Les rues de la Ville Basse défilent dans les premières ombres du soir. Tu sens à peine le froid qui fait courir un frisson sur ton échine et alourdit tes sens dans cette vêprée encore hivernale. Tu traverses la cité comme un fantôme, trop habitué·e aux ruelles et aux détours pour avoir encore la surprise de t’y perdre. Tu connais cet endroit de la ville par cœur, où tu rôdes d’ordinaire autour de la Nef des fous comme un chien en cage. Mais ce soir, tes pas ne te mènent pas aux arènes où les combats de daemons font rage. Tu parcoures les rues tranchantes de la Ville Basse avec une quête bien précise : rencontrer l’énigmatique Prisca Wray. Tu as entendu parler d’elle à la Nef des fous. Il se murmure qu’elle voudrait instaurer la toute-puissance sorcière sur la ville. Il se murmure qu’elle aurait déjà tué. Il se murmure en vérité beaucoup de choses à son sujet. Gérante d’une maison hantée de la Ville Basse, tu es fasciné·e par cette figure de l’ombre que tu n’as jamais eu l’occasion de rencontrer, si ce n’est à travers les dires des autres. Tu voudrais connaître son idéologie, pour savoir si tu pourrais éventuellement la partager et te battre avec elle pour une société plus juste – ou tout du moins plus sorcière. Car s’il faut renverser l’ordre des choses, tu le feras. Alors ce soir, c’est sa maison hantée que tu gagnes, des questions plein la tête et le besoin furieux d’obtenir des réponses.

Lorsque tu arrives sur les lieux, tu identifies tout de suite la gérante, du fait des descriptions que tu as reçues. « Vous êtes Prisca Wray ? » tu demandes à la femme qui se trouve devant toi, même si le doute plane assez peu sur la situation. Il ne peut s’agir que d’elle. Tu inclines respectueusement la tête en guise de salut, trop habitué·e aux formalités solmènes. Tu ne sais pas comment aborder le sujet avec elle, alors tu décides de ne pas passer par quatre chemins pour annoncer les choses : « J’ai entendu parler de vous et de vos idéaux. » Tu omets d’expliciter où tu as entendu parler d’elle, pour protéger tes sources, même si la sorcière se doute probablement que tes informations proviennent de la Nef des fous. Tu parles évidemment de la suprématie sorcière qu’elle cherche à instaurer à Cittàgazze. Tu es curieux·se de savoir comment ton homologue compte s’y prendre dans cette vaste entreprise, à laquelle tu serais prêt·e, sans détours, à apporter ton aide. Tu as tellement souffert de ta condition de sorcier·ère, rejeté·e par ta mère, hai·e des solmènes, laissé·e pour compte de la société ; les idéaux de Prisca résonnent en toi. Tu voudrais faire bouffer au monde entier sa haine et rappeler la puissance des sorcier·ères parmi cet univers de vices et de faiblesses. Après tout, c’est vous qui avez voyagé à travers les failles, qui avez prédit l’effondrement, qui avez sauvé Cittàgazze des spectres. Vous méritez plus que la fange dans laquelle on vous a jetée.

Tu marques une pause avant de demander, pour préciser ta pensée : « Vous êtes pro-sorcier·ères ? » Tu engages immédiatement les hostilités en abordant la question la plus importante de cette rencontre. Selon sa réponse, tes espoirs pourraient rapidement déchanter. Être pro-sorcier·ères, cela signifie ni plus ni moins que se battre pour leur cause et tout donner pour leur reconnaissance et leurs droits, quitte à déstabiliser le reste du système. Tu ne sais pas dans quelle mesure t’investir dans un tel projet serait bénéfique pour toi, étant donné ta place chez les solmènes, déjà très peu enviable. Risquerais-tu d’être encore moins considéré·e, voire de te faire tabasser pour ce que tu es et ce que tu défends ? Tu es prêt·e à prendre le risque, selon ce que Prisca a en tête. « Êtes-vous membre du Consiglio ? » Peut-être qu’il faudrait d’abord commencer par le commencement : le jeu de l’influence et des factions, pour bouleverser les choses. À moins que cette perspective ne soit inatteignable et que la manière forte soit directement plus enviable. La politique, ce n’est pas ce que tu maîtrises le mieux, même si tu gravites dans les hautes sphères solmènes.

