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AN 6 } 0 YO Ta naissance, le cri qui déchire la nuit alors que tu viens quelques années après Mercy. Tu es l'enfant d'un amour tendre, d'un amour doux.

AN 6 } 0 YO Papa et maman meurent quelques mois après ta naissance. Iels vous laissent seule au monde. Tu n'es qu'une nourrissonne lorsque tu es jetée avec ta soeur dans les bras de cet orphelinat pandémonique de la Basse Ville. Ici, les privations sont nombreuses. Ici, tu brailles et pleures beaucoup. La chaleur de la maison te manque et personne n'est vraiment là pour t'écouter et te bercer, si ce ne sont les bras maigrelets de Mercy.

Tu n'as connu que ça : les prières, les leçons de catéchisme et la foi en l'Autorité qu'on t'enfonce si fort que ça en est trop forcé. Mais tu hoches la tête, tu acceptes ton sort. Parce qu'on t'a dit que si tu étais une bonne petite, on viendrait te chercher, que la vie serait meilleure. Et t'y crois, en tenant fort la main de Mercy. T'y crois même quand tes larmes rebondissent sur tes joues et que ta sœur brandit les poings pour te défendre bec et ongle. Un jour, vous vous enfuirez de cet enfer.

AN 12 } 6 YO Adoption. Iel est si grand‧e que tu as l'impression qu'iel pourrait soulever le monde. Iel a des mots suaves, des promesses d'une vie plus douce au bout des lèvres, des serments qu'avec iel, tu seras importante. Les pupilles s'agrandissent face à tous ses jolis mots : " et Mercymorn ? On prend Mercymorn avec nous, hein ? " L'adulte fait un sourire enjôleur, charmeur mais ses yeux ne sont que deux vides vers l'abysse. Ses yeux te mentent lorsqu'iel te dit que vous viendrez plus part pour elle. Il n'y a de place que pour toi, Ariel. Pourtant, tu ne vois rien, tu ne devines rien.

T'es excitée comme pas possible. Angèle voletant autour de toi avec des impatiences vaillantes. Tu en parles avec Mercymorn, elle tente de te retenir, de faire appel à ta logique. Mais toi, tu veux partir. Toi, tu veux être avec iel. Mais tu reviendras. Tu reviens toujours pour elle. A la veille de ton adoption, elle tente encore une fois : mieux vaut la rue qu'être séparées. Mieux vaut le froid plutôt que de ne plus s'appartenir ni à l'une, ni à l'autre. Et tu fais non de la tête. Tu veux partir. Sans elle. T'as pourtant pas conscience que tu troques une cage rouillée contre une cage dorée. T'as pas conscience que tu reviendras jamais. Que t'en reviendra jamais alors qu'Ariel Lazzaro disparaît pour devenir Arielle Marinelli.

AN 12 } 6 YO Premiers pas sur scène et première manifestation du don. Tu troques la Basse Ville pour fouler les pavés de la Haute Ville. Tu rentres dans saon théâtre : L'Ilotopie dans ses dorures, dans ses paillettes. T'es émerveillée alors qu'iel te débarrasse de tes frusques, te pouponnes, t'éduques. Iel a un sourire fugace alors qu'iel te jure, te promet :  Tu deviendras mon plus grand chef d'oeuvre, Arielle. Ma plus belle étoile. Un sourire docile alors que ses yeux font battre plus fort ton coeur.  

Iel te prépare pendant des mois pour la première représentation face aux grandes pompes Solmènes. Un jour, tu prends sa main par mégarde et tu cries alors qu'iel se dévoile dans ce qu'iel a fait : une balle pour assassiner son prédécesseur et lui voler son théâtre. Tu ne poses plus les même yeux sur iel alors qu'iel t'ordonne de la boucler, de ne surtout rien dire. Iel en frémit, iel te voit une autre utilité alors qu'iel te gante et t'ordonne de le cacher, de ne surtout pas en parler.  Le lendemain, tu montes une première fois sur scène, un peu gauche, un peu timide dans le rôle de cette fillette venant supplier les Solmène de la sauver de la fin de son monde, de l'Effondrement. La pièce est un succès retentissant. T'as le coeur qui en bat plus fort alors que les fleurs tombent à tes pieds.

