Zola t'as parlæ ce matin. Æl ne le fait pas souvent, ou dans un murmure. Il faut que tu tendes l'oreille pour l'entendre. De toute façon, vous avez une autre façon de vous comprendre. Mais là, æl a parlé. "J'ai cru voir un fantôme." Voilà ce qu'æl t'a dit. T'as pas compris tout de suite, comment tu aurais pu ? Vous étiez toutæs les deux dehors, dans les rues de la Ville Haute en train de rejoindre la Torre. Et voilà qu'æl a haussé la voix. Ce n'était pas un murmure. Æl voulait attirer ton attention. T'as tourné sur toi-même, t'as essayé de repérer ce fantôme, mais rien. "Qu'est-ce que tu veux dire ?" Un instant d'hésitation. Vous êtes là en train de vous regarder en chien de faïence. Æl rapproche sa tête de ta main gauche, l'effleure avec ses oreilles. C'est le signe pour le mot "adelphe". À chaque fois que tu parles de cet adelphe disparu·e·x avec æl, c'est comme ça qu'æl te répond. Surprise prend d'abord toute la place. Puis c'est au tour de l'incompréhension. T'étais pourtant sûræ qu'iel était mort·e·x. C'est pour ça que tu veux tant reforger le poignard. Tu veux le·a·x retrouver. Tu te rappelles pas de grand chose d'ellui, mais tu sais qu'iel a pris soin de toi quand vos parent ne le pouvaient pas. Iel était là avant Baba. Iel t'appellait Trinity et iel faisait en sorte que tu aies toujours à manger. Iel s'occupait aussi de Zola qui était déjà silencieusæ à ce moment. Son visage n'est plus qu'un assemblage flou, des yeux noirs, un sourire et c'est tout. Sa voix, tu l'as oubliée. Iel n'est plus. Rien qu'un souvenir craquelé. "Quoi ?" T'es pas sûræ de comprendre. "Tu as cru le·a·x voir, c'est ça ?" La hyène hoche de la tête. Ses yeux voient bien mieux que les tiens. Et æl se rappelle. De tout. Tout semble clair dans sa mémoire. Toi tu as oublié, æl non. Æl se rappelle du rire de votre adelphe. Æl se rappelle qu'iel vous prenait dans ses bras pour vous tenir chaud la nuit. Æl se rappelle qu'æl se blottissait contre ses mains. "Où est-ce que tu le·a·x vu·e·x ?" Tu regardes partout, observe chaque visage dans la rue, mais il n'y a rien de familier dans ceux-là. Zola te montre une ruelle du bout du museau. Tu t'y engouffres, mais toujours personne. Où est-iel ? "T'es sûræ de ce que tu as vu ?" La question est stupide. Tu sais qu'æl est sûræ, æl n'aurait rien dit sinon. Pourtant, æl hoche tout de même de la tête. Tu te mets à courir, à la recherche de ce fantôme. Zola cherche avec toi.

Vous ne trouvez rien. Vous avez eu beau parcourir toutes les rues et les ruelles du coin, vous ne le·a·x trouvez pas. Peut-être bien que ce n'était qu'une illusion. L'espoir qui était revenu d'enfin trouver quelqu'un·e·x de ta famille vient d'être écrasé par la réalité. Tu ne peux pas accepter que Zola s'est faitæ la mauvaise idée. Æl n'est pas comme ça. Tu peux lui faire confiance. Æl est la seulæ a être encore là. Æl te fait comprendre que vous pourriez demander de l'aide, ponctuant même sa phrase par l'idée de feu. Et le feu, dans ce cas-là, tu sais que c'est Dragon. Elle est milicienne, peut-être qu'elle pourra déployer des petits moyens pour mener l'enquête. Tu hoches de la tête et tu te rends au pas de course là où tu penses avoir le plus de chance de la trouver : la Torre. Après avoir navigué dans les couloirs et demander des informations à d'autres alchimistes, tu finis par la trouver. T'as failli la rater, de peu. "Dragon, j'ai besoin de ton aide. Faut que tu retrouves quelqu'un·e·x pour moi. Zola a cru le·a·x voir ce matin à trois rues d'ici. On a rien trouvé en cherchant dans le périmètre, mais je sais pas comment m'y prendre. J'ai dû louper quelque chose." Tes mots s'entrechoquent, faut qu'ils sortent, faut que Dragon le·a·x retrouve. Tu voudrais que tout aille vite, il n'y a pas de temps à perdre. Il faut que vous repartiez à sa recherche.

