintes, bien que sous le joug Pandémonique, lui donne cet air narquois d’une certaine neutralité. L’intérieur, pigmenté de couleurs par les pinceaux de quelques artistes, dépeint les contes récents de Cittàgazze, l’histoire commune des factions qui composent la cité, sans valoriser les hauts-faits des un·e·s ou des autres, plaçant le plus simplement possible l’ange Balthamos au centre des derniers miracles.

L’odeur camphrée de l’encens irradie la nef et le transept, sa fumée s’élève en quelques volutes jusqu’aux bas-reliefs sculptés, danse entre les arcs-boutants de l’étage et s’écrase contre les clefs de voûte des plafonds. Tout ce mélange brûle encore dans les narines lorsque les invité·e·s entrent et prennent doucement place sur les bancs alignés face à l’assemblée de toges rouges et brunes qui les a convié·e·s. Alors que chacun s’installe, que les Pandémoniques se saisissent de l’aile droite de la cathédrale, laissant tout le pan gauche aux Noénautes, Skye, Cornelius a ses pieds, reste debout derrière l’ambon en bois où elle repose lentement ses deux mains avant de prendre la parole.

« Merci à toutes et à tous de vous être déplacé·e·s, nous vous sommes très reconnaissant·e·s de venir, en ces temps difficiles et ombragés, durant lesquels nous ne devons pas perdre espoir. Et c’est justement pourquoi nous sommes très heureux·ses de vous accueillir au sein de la Cattedrale Santo Balthamos, au milieu de ces pierres à l’histoire déjà semée d'embûches mais que nous avons su traverser. C’est ce qu’elle représente pour nous, l’espoir ; et nous souhaitons le partager avec vous devant la menace du grand Dieu-Serpent. A cet instant, elle marque une courte pause, aplatissant ses paumes contre son texte qu’elle ne lit pourtant pas. Cees, lui, regarde l’aréopage devant elleux, leur Cardinal et les grand·e·s pontes Noénautes, toustes ayant les yeux rivés sur Skye. Car nous en sommes aujourd’hui persuadé·e·s : il n’y a qu’en nous unissant contre la peur, puisque c’est elle qui transforme les femmes et les hommes en hérétiques, que nous pourrons cesser de craindre le réveil de Quetzalcoatl. Pour cela, nous devons reformer le Poignard Subtil avant celleux qui souhaitent l’utiliser pour redonner tout son pouvoir à cette fausse divinité, et nous vous proposons ainsi de mettre en commun nos efforts et nos connaissances pour arriver à ce but. ».
Sa poitrine se lève en signe d’une grande inspiration, calme, et Skye se décale d’un pas assuré du pupitre, tendant sa main vers celui-ci, et invitant alors quiconque souhaite prendre la parole à se lever et venir déposer ses questions comme ses craintes aux oreilles de toustes.

HRP:

Comme d'autres, tu as fait le déplacement jusqu'à la cathédrale de la Terre Brûlée. Il vous faut négocier avec les pandémoniques pour une alliance contre les solmènes. Tu n'es pas opposé à l'idée en soit, les solmènes te semblent bien plus dangereux·se·s que les pandémoniques. Pourtant, de part ton histoire et de ce qu'a vécu ton clan avant ta naissance, tu ne peux t'empêcher de te montrer réticent à t'allier avec des personnes ayant la même religion que celleux qui ont perpétré les chasses aux sorcier·e·s. Tu acceptes qu'iels aient des croyances différentes des tiennes, mais pas qu'iels se permettent de nier en bloc l'existence des croyances des autres. Et puis, il vous faut aussi vous assurer qu'iels ne vous trahiront pas à la première occasion. Alors tu es là avec d'autres noénautes.

Arrivant dans l'édifice, tu hésites à y entrer un instant. Tu ne te sens pas à l'aise face à la cattedrale Santo Balthamos. L'ange existe tu l'as vu lorsque le lambeau de Quetzalcoatl a attaqué le dirigeable pandémonique, tu ne peux pas remettre leur croyance en cause. Pourtant, tu as l'impression qu'un piège pourrait se renfermer sur toi. C'est pas ton genre d'avoir peur, t'as su te mêler aux humain·e·s pendant des années et ici on sait qui tu es. D'ailleurs Mithra n'est pas près de toi comme les autres daemons. Il sait ce qu'il a à faire dans ce genre de situation. Tu veux qu'il soit tes yeux et tes oreilles pour t'assurer qu'on ne vous la mettra pas à l'envers. Après une inspiration, tu entres enfin dans l'édifice. À l'intérieur, les deux camps sont clairement marqués. Il y a les pandémoniques d'un côté et les noénautes de l'autre. Tu vas donc de ton côté et tu t'installes non loin d'Isle, ta collègue doyenne.