TW mention d’agression

Prisca confirme son identité, et tu la scrutes pour savoir si elle te ment ou si elle est honnête avec toi, mais tu n’as en vérité pas beaucoup de doutes. Elle ne semble pas ravie de découvrir quelqu’un·e à sa porte, mais tu ne t’en formalises pas. Tu devais la voir. L’enjeu est trop important pour se plier à des horaires d’ouverture – ou des regards noirs. « Je vous cherchais. » Tu sais que la déclaration tombe sous le sens, mais tu préfères être honnête et jouer cartes sur table avec la sorcière. Tu ne veux pas passer par mille détours pour lui expliquer ta pensée et la raison de ta venue. Tu voudrais qu’elle accepte ton aide, même si tu hésites encore sur la marche à suivre pour la convaincre. Elle semble plutôt hostile à ta présence. Elle menace de te chasser si d’aventure, tu n’étais pas toi-même pro-sorcier·ères, et tu échappes un petit rire ironique. « Oh, si, bien sûr que si. C’est la raison de ma présence ici. » Elle n’aura pas besoin de te foutre un coup de pied au cul pour te faire dégager. « Je suis un·e sorcier·ère moi aussi. Je m’appelle Nobu. » Tu te présentes en espérant dissiper les animosités. Peut-être qu’en sachant que tu possèdes toi aussi des pouvoirs, Prisa finira par se détendre et accepter de t’écouter sans te faire comprendre que tu n’as rien à faire ici.

Tu prends une profonde inspiration avant de déclarer : « J’aimerais vous aider. » Tu aimerais pourquoi participer avec elle à ce soulèvement sorcier qu’elle appelle de ses vœux. Tu voudrais renverser l’ordre établi et permettre aux individus dotés de pouvoirs magiques, qu’iels soient sorcier·ères ou haruspices, de vivre pleinement leurs dons et en liberté. Les souvenirs de ton agression par les alchimistes solmènes, il y a quelques jours de cela, refont surface comme des balles tirées à bout portant dans ton ventre. Tu peux ressentir encore chaque coup, et cette voix susurrant à ton oreille sale créature. Tu voudrais les faire payer, mais tu n’es pas suffisamment courageux·se pour aller les confronter seul·e, ni pour continuer à vivre ta vie comme si de rien n’était. Tu vis désormais dans la crainte permanente de te faire tabasser de nouveau, que les solmènes viennent terminer ce qu’iels ont commencé. Ton existence est gangrénée par la peur, par le doute, par la honte. Honte d’être ce que tu es, un·e sorcier·ère. Tu aimerais pouvoir te réapproprier ta condition, ne plus souffrir de cette engeance – tu ignores si cela est possible, mais tu aimerais au moins agir.

Tu croises le regard de Prisca. « Je ne suis pas un·e très grand·e sorcier·ère, mais je sais que je pourrais vous être utile. » Tu maîtrises très bien les rituels et tes connaissances en soins commencent à être plutôt solides, mais tu restes un·e sorcier·ère peu courageux·se et chétif·ve, bien loin de la carrure et des capacités d’un Hyacinth. « J’ai de l’influence auprès de certain·es haut·es placé·es solmènes, de par mon travail. » Tu es certain·e que tes influences et tes connaissances pourraient être utiles à la cause de Prisca, pour lui permettre d’avoir de l’emprise sur certains leviers politiques. Après, tu ignores si la révolution que la sorcière appelle de ses vœux est une révolution souterraine et politique ou une révolution frontale et dans la rue. « Je suis dragonologue. » tu précises pour expliquer ton lien avec les solmènes. Tu ne sais pas si révéler ton lien avec la secte était un mouvement très pertinent, d’où ta précision. « Je ne sais pas précisément de quoi vous avez besoin, mais je veux faire partie de votre soulèvement. » tu ajoutes en preuve de ta bonne foi.