L’automne s’installe et avec lui les incendies de l’été auraient du disparaitre, mais la brigade de Dragon est toujours aussi sollicitée, preuve que rien ne va jamais bien dans cette cité perdue. Elle est perpétuellement couverte de suie, ses cheveux ont pris le gris de la cendre et c’est après la troisième intervention de la journée qu’elle doit venir expliquer aux grand‧e‧xs pontes solmènes de la Torre que non, il n’est pas possible de simplement faire pleuvoir sur les bâtiments en flamme, et qu’iels ont besoin de davantage d’alchimistes en renfort. Son humeur est craquelante elle aussi, ses paroles sifflent entre ses dents serrées et elle sait ne pas se faire que des ami‧e‧xs avec ses répliques cinglantes, mais tant pis ; si elle veut de l’avancement, elle passera par le long bras de Taron.

C’est en sortant de son entretien qu’elle rencontre Itha, et si une part d’elle se radoucit vis-à-vis de l’alchimistae qui ne lui a jamais fait de crasse, la panique d’Hichkas lui fait comprendre que sa journée de travail n’est pas près de se terminer. « Attends, respire. » La milicienne jette un œil aux alentours, et guide Itha jusqu’à une petite alcôve vide, lui proposant une chaise, et sortant quant à elle un carnet de cuir et un crayon de charbon pour prendre des notes.

« Qui as-tu vu ? Est-ce que tu peux m’en faire une description ? Nom, physique, profession, habitudes ? Si c’était ce matin, avec le passage, il n’y aura sûrement rien de frais, mais on peut y repasser ensuite. D’abord, explique moi tout. »

Elle prend des notes, diligente, tout en remuant les informations sous sa caboche fatiguée. Un‧e‧x adelphe, disparu‧e‧x, avec un daemon muet avec qui il est difficile de communiquer pour seul témoin. Iels sont pas sorti‧e‧xs des plumes de Quetzal.

« Je peux essayer. De ce que je comprends, cette personne a plutôt intérêt à se camoufler, cela va être difficile de remonter sa trace. J’imagine que tu ne souhaites pas que j’implique la hiérarchie ? » Les espion‧ne‧xs solmènes seraient plus indiqué‧e‧xs, mais Dragon a l’habitude de faire les choses off the book. Surtout lorsque, dans la grande tradition alchimique, elle peut en tirer un avantage. « En échange, j’aurais moi-même un service à te demander. On en reparlera. » Il valait mieux une promesse ouverte, qu’elle puisse prendre le temps d’y réfléchir, et de commencer ses recherches avant de s’ouvrir à Itha.

Les mots s’entrechoquent à tes lèvres. Il faut que tu dises à quelqu’un ce que Zola a vu. Il faut qu’on te dise que c’est possible que ce n’était pas juste une ombre. Tu ne doutes pas de ton âme, æl ne se trompe pas. Seulement, comment retrouver une personne dans tous Cittàgazze ? Iel a tout de même réussi à disparaître plusieurs dizaines d’années. Tu le·a·x croyais mort·e·x. Iel n’était tout simplement pas revenu·e·x un jour. Tu l’avais cherché·e·x, mais sans jamais le·a·x retrouver et là, iel apparaissait comme un super d’un rêve dans une rue. Une rue que t’empruntait presque tous les jours. Comment se faisait-il qu’iels ne réapparaissaient que maintenant ? Dragon t’enjoint à respirer et tu l’écoutes. Elle ne pourra pas comprendre ce qui t’amène si tu n’as pas les idées claires. Zola se presse contre toi, æl est une présence réconfortante. Vous chercherez votre adelphe ensemble. Quoiqu’il arrive, æl sera là.