L'évêque prend la parole la première et tu écoutes attentivement ce qu'elle a à dire. Tu sais pourquoi vous êtes réunis, mais résumé la situation est toujours utile. Elle laisse ensuite la parole aux personnes présentes. Et c'est Isle qui se redresse. Tu te retiens de tiquer lorsqu'elle remet en cause l'existence du poignard. Ce n'est pas la meilleure position à avoir selon toi et l'inaction ne résoudra aucun problème. Même si lae porteur·se·s n'existe pas, vous ne pouvez pas laisser une arme telle que le Poignard Subtil aux mains des solmènes. Et en vous liguant contre elleux, vous serez plus fort·e·s.

Ton avis est partagé par un pandémonique. Il prend la parole et tu comprends à sa posture qu'il n'apprécie pas être sous le feu des projecteurs. Qu'il s'exprime en dit donc long sur son avis. Tu attends qu'il aie terminé avant de te lever à ton tour. "On ne peut en effet pas parier sur l'existence du poignard ou de lae porteur·se·s. Je préfère autant que l'une de nos deux factions possèdent cette arme plutôt que les solmènes. Cela dit, qu'est-ce qui nous assure que vous n'utiliserez pas notre force de recherche pour vous emparer du poignard et nous trahir ensuite ? Comment se mettrons nous d'accord pour l'utiliser ?" C'est de ça dont tu as peur. Les noénautes seront capable de retrouver tous les fragments, mais les pandémoniques sont bien plus instruit·e·s que vous. Iels auront donc plus de facilité à reforger l'arme une fois toutes les parties retrouvées. Tu ne veux pas qu'ont vous laisse sur la touche après coup. Et puis, leur dieu n'est pas mieux que le serpent ailé. En croyant respecter sa parole, nombres de personnes ont été tuées par des fidèles. Tu ne préfères pas relever ce point à l'oral, il ne faut pas que ces négociations deviennent un pugilat.

Chaque pas sur la Terre Brûlée est pavé de doutes. Tu ignores si tes silencieuses prières seront entendues par l’Autorité pour que la rencontre entre les noénautes et les pandémoniques se passent sous les meilleurs hospices. Les vitraux brisés dans la nuit ne t’ont pas permis d’entrevoir l’issue de cette journée. Tu avances à l’aveugle dans le brouillard des complots et des faux-semblants. Deux factions autrefois si antagonistes sur le point de trouver une alliance pour combattre les solmènes ? La proposition a de quoi soulever des doutes et faire crisser des dents. Pourtant ce jour-là, nombreux·se·xs sont celleux à s’être déplacé·e·xs pour cette dissonante rencontre, qui si elle n’aboutit pas, aura au moins permis de rassembler un temps deux factions, deux destins, que tout d’ordinaire tendrait à opposer. Une trève, en quelque sorte, dans une réalité douloureuse. Du moins, c’est ce que tu espères voir naître. Tu viens avec tes espoirs et ta bonté sans savoir si celle-ci trouvera son chemin dans la guerre silencieuse des factions.

Tu rassembles ta confiance en entrant dans le prestigieux édifice, et à peine les premiers pas sur les pavés froids de la cathédrale, une aura de sûreté te gagne, comme si quelque chose d’invisible t’enveloppait. Tu sais que l’Autorité est à tes côtés, qu’elle veille sur vous, qu’elle saura guider tes mots sur le chemin de la justesse. C’est Skye qui ouvre la discussion, à qui tu ne cesses de sourire pour l’encourager durant son intervention. Tu ne peux qu’approuver la douceur et l’assurance de ses paroles ; elle expose avec justesse toute la complexité de cette situation et invite avec humilité au débat. Tu ne pouvais pas espérer meilleure entrée en matière. Mais le tableau s’assombrit avec la première intervention noénaute, alors qu’une doyenne, méfiante, expose ses doutes quant à l’existence du Poignard subtil. Tu serres les dents en constatant que l’obscurantisme n’a pas reculé à Cittàgazze et que réfuter les réalités les plus criantes est toujours plus simple que de s’y confronter. C’est le jeune Yiwài qui prend ensuite la parole pour tenter de rassembler les pots brisés par la méfiance, et tu le loues d’un discret signe de tête une fois son intervention terminée ; il a très bien répondu, quoique son assurance soit encore à travailler. Il ne se doute pas de tout le potentiel d’éloquence qu’il porte en lui.

