that's okay (or not)

L'évidence est là. Elle est là, partout dans l'immensité qui s'étale tout autour d'elleux, partout dans le miroir d'eau claire qui s'étend à leurs pieds. Partout, partout, partout dans le paysage inconnu qui les entoure. « On est perdu‧e‧s, Odalys ! » S'écrie Lirong, exaspéré, alors que la Noénaute insiste et persiste pour essayer encore un peu avant de paniquer.

La grue s'élance, s'envole à quelques mètres d'altitude, pas tellement plus. « Il n'y a personne autour de nous ! » Un soupir s'échappe d'entre les lèvres roses et les poings viennent prendre appui sur les hanches : « bon, d'accord, on est perdu‧e‧s mais je n'ai jamais dit le contraire ! » « Tu as dit qu'on allait trouver quelqu'un pour nous aider » ... Effectivement, elle a bien dit ça. Mais c'était pour rassurer Lirong. « Je n'ai pas besoin d'être rassuré, je ne suis pas un oisillon. » Ment le daemon en venant se poser près d'elle, mais c'est un mensonge vain quand les cœurs sont liés, battent à l'unisson.

Tendrement, dans un tremblement, les bras de la sorcière viennent s'enrouler à la base du cou, le visage vient se cacher dans le giron des ailes ramenées sur le corps frêle. A leurs pieds, le lourd sac de récolte s'écrase dans l'eau dans un bruit d'eau, révèle un trésor de nacres. « Je suis désolée, Lirong ! couine-t-elle dans un reniflement misérable, tellement minable : j'aurai dû faire attention à ce qu'on ne s'éloigne pas trop ... non, je n'aurai même pas dû insister pour qu'on parte avec l'expédition ! » Qu'est-ce qui lui a pris de vouloir quitter la ville sans Jade ? Qu'est-ce qui va advenir d'elleux maintenant ? Est-ce qu'iels vont mourir, périr ici ? Quelle triste, stupide ironie d'être sorcière et d'être la première à partir ! Et elle n'a même pas eu le temps d'embrasser Ariel !

that's okay (or not)

Elle avait déjà connaissance des inkumbolis mais c'est la première fois qu'elle rencontre l'un d'elleux et la métamorphose l'étonne autant qu'elle l'impressionne. Plusieurs fois, elle cligne des yeux en voyant jaillir une forme humaine du perroquet au plumage bicolore. Il lui faut un peu de temps pour répondre correctement à la salutation et à la proposition de l'homme devant elle. « B-bonjour ! Merci beaucoup, avec plaisir ! » S'écrie-t-elle en ramassant son sac et en lui emboitant le pas. Lirong, lui, a décollé pour planer au-dessus d'elleux, sa grande ombre les embrassant sous le soleil.

Un sourire amusé répond à la remarque de l'homme et Odalys se détend : « Peut-être que les daemons poissons échangent des secrets » Elle hausse les épaules, comme si la chose ne l'étonnerait même pas - et vu l'endroit, ce ne serait pas si étonnant que ça, non ? « Moi, c'est Odalys et lui, c'est Lirong. Et vous, monsieur ? Vous venez du village analogue, non ? » Demande-t-elle alors que leurs pas les font quitter la passerelle.

Elle est sur le point de préciser qu'elle l'a deviné grâce à sa tenue et ses couleurs qu'elle n'a jamais vues chez aucun‧e tisserand‧ière de la cité, lorsqu'une silhouette se dresse devant elleux et les interrompt : « Halte là ! Quittez immédiatement ces lieux » Aussitôt, Odalys se sent l'obligation de s'interposer, d'éviter un incident entre le Noénaute et celui qu'elle devine être un Analogue. « Ce n'est, on n'est pas des chasseur‧se‧xs de ruine, ni des contrebandier‧ère‧xs. Je me suis perdue en venant récolter des matières premières et il m'aidait à retrouver mon chemin » Explique-t-elle avec empressement. « Je me moque de vos excuses, je vous conseille d'obtempérer ou je vais vous arrêter. » Et là, elle s'imagine déjà les remarques de Nicholas, celles d'Arthur, celles de Jade ... Le visage prend une expression absolument mortifiée. S'impatientant, le garde finit par saisir le poignet de la sorcière qui, par pur réflexe, se dégage de la poigne de l'humain d'un simple geste et, dans une courbe parfaite du bras, lui envoie une claque dans la figure.

Il lui faut un moment de réaliser que le plouf est le bruit du corps du garde qui s'effondre au sol. Et que c'est sa claque qui en est l'origine. Un petit couinement choqué lui échappe, alors qu'elle porte une main à sa bouche et se précipite vers le garde inconscient : « Vous croyez qu'il est mort ? » Interroge-t-elle, en inspectant l'homme, sur le bord d'une nouvelle crise de larmes.