Tes esprits retrouvés et après avoir suivi Dragon dans un coin plus calme, tu peux maintenant t’exprimer plus clairement. « Zola pense avoir vu notre adelphe. Iel a disparu en l’an 7, je le·a·x croyait mort·e·x. Je ne me rappelle pas son visage et pas vraiment son nom non plus. » Comment le·a·x retrouver alors que tu ne te souviens de rien. Zola ne te parle jamais de ça, c’est trop douloureux pour æl de voir la confusion sur ton visage. Toi, tu n’as pas les mêmes souvenirs qu’æl. Ils ont disparu avec les années. « Iel est plus grand·e·x que moi, pas de beaucoup. Zola dit qu’iel est souriant·e·x et qu’iel portait des vêtements usés. Je sais pas ce qu’iel est devenu·e·x, je sais pas qui iel est maintenant… » Zola t’a transmis tout ce qu’æl avait vu par quelques gestes discrets. Sa tête est contre tes mains, mais tu vois bien que sa description est peu précise. Le·a·x retrouver te semble impossible et pourtant, Dragon a l’air confiante. Elle va essayer. Elle est prête à t’aider. Un sourire reconnaissant se dessine sur tes lèvres alors que tu hoches de la tête. « Non je veux pas qu’iels sachent. C’est une affaire perso. » T’es prêtæ à te relever pour guider Dragon jusqu’à l’endroit ou la hyène le·a·x vu·e·x. Il n’y a pas de temps à perdre. « Je te revaudrais ça. »

D’un accord tacite, vous sortez toutæs les trois de la Torre et tu amènes Dragon jusqu’à la rue. « Zola l’a vu·e·x ici. Le temps que je comprenne ce qu’il se passait, iel avait disparu. J’ai fait le tour des rues alentour, mais je ne sais pas quoi chercher. » Avec Dragon, vous marchez pendant un moment à la recherche du moindre indice. T’as l’impression que tout ça ne sert à rien. Iel a disparu de nouveau et tu ne le·a·x retrouveras jamais. Cet·te·x adelphe restera à jamais un souvenir flou et incomplet. Le seul espoir qu’il te reste, c’est de le·a·x recroiser par hasard.

tw maladie grave (leucémie)
Les maigres informations que Itha lui transmet ne dresse aucun portrait robot capable d’identifier son adelphe, et Dragon mordille le bout de son crayon, pensive. Il y aurait bien une solution pour résoudre cet handicap important à une recherche efficace, mais ca va couter. En troc, en énergie, en confiance. « Est-ce que Zola pourrait répondre par des hochements de tête à quelques questions ? Je connais un artiste qui dessine des visages. » La milicienne n’aime pas faire appel à ses services en dehors du travail, cela risque d’ébruiter la recherche, et elle sait également que la demande qu’elle formule est audacieuse. N’ayant pas de daemon, la trentenaire tâtonne vis à vis des tabous qui accompagne ces âmes visibles, et elle n’est jamais trop certaine de ce qui est acceptable de demander à un daemon ou non. « Si ce n’est pas possible, on se débrouillera sans. » Une assurance qu’elle est loin de ressentir réellement, mais l’objectif est d’apaiser l’alchimiste paniquae.

Arrivée sur les lieux, Dragon fait un rapide sketch du lieu, note l’heure et l’adresse. Si la personne est habituée du coin, iels pourront peut-être plus facilement lae retrouver en se postant ici durant la semaine. Il ne s’agit pas d’un quartier de Ville Basse grouillant de monde, ici les gens se connaissent entre elleux, sont disposé‧e‧xs à parler à une milicienne. « Tu dirais qu’iel pourrait habiter dans le coin, ou y travailler ? » S’il ne s’agit que d’une coïncidence inouïe et que l’adelphe ne reviendra plus jamais dans le coin, la mission devient quasi impossible. Se faisant, elle observe un moment Zola, et s’accroupit à son niveau, regardant la rue depuis son point de vue. « Est-ce qu’il y avait une odeur particulière, à ce moment là ? Ou un bruit. » Elle ne remarque pas d’environnement suspect, d’éventuel faux mur, de passage secret. Il y a une allée un peu étroite entre deux maisons, et Dragon y jette un œil, sans rien repérer d’inhabituel, le lieu menant à une petite terrasse blanche avec un joli panorama sur la ville.