Mais il n’est pas tant de s’intéresser aux prestations oratoires. Toute ton attention est absorbée par cette quête de la vérité à laquelle peu semblent vouloir se confronter. Un sorcier noénaute prend ensuite la parole, reconnaissant que si le Poignard existait, qu’il se trouve entre les mains des solmènes serait très préoccupant, et qu’il vaudrait mieux le voir entre les mains des noénautes ou des pandémoniques. Un premier pas dans cette rencontre, la nécessité d’aller contre les solmènes ; quid d’y aller ensemble ? Tu te lèves lentement après son intervention, rassemblant en toi les indices, les espoirs, les volontés pour intervenir avec le plus de justesse possible. « Bonjour à vous tous·te·xs. » Ton regard se porte d’abord sur la doyenne noénaute ayant intervenu en premier. « Pour vous répondre : si le Poignard n’existe pas, pourquoi existe-t-il des fragments ? Pourquoi les solmènes cherchent-iels si ardemment à le reforger ? Comment auraient-iels pu combattre les spectres lors de l’invasion sans le fragment qu’iels ont révélé ? La disparition de l’arme date de l’Effondrement, une disparition récente, ce qui nous permet d’espérer en trouver d’autres traces. » Tu tentes de peser chacun de tes mots pour ne pas froisser les égos et de répondre avec déférence. « Enfin, oui, nous avons besoin de nous en inquiéter. Le destin de bien des mondes dépend de cette arme, et nous contenter de ne voir à travers lui qu’un levier de nos desseins est un grand témoignage d’égotisme. Nous ne sommes pas les seul·e·xs à avoir cruellement besoin que les failles s’ouvrent, la destruction de Nimrod ou encore celle de Carthage en sont la preuve. » Tu ne peux pas te retenir de serrer un peu les dents en prononçant ces mots. Tu ne comprends pas comment il est seulement encore possible de douter de l’existence du Poignard subtil sans que cela ne constitue un affront à l’existence même de bien des mondes – et un manque d’égards criant à l’encontre de leur survie.

Tu poursuis ta réponse à l’intervention de la doyenne. « Si le Poignard était faux et que les failles n’étaient que dû au hasard, comment expliquez-vous la densité de savoir accumulée par les gazzi sur les autres mondes, sur leurs arts, sur leurs civilisations ? Les gazzi pouvaient voyager à leur guise. Comment expliquez-vous de même que d’innombrables textes évoquent cette arme non pas comme une relique mais comme un outil dont se servaient les gazzi ? Comment expliquer que les traités scientifiques eux-mêmes en fassent état ? Les preuves sont partout. » Tu reprends ton souffle, essayant de calmer les battements de ton cœur. Ce n’est pas le moment de s’emporter. « Quand bien même cette arme n’existait pas – ce qui serait faire preuve, à ce stade, d’un certain obscurantisme – ne devons-nous pas mettre toutes les chances de notre côté pour empêcher les solmènes de devenir toujours plus influent·e·xs et plus fort·e·xs ? Comme vous le dites si justement – et tu te retournes alors vers le sorcier venant de prendre la parole – une arme aussi puissante ne doit pas se retrouver entre de mauvaises mains. »