AN 15 } 9 YO Ton succès est grand, retentit. Plus tu joues, plus tu t'améliores, plus iel est satisfait‧e de ce que tu lui montres. Tu veux tellement lui plaire, tu veux tellement qu'iel t'aime. T'as même pas conscience de marcher sur des œufs avec lui, toujours sur le qui-vive, toujours au bord du vide. Jusqu'à sa prochaine colère. Qu'importe, iel parfait ton éducation. Iel t'apprend à te tenir, à parler, à respirer, à exister. Et tu fais pas attention à l'abus - tu t'y refuses - alors qu'iel est tout pour toi. Iel te force pourtant une fois d'user de ton don pour faire chanter cette grande pompe Solmène et t'en chiales, tu veux pas alors qu'iel te dit qu'iel a tant fait pour toi, que tu pourrais lea remercier comme ça. C'est trois fois rien alors qu'iel t'a littéralement donné vie.

Les pièces à l'apologie des Solmènes, de leur pouvoir, de leur dieu déferlent sur la ville dans une sourde propagande. Iel écrit nuit et jour pour satisfaire ses sponsors et te fait briller dans leurs yeux. Tout cela ça t'enivre. Tout cela, ça te fait perdre un peu pied à la réalité. Tu t'en fous ; tu es l'étoile la plus brillante, éclatante de son ciel.

AN 16 } 10 YO Premier régime, premières restrictions. Le soir, tu as l'impression de vivre au paradis, boostée par l'adrénaline, dépassée par le plaisir du jeu. Le matin, tu as l'impression qu'iel t'impose toujours plus de restrictions : joue mieux, cesse de manger, tiens toi droite. Et tu as l'impression que rien n'est suffisant alors tu te plies pour rentrer dans ses exigences de plus en plus fortes. Parfois, même iel change d'avis, te fait croire que c'est toi qui n'a rien compris. L'emprise est totale alors que quelques acteur‧rice‧xs quittent le théâtre devant les abus de pouvoir de saon directeur‧rice.

AN 22 } 16 YO Le théâtre brule, ta vie part en fumée ; l'étoile s'est crashée. Iel fâche ou fait chanter lea mauvais‧e Solmène et la milice solmène déferle sur le théâtre pour l'expédier six pieds sous terre en pleine représentation. Les hurlements résonnent encore à tes oreilles, explosent sous ta cervelle alors qu'iel est agenouillé‧e au milieu de la scène : par l'autorité de lea Grand‧e Prétre‧sse, nous vous condamnons à mort pour tentative d'escroquerie, extorsion et abus de pouvoirs envers les Solmènes. Et iel s'embrase, gueulant alors que les flammes le dévorent et cette odeur de chaire carbonisée qui continue à te hanter. Et tu cours, cours, abandonnant tes chaussures sur le passage, redescendant, sombrant dans les ténèbres de la Ville Basse. Toi qui avais tant lutté pour la quitter.

AN 22 } 16 YO Tu intègres un gang d'enfants des rues alors qu'iels voulaient te racketter. Tu pleures à chaudes larmes pour les émouvoir, les prendre au désespoir. Tu dis que tu as plus rien, tu mens à peine en racontant plus de tragique que nécessaire sur ta propre histoire. Et ton nom ? Ariel. Ariel Lazzaro. Comme un rappel au passé.

A leur côté, t'apprends à voler dans la poche des passants. T'apprends aussi à faire les jolis yeux à des marchand‧e‧xs pour pouvoir leur soutirer une pomme, un petit pâté. Trois fois rien alors que tes comparses lui vident les poches.  Ta beauté, ton sourire, tes yeux embumés de larmes ont tendance à provoquer un pardon facile, futile. Cette vie ne te satisfait pourtant pas.

