Toute la matinée, bien que rassurée de passer du temps avec Eluard, Skye n’a cessé de se demander comment allait Yiwài. Comment avait-il vécu, lui, les horreurs et la transe. En passant devant l’hôpital, après avoir quitté la Cardinale et sa garde, elle avait été prise d’un vent de panique. Ce n’est pas dans les couloirs froids et terrifiants du lieu qu’elle a voulu se rendre mais bien chez le garçon, brisant quelque peu la frontière de l’intime, juste pour s’assurer qu’il aille bien.

En traversant la Ville-Basse, découvrant les étals vides du marché, transformé en capharnaüm ésotérique, Skye se laisse tenter à acheter un petit token de bois, pour protéger son chez elle, songeant à Simurgh qui devait ellui aussi errer dans les rues à s’assurer que les membres du Munstrum, si certain·e·s étaient haruspices, se portent au mieux. Elle le placerait à l’entrée, dans l’une des cases de sa bibliothèque, juste à côté d’un exemplaire en vélin de la Bible, l’une de ses premières reliures. Le toucan s’imbiberait ainsi de toute la force des anges qui veillent, apportent protection et calme.
Mais en arrivant chez Yiwài, Skye toque à la porte. « Yiwài ?... C’est Eirhart. Skye… Yiwài tu es là ? Ouvre. ». Pas de bruit. Cees sort la tête, puis tapote le bras de l’humaine, d’abord une puis deux fois, et finit par accélérer ses coups. Elle peste, tourne sa tête, et un jeune homme l'assaille. Familier, ce sont les moustaches de son daemon qui lui rappellent qu’iels se sont déjà croisé·e·s, mais bien incapable de remettre un nom sur son visage d’ange, elle se contente de hocher la tête. « Ca ne répond pas. Je ne sais pas s’il est là ; vous venez voir Yiwài vous aussi ? Je ne sais pas comment il va depuis cette nuit… Je m’inquiétais, simplement. Tout le monde est à cran. Plus de la moitié du marché était vide en venant. ».

La tête encore à moitié cachée par le tissu du sac, Cornelius ne perd pas des yeux le tamarin empereur, envieux de cette moustache incroyable. Cees gratouille alors les poils courts qu’il a autour de sa bouche comme s’il voulait les recroqueviller et leur donner de la forme, sortant jusqu’à ses épaules avec fierté. « Cornelius. Enchanté. C’est pas souvent que je croise d’autres primates. ».