La question de savoir qui possèdera l’arme une fois reforgée t’arrache un sourire un peu triste. Tu savais qu’elle finirait par arriver, mais la méfiance criante dont elle témoigne te serre le cœur ; les négociations ne sont pas sur la meilleure des pentes, mais tu ne perds pas encore espoir, et après une courte pause, tu reprends la parole. « Le seul usage que nous pourrions faire de cette arme serait de vaincre les spectres et rouvrir les failles pour retrouver nos mondes d’origine. Vous savez tout, nous n’avons rien à cacher ni aucun moyen de trahir, car le Poignard n’a tout simplement pas d’autres fonctions, excepté pour les solmènes. Seul·e·xs les solmènes projettent de ramener leur Dieu vivant, Quetzalcóatl, à l’aide du Poignard ; dieu contre lequel nous nous battons et nous battrons jusqu’à la fin, preuve en est du sacrifice de Balthamos. » Et sur ses paroles, tu joins tes mains, fermes les yeux et adresses une discrète prière à l’ange ayant donné sa vie éternelle pour vous sauver de l’ire du dieu-serpent. « Si l’arme est utilisée pour le bien, pour vaincre les spectres et rouvrir les failles vers nos mondes respectifs, alors la question de savoir qui de vous ou nous la possèdera ou l’utilisera importe peu. Seul l’avenir pourra nous le dire. Ce sur quoi nous pouvons trancher est sur son utilisation : vos desseins concordent-ils avec les nôtres ? Jurerez-vous, comme nous le faisons aujourd’hui devant vous, de combattre les spectres et de rouvrir les failles ? Ou préférerez-vous vous rallier aux solmènes ? Un camp est à choisir. » Tout se jouera dans la réponse que les noénautes apporteront à cette question. S’iels ne prévoient pas d’utiliser l’arme ou de l’utiliser à de mauvais escients, alors la discussion sera définitivement close. Tu ajoutes finalement : « Les lambeaux de Quetzalcóatl, l’arrivée de l’ange Balthamos, les étranges récits faisant état d’une ville perdue, tous les signes nous mettent en garde : une guerre se prépare. Une guerre pour notre survie, mais plus encore : pour la survie de tout un monde. » Sur ces mots, tu te rassoies.

Nicholas n’avait encore jamais mis les pieds dans la nouvelle cathédrale depuis sa finalisation, et s’il n’est pas du tout religion, son intérieur en jette, y’a pas à dire. Il n’est là qu’en capacité de garde (c’est à dire de gros bras patibulaire) et il prend place sur le coté d’une colonne, les bras croisés. De là où il se trouve, il a une vue parfaite sur l’assemblée, sur les pandémoniques rouges qui murmurent dans la nef et sur les officiel‧le‧xs noénautes qu’il doit protéger. Dans son dos, Carine patrouille les allées sombres, renifle les portes et les confessionnels à l’affût de la moindre entourloupe. Si la demande est d’une alliance, c’est son métier de se méfier, désormais.

Une pandémonique s’exprime, puis laisse sa place au pupitre. Nicholas n’avance pas, surveillant l’assemblée tout en réfléchissant à ses propos. Reforger le poignard subtil, oui, c’est un peu le but de l’année, voir de la décennie, mais ce n’est pas nouveau. Que veulent-iels ? Isle s’avance, le Covenant sourit à sa prise de parole typique. C’est vrai que Nimrod n’a pas eu besoin d’un poignard pour évoluer entre les mondes ; il faudrait peut-être que les noénautes discutent un peu plus avec les nimrodien‧ne‧xs dans leurs rangs. Il apprécie toujours à quel point la doyenne peut titiller une assemblée avec ses questions, et ca ne manque pas, alors qu’un jeune homme se lève du coté pandémonique pour répondre. Et dévoile du même coup leur complète demande. Donc, iels veulent éviter que le poignard tombe entre les mains des solmènes ? Voilà, on avance. Jusque là, Nicholas est d’accord avec ce qui se dit, et il change de colonne pour s’adosser un peu plus près du centre, le visage affable. Shirazi s’exprime – il ne pourra jamais oublier son nom, lui qui a joué un rôle si central pour leur ramener leur frère Arthur – et le garde se tend un peu. Les dés sont jetés, les questions sont posées : pourquoi faire confiance aux pandémoniques ? S’il y a un moment où iels peuvent prendre la mouche et les attaquer, c’est bien maintenant.

Mais à la place, c’est leur Cardinale qui s’avance, avec son air doux dont le Covenant se méfie. Cette personne n’est pas arrivée à ce poste uniquement par bonté d’esprit. Si son élocution est bonne, quelque chose ne prend pas. Quelque chose est écarté, trop vite, trop facilement, à dessiner des camps, à se mettre automatiquement dans celui du bien. Contre sa jambe, Carine vient lui donner une secousse, et en la regardant, il devine ce qu’elle souhaite faire, et acquiesce, se tournant à moitié pour prendre la relève de sa garde.