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Vous vous inquiétez vraiment pour lui ? demande Hira et il n'y a pas une once d'hésitation dans ton cœur quand tu réponds avec une brutale franchise : « bien sûr ! » Oui, tu risques de passer un sale quart d'heure si le garde t'a reconnue et prévient ta famille. Oui, on t'accusera d'être trop gentille ou trop naïve de trouver qu'iel ne l'a pas (totalement) mérité. Mais la vérité est là, dans le regard qui scrute avec inquiétude lae visage du garde, dans les gestes délicats qui tentent d'ausculter maladroitement la personne : oui, tu t'inquiètes pour ellui. « Vous trouvez ça stupide, pas vrai ? demandes-tu en l'observant porter le garde jusqu'à la terre ferme pour lui éviter la noyade : Que je m'inquiète pour lui. »

Quand il propose de reprendre votre route, tu acquiesces en te plaçant à ses côtés pour marcher, et peut-être discuter avec lui. La question à laquelle il n'a pas voulu répondre plus tôt est d'ailleurs à nouveau sur tes lèvres et tu t'apprêtes à la poser à nouveau, évidences à l'appui cette fois, lorsqu'il t'interrompt, mentionne ta force. « Oh, oui, je suis née comme ça. » Tou‧te‧xs les sorcier‧ère‧xs naissent ainsi. « Oui, je devrais, une ombre passe sur ton visage, grise un peu le sourire comme un nuage assombrit un ciel d'été et Lirong qui voletait juste au-dessus d'elleux vient soudainement atterrir entre elle et Hira, sans un mot, maigre rempart entre elle et la fatalité de devoir un jour faire le rituel initiatique : C'est compliqué. »

Le regard s'égare sur l'horizon, cherche une distraction mais le hasard s'en charge en plaçant un‧e chasseur‧se‧x de ruines sur votre chemin. Une chappe de peur fige tes pieds au sol alors qu'au contraire, le danger semble donner des ailes à Hira. Dans une danse mortellement gracieuse, l'inkumboli virevolte, fait chuter l'intrus‧e et enfonce un couteau dans sa poitrine en même temps qu'un cri étranglé s'invite sur tes lèvres.

Dans l'eau, le sang qui s'échappe de la blessure forme une corolle carmine qui s'étend ses pétales vers toi mais tu ne recules pas, laissant le cruor tâcher le bas de ton pantalon. Tout s'est joué tellement vite que tu n'as pas encore eu le temps d'assimiler, de comprendre vraiment ce qui s'est passé.

« C'est ... vous l'avez tué. »

Cette fois, pas de question.
L'évidence aussi est là, à vos pieds, face dans l'eau.

« J'ai juste besoin d'une petite minute, s'il vous plaît. » La voix est un peu suppliante. Ce n'est pas lae premier‧ère‧x mort‧e‧x que tu vois dans ta vie, le Blizzard a laissé ses traînées de cadavres dans la cité des pies ; et tu as déjà été témoin de batailles âpres au sein de la Basse Ville. Mais tu penses que tu ne t'y habitueras jamais, que ça ne te laissera jamais indifférente. « Je vous remercie, hein, tu précises car tu ne voudrais pas paraître ingrate : C'est juste que je dois reprendre mes esprits. »

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De tes deux mains jointes, tu prélèves un peu d'eau dans une flaque claire pour rafraîchir ton visage. Ton regard se garde bien de s'égarer sur le cadavre qui gît, face cachée, plus loin. Tu vois l'inkumboli revenir et tu hoches la tête à sa question, avant de te relever. « D'accord, allons-y alors. Vous avez raison. » Tu as beau avoir assomé un garde tout à l'heure, tu connais tes capacités martiales en cas de conflit et elles sont nulles. Celleux qui ont chuté sous tes coups ont toujours été pris‧e‧xs par surprise (ou étaient encore plus nul‧le‧xs que toi).

Alors tu te dépêches, tu rejoins Hira en te glissant à ses côtés : « Ce n'est pas la première fois, un frisson te parcourt quand tu te rappelles des altercations avec les Zutiques dans vos quartiers, quand tu te souviens des descentes solmènes sur vos quais, quand tu revois les vies éteintes sur le souffle du Blizzard. Ta vie n'est pas si paisible qu'on pourrait le croire mais ta sensibilité, ton émotivité demeurent. Et tu espères qu'elles ne partiront jamais alors que les années défileront en décennies, puis en siècles pour toi : vous pouvez le dire, que je suis trop sensible. » Tu hausses des épaules, on s'est souvent moqué de ça chez toi. Mais, toi, ça ne t'a jamais dérangée d'être ainsi. « Mais, moi, j'espère que ça continuera de me chambouler. » Tu lui glisses comme une confidence, laissant entrevoir que l'indifférence, l'anesthésie des années est ce qui te fait peur.

Tu t'apprêtes à lui expliquer, à donner plus de détails lorsque tu es interrompue par ce que tu penses être lae daemon d'un‧e sorcier‧ière : « C'est bien ici, Cittàgazze ? » Avant que tu puisses répondre ou poser la question que tu traverses l'esprit (Qui es-tu ?), lae daemon disparaît dans les nuages, hors de ta portée et de la portée de Lirong. Et tu fronces les sourcils devant cette étrange rencontre : « Tout le monde ici sait à quoi ressemble Cittàgazze, non ? Vous pensez que c'est un daemon d'un autre monde ? Il n'y a pas de sorcier‧e‧x à Cittàspide, non ? »