« Ecoute, merci pour toutes les infos. Je vais enquêter tranquille, on se retrouve ici dans une semaine ? Si tu as des nouvelles avant, tu peux passer à la caserne, bien entendu. » Sur une poignée de main ferme, Dragon s’éclipse, l’esprit en ébullition.

*

Elle fait les quatre cents pas sur la terrasse, l’uniforme couvert de suie, une vilaine brûlure lui barrant le visage. Est-ce que la messagère que Dragon a mandé pour aller chercher Itha fera correctement son travail ? La milicienne prend un risque à s’éclipser à un moment pareil, juste après un incendie de cette taille. Normalement, les cendres ne pourront pas refaire de feu, tout est sécurisé, mais Harding attendra son rapport, et il ne va pas aimer. Tant pis.

L’alchimiste débarque et la tension qui lui ceignait les reins et les épaules s’adoucit, la blonde lui sourit avec regret. « Mes excuses pour l’heure, je me suis dit que tu préférerais avoir les informations maintenant. J’ai peut-être une piste. » Elle ne s’arrête pas pour un effet quelconque de suspense, mais bien pour vérifier que personne ne les a suivi dans cette ruelle. « Ca n’a pas été facile, mais j’ai découvert qu’il y a eu plusieurs vols dans le quartier ces dernières semaines. Personne n’a vu lae coupable, mais en donnant ta description à une de mes sources, j’ai eu confirmation que ça pourrait être iel. Iel pourrait se trouver dans un bar de la Ville Basse, le Mort d’Efaim. » Elle sait que ça fait beaucoup d’informations d’un coup, beaucoup d’espoir, et Dragon adoucit au maximum son apparence, son ton, chuchotant ces bribes avec compassion. Il n’y a pas de certitudes que ce soit la bonne personne, son indic peut lui avoir menti, l’adelphe de Itha peut n’avoir rien à voir avec ces vols, mais s’il existe une chance, elle la prendra, et elle sait qu’Hichkas aussi.

« Je peux y aller seule, mais Zola est celui qui connaît son visage. Es-tu prêtae ? » Une visite dans les bas fonds n’est jamais évidente, pour elleux de la Haute, et Dragon jette un regard dégouté à sa tenue. « Enfin, passons rapidement par chez moi d’abord, il faut que je me change. J’ai voulu te prévenir au plus tôt. » Débarquer en milicienne, même à demi-cramée, serait la meilleure manière de s’assurer que toute piste s’évapore. Et cela lui permet par la même occasion de lui présenter sa partie du marché.

En quelques minutes, Dragon a enfilé une grosse combinaison de toile et rassemblé ses cheveux en chignon sale. Il n’y a rien à faire pour sa peau ; elle ira voir une alchimiste médicale plus tard, et ça lui donne un petit air grisâtre qui ira très bien dans un bar pareil. Sur le pas de la porte, son adelphe les regarde s’éloigner, appuyée contre l’embrasure de la porte, frêle et silencieuse comme souvent. « Iel a une leucémie. Aucun traitement ne fonctionne. Les médecins lui donnent deux ans, trois si son corps accepte des transfusions. » Dragon s’y connaît assez en biologie pour savoir que les pourcentages ne sont pas en leur faveur. Les donneur‧euse‧xs sont rares à Cittàgazze, les moyens de tester et purifier leur sang sont coûteux. Il faudrait plusieurs miracles pour la sauver. Hichkas, si les rumeurs autour de sa maîtrise de l’alchimie de sang disent vrai, pourrait en être unae.