Le félin s’avance, jouant des hanches et de la queue pour dégager un espace autour d’elle, devant le pupitre ; elle cligne un instant des paupières devant la Cardinale, puis saute sur le pupitre, bien visible de tous‧te‧xs. « A vous entendre, si l’on est pas avec vous, l’on est forcément contre vous. Si vous souhaitez une alliance, il va falloir apprendre à composer ensemble, et cela ne peut pas commencer par un ultimatum. » Ses oreilles s’agitent, elle suit un moment le daemon papillon de Pizzaro des yeux, un instinct de chasse qu’elle écarte, avant de reprendre, malicieuse. « S’il ne vous importe pas d’avoir l’arme, mais uniquement un accord sur son utilisation, seriez-vous alors prêt‧e‧xs à ce que les noénautes en aient la garde ? Sans compter que, jusqu’ici, à part de belles paroles, vous n’apportez rien qui ne nous aidera factuellement à la reconstruire. » Ca ne l’étonne pas qu’iels viennent les rencontrer, mais Carine – et Nicholas – voient peu d’intérêt à s’ajouter un boulet rouge au pied. Les pandémoniques ne contrôlent ni la forge, ni un fragment du poignard, les forgeron‧ne‧xs sont pour la plupart noénautes. A part prier pour un miracle et quémander à ce que le poignard serve leurs intérêts, leur technique de négociation laisse à désirer.

Ayant fini son intervention, elle descend dans un bond délicat, tournant à demi la tête vers les pandémoniques tout en trottinant vers son humain. « Je ne suis qu’un simple daemon, mais Cittàgazze est ma maison. Et il n’y a pas un‧e‧x non-sedentari qui retournera en Alterre si c’est pour retomber sous l’égide du Magisterium. Si nous devons nous allier, tout traité devra garantir la sanctuarisation de nos terres et péniches. » Venant se tapir aux pieds de Nicholas, qui s’abaisse pour la caresser, Carine secoue l’échine pour se débarrasser de son stress. S’exprimer devant tous‧te‧xs ces personnes, quelle audace ! Mais elle espère qu’ainsi, par la voix de leurs âmes, le débat devienne un peu plus marchand.

résumé Carine demande aux pandé de mettre un peu d'eau dans leur vin de messe, et marchande pour que le poignard reforgé soit aux mains des noénautes. Et aussi, qu'est-ce qu'iels troquent, à part des belles promesses vides ? Elle s'assure que les non-sedentari ne soient pas oublié‧e‧xs dans les tractations.

Skye n’était en réalité pas particulièrement confiante quant à cette rencontre, mais elle a décidé d’y porter de nombreux espoirs : tant pour sa faction que, réellement, pour la survie de toustes les personnes vivant aujourd’hui à Cittàgazze. Alors quand la première intervention est celle de sa collègue du Consiglio, elle se sent apaisée, des quelques fois qu’elle a parlé avec elle, Isle ne semblait pas particulièrement dans les extrêmes. Et pourtant. La théorie du complot, soudain, se fraie un passage entre ses lèvres, et l’espoir doucement se dissipe. Inquiète, elle tourne la tête vers sa Cardinale, quelque peu paniquée, et Cees, perché sur le haut d’une des chaises, prend sa tête dans sa main en râlant. L’intervention, car elle est la première des Noénautes, à un goût d’échec couru d’avance qui pousse Skye à s’enfoncer lentement dans son siège, comme si elle attendait à présent que sonne le glas.

Fière de voir Yiwài prendre la parole pour défendre l’idée qu’il faut agir, l’Evêque lui sourit en hochant la tête, C’était très bien semblent murmurer ses yeux, mais la suite de l’échange continue de flirter avec la pente glissante dans laquelle les factions semblent s’être engagées. La peur que l’une ou l’autre retourne sa veste est palpable, et la confiance, même si les Pandémoniques et les Noénautes n’ont jamais été entièrement opposés, n’arrive pas à se manifester. Il faut rassurer les craintes exprimées par leur deux doyen·ne·s, et c’est ce qu’Eluard tente de faire quand Skye la suit des yeux jusqu’à l’autel.