Tu n’arrives pas à déterminer si la sorcière est réceptive à l’aide que tu lui proposes ou simplement ennuyée par ta présence. Son visage a quelque chose d’indéchiffrable. Tu te dandines un peu d’un pied sur l’autre, cherchant tes mots pour ne pas la froisser et éteindre toutes tes chances de participer à sa rébellion. Depuis ton agression, tu n’attends qu’une chose : pouvoir te venger. Hyacinth t’a considérablement aidé dans cette voie, c’est un fait, et tu n’es pas prêt·e de revoir les solmènes qui t’ont molesté·e de sitôt. Mais c’est toute la secte qui doit payer, et plus encore, tous·tes les alchimistes. Prisca semble se détendre un peu lorsque tu lui avoues être un·e sorcier·ère. Tu n’aurais jamais eu le courage de venir jusqu’à elle si tu avais été dépourvu·e de pouvoirs magiques, étant donné la haine qu’elle semble vouer aux autres espèces – tout du moins, celles oppressives. Tu croises son regard, et ce qu’elle te dit te cloue un peu sur place. Tu ne t’étais pas aperçu·e que ta formulation témoignait en vérité d’un profond manque de confiance en toi et de foi en tes pouvoirs. Comme si tu t’excusais d’exister et d’être ce que tu es. Nous sommes touxes mieux que les autres. Cette phrase reste imprimée dans ton esprit. Tu acquiesces en silence, signifiant que tu as bien compris la leçon.

Prisca reconnaît que tes entrées chez les solmènes pourraient être utiles à sa cause, et tu te détends à ton tour un peu. Elle ne te juge pas quant à tes fréquentations, au contraire ; elle sait reconnaître en elles de possibles leviers pour sa rébellion. Elle te demande à quoi correspond au juste ton métier de dragonologue, et tu hésites avant de répondre : « J’étudie les dragons dans les diverses cosmogonies. Les légendes, les odes, les contes. Je suis persuadé·e qu’ils existent, la preuve en est du Serpent-Ailé. Je connais tout à son sujet. » Tu ne te caches pas de faire des recherches sur Quetzalcóatl. Après tout, une relation de confiance en la bâtissant sur des mensonges n’a jamais été très solide. Tu mens toutefois par omission, en te gardant de dire que tu vénères le dieu-serpent. Les choses seront sans doute révélées en temps et en heure ; pour le moment, ni l’un·e ni l’autre ne vous faites assez confiance. « J’enseigne à l’Università. » tu ajoutes, essayant de donner un peu de crédit à ton activité qui peut paraître en tous points saugrenue. « Et vous, vous tenez cette maison hantée ? » La question sous-entendue étant : est-ce que vous avez d’autres activités à côté ? Tu sais qu’’elle ne te révèlera sans doute pas les choses de façon aussi facile et détachée, mais tu tentes quand même de demander.

Elle reconnaît enfin que tout aide est la bienvenue, et un sourire naît sur tes lèvres. Tu vas pouvoir te battre à ses côtés, elle vient de te le confirmer, et une joie difficile à dissimuler s’empare de toi. Tu vas pouvoir rejoindre la lutte. Mais avant de t’emballer, Prisca te demande de prouver que tu es bien un·e sorcier·ère ; c’est légitime. « J’ai 152 ans. » tu commences par répondre. « J’ai vécu longtemps sur Terre avant l’effondrement, en Amérique du Sud. Mais mon clan est issu de ce monde. » tu expliques, continuant de te présenter, révélant des informations sur toi en gage de ta bonne foi. Enfin, pour prouver tes dons, tu fermes un instant les yeux, rappelant à toi des souvenirs malheureux, avant qu’une fine brume ne se lève autour de vous. Lorsque tu regardes de nouveau Prisca, ton regard miroite un peu, car tu as fait appel à ce qu’il y a de tristesse en toi, et qui n’est pas très difficile à faire resurgir – tu n’es pas quelqu’un·e d’un naturel très enjoué. Comme toujours lorsque tu es pris·e de mélancolie, c’est un petit brouillard qui se lève, et que tu dissipes en quelques gestes des bras. « Désolé. Je peux aussi m’envoler, si vous préférez. » Et doucement, tu te mets à léviter à quelques centimètres du sol.

Lorsque la démonstration prend fin, tu ajoutes : « Je déteste les alchimistes. Je veux leur faire payer ce qu’iels m’ont fait. » Et comme une preuve de ta détermination, tu écartes un peu le tissu sur ton épaule pour dévoiler la longue cicatrice du coup de couteau que tu as reçu. Tu sais que dans ton esprit, même si ton corps est désormais guéri, tu ne t’en remettras jamais vraiment. « Ma mère était alchimiste. J’ai appris pendant toute mon enfance à détester mon don de sorcier·ère. » tu expliques à voix basse.