AN 24 } 18 YO Rencontre avec Mercy et sauvetage de la rue. C'est au détour d'un chapardage que tu croises cette soeur disparue, que tu avais pourtant promis de tirer du froid de l'orphelinat. Le silence est long entre vous lorsque vos regards se croisent et puis Mercy te tire de la rue, t'amène chez elle : le taudis te fait froisser, froncer le nez mais tu ravales tes mots en te mordant la langue. Pourtant c'est quelques mois à cohabiter que la dispute explose ; elle te trouve trop princesse capricieuse, tu la trouves trop bête de se contenter de si peu. Tu claques la porte. Quelques jours plus tard, tu reviendras récupérer tes affaires dans la chambre vide. Le sentiment d'abandon te donne envie de chialer de bouder.

AN 24 } 18 YO Rencontre avec Motoko. T'es enfin majeure et des personnes malintentionnées te trainent de force à la Nef. Tu hurles, tu te débats, sachant très bien ce qu'on veut de toi. La main se dégante et tu attrapes une main au vol, les rétines s'explosent, le passé se dévoile. Tu lui gueules ses pires secrets lorsque tu reviens à la réalité. Les gestes se stoppent alors qu'iels tentaient déjà de te tirer dans une chambre. Un soupir, et une silhouette aux cheveux étincelants s'élancent dans la mêlée. Elle les dégage de toi. Ton nom ? Motoko. Motoko comme une sauveuse dans l'orage, la rage de ta vie. Motoko auquelle tu te raccroches dans un soulagement alors qu'elle te demande ce que tu sais faire exactement. Les doigts se tortillent, les yeux se redressent dans les siens : Je peux savoir leur plus noirs secrets. Une main se tend, tu te redresses, tu chasses tes larmes.  Je peux être n'importe qui. Si vous me le demandez.

AN 26 } 20 YO Intégration dans les zutiques. Tu assistes à la naissance des zutiques telle qu'ils le sont. Du cercle de poète à une faction organisée, il n'y a qu'un pas.

AN 31 } 25 YO Tu prends le rôle d'une infirmière au sein de l'Hopital du Capitello. Tu te fonds dans un personnage de soignante maladroite pour aider les Zutiques à fomenter leur attentat. Certain‧e‧xs diront que tu as veillé à ce qu'iels aient libres accès. Le nom d'Arla Venetzza fait parti des disparus sous les débris et les décombres, te permettant de t'évanouir dans la Ville Basse; quelques mois planqués chez Motoko sont suffisants pour te racheter une réputation, un visage.

AN 32 } 26 YO Le blizzard frappe. Ta mission d'infiltration en tant que domestique d'une famille de riches solmène s'avorte naturellement quand on licencie le personnel de maison. Tu rejoins la Basse Ville la peur au ventre d'en crever, de vraiment sombrer dans l'oubli. Tes pas te ramènent naturellement vers la maison de Motoko, tout contre elle, grelotante. Est-ce qu'on va mourir ? La sorcière te jette un sourire énigmatique. On meurt tous‧te‧xs un jour. Et pourtant la rage, la jalousie, l'envie sont sourdes : pourquoi celleux d'en Haut n'ont pas froids, n'ont pas faim ? Pourquoi tu ne peux pas les faire sombrer dans l'enfer ?

AN 33 } 27 YO Intégration à la guilde des haruspices. Menée par un‧e ami‧e, tu t'y retrouves un peu déboussolée au bar Du Dernier Mot. Tu y trouves pourtant de l'écoute, de la compréhension et une tendresse jusqu'ici que tu pensais morte avec Mercy. Et tu deviens bientôt une figure de proue du mouvement, revendiquant la protection des Haruspices dans la guide, cherchant à toi aussi, les ramener en ces lieux. Et pourquoi pas en tisser une ramification de toile d'informations pour pouvoir espionner plus facilement les ennemi‧e‧xs des cavalier‧e‧xs.

AN 34 } 28 YO Infiltration chez les Solmènes en tant qu'Arianne Matteri, vendeuse de bijoux débutante. Le personnage a été soigneusement construit, sa vie tissée comme un conte de fée. Tu sais les risques pris mais tu ne reculeras devant rien pour déployer tes ailes, préparer et te goinfrer de l'apocalypse qui gronde. Tu seras gagnante, tu le sais. Et t'entreras dans les légendes.