Des frissons se mettent à parcourir l’échine de la relieuse de la bibliothèque, passer en revue ces preuves, ces réflexions, aussi nécessaire soit-il, la renvoie à des cauchemars éveillés qu’elle ne cesse de visualiser depuis des mois. Les doigts serrés contre ses genoux, jusqu’à en blanchir ses phalanges, elle sent sa respiration devenir difficile sous les à-coups répétitifs de son cœur qui s’excite. Cornelius est descendu de son perchoir pour venir se mettre en boule sur ses genoux, calmer la crise qui se pointe, et après de grandes inspirations les paupières closes, le calme reprend place dans sa poitrine. En rouvrant les yeux, elle sourit à Eluard, si heureuse que la faction se pare d’un Cardinal comme lui, juste et honnête, aux paroles douces mais assurées. L’ultimatum donné, toutefois, déplait à l’un·e des daemons, et c’est peut-être l’égo de Skye où sa peur lancinante que tout ceci ne soit pour rien d’autre que de voir l’accession au pouvoir des Solmènes, faute d’avoir su faire des compromis, mais lorsque l’animal a terminé elle se lève d’un coup et prend une grande inspiration. « Vous n’êtes qu’un daemon, mais vous avez votre voix ; et cet ultimatum vous déplait, mais il est pourtant là pour nous rappeler à toustes que nous avons un but commun qui est que nous sommes contre les Solmènes. Ce n’est pas contre les Pandémoniques que vos peurs semblent se porter, et les nôtres ne sont pas contre les Noénautes non plus. Nous avons, justement, confiance envers votre faction pour prendre les décisions les plus justes pour la population entière de Cittàgazze : confiance que nous ne portons pas aux Solmènes, aveuglés par leur hérésie. Dans sa main, retenu pour ne pas tomber, Cornelius est toujours enroulé sur lui-même et forme une petite boule qui hoche de temps en temps la tête. Skye tourne alors son visage vers Eluard, penchant la tête dans quelques mouvements secs et lui lançant des regards suggestifs et appuyés qu’elle saura comprendre. Je vais reprendre les mots d’Eluard pour vous répondre, qui de vous ou nous possèdera le Poignard ou l’utilisera importe peu, ce sont en effet nos desseins qu’il faut accorder et avoir suffisamment confiance les un·e·s envers les autres pour qu’ils soient respectés. Pour le reste, nous savons toustes que cette rencontre ici ne clôturera pas un accord définitif mais est là avant tout pour partager nos attentes, que chaque faction puisse retourner dans ses quartiers et échanger à langues déliées sur la décision à prendre. Il vous faut donc en effet des arguments en notre faveur, outre le seul fait d’avoir été à l’initiation de cette proposition d’alliance, comme la présence de la Garde Canonique dont nous pourrions faire évoluer les missions pour protéger nos deux factions contre les répercussions possible de la Milice solmène devant notre alliance si elle venait à avoir lieu, par exemple ? La Cattedrale en lieu d’exil ? Mais ce ne sont que des idées, et je suis certaine que notre Cardinale à d’autres points forts à faire valoir. ». Les regards continuent, sous un hochement de tête qui se veut rassurant et acquiescant par avance les décisions difficiles à prendre, pour le bien des Pandémoniques.

« Quand à la sanctuarisation des terres pour que les non-sedentari soient chez elleux, cela nous semblait à toustes évident, n’est-ce pas ? Reforger le poignard, rouvrir les failles, ne rime pas forcément avec “chacun·e chez soi”. Cittàgazze est devenu le foyer de la plupart des exilé·e·s, et bien qu’il y ait quelques personnes qui aient la nostalgie de leurs mondes et souhaiteraient y retourner… Nous n’avons pas même l’assurance qu’il existe un monde vers lequel se rendre, que tout ne soit pas détruit, comme cela semble être le cas pour Carthage. Croyez-moi. Je suis entièrement d’accord avec vous, personne ne doit et ne sera mis à la porte de son nouveau foyer si la décision ne vient pas d’ellui. ». Skye déglutit, et se rassoie, calmement, tandis qu’à l’intérieur les rappels des cris et du feu derrière la porte de la cinquième chambre sont trop réels pour être oubliés. Sa main se pose sur l’accoudoir, se crispe sur le bois, et elle lève ses yeux au ciel, observant le plafond peint de la Cattedrale, cherchant des yeux des scènes rassurantes avec des anges miséricordieux·euses qui les protègeront toustes

Une daemon prend bientôt la parole, s’avançant et grimpant sur le pupitre pour se faire entendre, les yeux intensément fixés sur toi. Tu ne cilles pas, quoique les mots de la caracal aillent droit au but et ne te ménagent pas. Tu croises le regard de plusieurs pandémoniques, dont celui de Skye, lorsque la daemon eut fini son plaidoyer. Tu sais ce que vous allez être contraint·es de faire pour sauver cette alliance. Révéler votre fragment du Poignard subtil. Le regard appuyé de la future primat te fait comprendre que c’est le bon choix, mais tu n’es que partiellement rassuré. Skye prend de nouveau la parole, se relevant pour répondre à la daemon, proposer des alternatives à l’ultimatum et avancer des propositions pour enrichir l’alliance. Tu notes ses nombreux regards appuyés, auxquels tu réponds par un signe de tête entendu. Oui, c’est la meilleure chose à faire. Tsophar sur ton épaule te souffle des paroles apaisantes pour calmer ta nervosité, et tu reprends peu à peu ton calme, avant de te relever à ton tour. Tu reviens auprès du pupitre, digne et déterminé. « Vous avez raison, nous devons apprendre à composer ensemble. Vous avez lutté contre les solmènes depuis l’effondrement lui-même. Ce que nous espérons, c’est que vous continuerez, et que vous nous accepterez à vos côtés. » Tes premiers mots se veulent les plus apaisants possibles, reconnaissant la lutte que les noénautes ont mené de tous temps contre la secte du Serpent-Ailé. Tu calmes les battements de ton cœur en te rappelant à tes espoirs que l’alliance puisse aboutir un jour.

Et puis, le moment vient. « Nous n’avons pas seulement de belles paroles à vous proposer. » tu marques une pause, de longues secondes où les doutes viennent malmener ton cœur. Faites-vous le bon choix ? Tu as cru si ardemment qu’une alliance était possible. Tu veux le croire encore, tu veux tout faire pour. Vous n’avez pas le choix, pour lutter contre l’hégémonie solmène et sa menace, que de vous allier, ou tout du moins trouver des terrains d’entente. Tu regrettes, au plus profond de toi, que la caste des pandémoniques ait un jour été de connivence avec la secte du Serpent-Ailé. Toute ton influence vise aujourd’hui à vous détourner de ces vieilles amitiés déchues, qui ont fait planer un spectre de déshonneur sur la faction, alors que les solmènes œuvrent pour de si horribles causes. Mais tu ne peux pas changer le passé. Alors d’une voix forte, qui ne tremble pas, tu déclares : « Nous avons nous aussi un fragment d’Æsahættr. » Un silence s’abat sur la cathédrale. Tu cherches des yeux, les uns après les autres, les regards des autres pandémoniques présent·e·xs, pour te donner du courage. Après quelques secondes de ce moment suspendu sur le vide, tu ajoutes : « Nous pourrions envisager ensemble une garde partagée de l’arme. » Tu commences par la plus équitable des propositions. Mais tu doutes que les noénautes seront aussi arrangeant·e·xs. Après tout, iels veulent des preuves et des garanties, ce que tu ne peux pas leur reprocher. Vous devez chacun·e avancer vos pions. « Comme je le disais, posséder l’arme nous importe peu, seul rouvrir les failles et détruire les spectres nous importe. » Tu marques une pause, pensif, avant d’ajouter, conciliante : « Nous soupèserons avec attention la possibilité de mettre entre vos mains le Poignard quand nous l’aurons, ensemble, reforgé. Mais nous ne pouvons pas accepter sans avoir considérer les choses. »

Vient enfin la question brûlante du Magisterium et de ses ravages. Tu ne t’es jamais retrouvé dans les actions de l’ancienne organisation. Quoique vous partagiez les mêmes écrits saints, la faction des pandémoniques a opéré des divergences notoires. Tu comprends la peur des noénautes, au plus profond de toi. « Nous ne sommes plus le Magisterium. Il ne renaîtra jamais de ses cendres. » tu déclares d’une voix assurée, tout en sachant que de belles paroles ne suffiront pas à apaiser entièrement l’appréhension de la faction des explorateur·ice·xs. « Nous comprenons vos craintes, elles sont parfaitement légitimes, mais je suis prêt à promettre sous le regard de tous·tes les saint·e·xs que jamais, jamais nous n’intenterons à votre souveraineté si l’Alterre venait à être retrouvée, et que la sanctuarisation de vos terres sera notre priorité. » Tu baisses finalement les yeux, le poids de l’inquiétude planant sur tes épaules. Peur à l’idée que cette alliance n’aboutisse jamais, et que les pandémoniques se retrouvent seul·e·xs face au terrible Serpent dévoreur de mondes.

Après ta première prise de parole, tu te tiens un peu en retrait des discussions. La plupart concerne l'Alterre que tu n'as jamais vraiment foulée. Tu ne te vois pas te prononcer sur la question n'étant pas du tout concerné. Alors tu laisses la place à Nicholas et Isle pour défendre leur point de vue. Ressasser le passé ne te semble pas être le plus indiqué à ce moment-là, mais encore une fois tu n'es pas concerné. Toi, si les failles sont rouvertes et que la Terre est encore debout, tu te poseras peut-être la question de quitter Cittàgazze. Tu ne veux pas vivre dans un autre monde que celui-ci ou le tien avant l'Effondrement.

Pourtant, tu sais que le Magistérium a fait beaucoup de mal à nombre de sorcier‧ères, tu en as eu des échos parlants. Seulement, tout est hypothétique. L'arme n'est pas entre vos mains et il ne reste peut-être rien de vos mondes d'origines. Tu ne voudrais pas mettre la charrue avant les bœufs. Tu comprends cette volonté de s'assurer que l'avenir ne sera pas comme le passé, mais les discussions s'éloignent du sujet principal.

Le chef de la garde canonique s'en énerve un peu lui aussi et tu salues son intervention. Il ne faut pas perdre de vue l'objectif de cette rencontre. S'allier, oui ou non, pour reforger le poignard et éviter qu'il ne tombe entre les mains des solmènes. Un jeune noénaute s'immisce dans la conversation et il a des paroles d'apaisement. Il rappelle le sujet. Les conditions détaillées de l'alliance pourront être décidées plus tard, il faut d'abord choisir si vous préférez vous allier aux pandémoniques et former un contre-pouvoir suffisant contre les solmènes ou risquer de laisser le poignard subtil aux mains des alchimistes. Pour toi, la question est vite répondue.

Tu te redresses, décidant de reprendre la parole. « Manifestement, il y a encore beaucoup de points à discuter, mais je suis d'accord que là n'est pas le sujet. On ne sait même pas si l'on retrouvera nos mondes. Avant, il faut se concentrer sur le poignard, sur les solmènes et sur ce qu'on peut faire. L'on ne pourra pas avoir cet avenir que l'on espère toustes sans se serrer les coudes. Seul‧es, nous ne ferons pas le poids face aux solmènes. Iels sont bien plus avancé‧es que nous en alchimie et nous avons déjà toutes ces connaissances à rattraper. Pour moi, la situation est claire, il faut s'allier ou nous courrons toustes à notre perte. Ce monde ne survivra pas aux attaques répétées de Quetzalcoàtl et nous pouvons faire quelque chose, maintenant. Tu reprends ton souffle. Vous avez beaucoup demandé aux pandémoniques, mais sans jamais leur montrer que vous étiez capable de leur faire confiance. Nous avons, nous aussi, un fragment du poignard. L'information n'est pas secrète, nous l'avons déjà utilisé lors de l'invasion des spectres. Je pense en effet qu'une rencontre en petit comité pour rapporter les points de vue des deux factions et tout indiqué. Je serais présent pour que l'on avance ensemble. Je crois que sans cette alliance, ce monde sera perdu et alors nous n'aurons plus aucunes perspectives d'ouvrir des failles pour rentrer chez nous. » Tu balaies l'assemblée du regard avant de reprendre ta place. Tu espères que tu auras su apaiser les dernières tensions. Fini de discuter, il faut avancer.