Fêter ses 30 ans était une gageure que Nicholas aurait refusé s'il avait su combien de préparations et de pots de vin elle lui demanderait. Organiser une fête n'était pas si difficile d'habitude : une guitare, un feu de bois et quelques tabourets, voilà ce dont les noénautes avaient besoin pour s'ambiancer jusqu'au bout de la nuit. Cependant, il y avait une différence entre une fête improvisée, et quelque chose dont on se souviendrait longtemps, comme de cette soirée.

Tout avait pourtant commencé simple : Nicholas, Kafka, son fils, ses frères et soeurs, sa mère, et Isle. Mais voilà, iels étaient trop nombreux‧se‧xs (et trop grand‧e‧xs, désormais) pour passer tous‧te‧xs sur la péniche. On avait pensé à la Brocanterie, mais Isabella ne voulait pas débarrasser tous les meubles dehors au risque qu'ils disparaissent dans la nuit. En plaisantant, Nicholas avait proposé un vieux hangar, ou même la coupola, mais Isle lui avait rappelé que c'était de l'abus de biens sociaux. Soit.

Le temps de trouver un locali convenable, chacun‧e‧x de ses adelphes avait fuité l'information à un‧e‧x cousin‧e‧x, un oncle, une vieille grand-tante, à des ami‧e‧xs, voir pire : à d'anciennes conquêtes. Et voilà que tout le monde lui souhaitait de très bons 30 ans, en amenant quelques cadeaux, et ooh, tu organises une soirée ? Pense à moi surtout. Ugh.

A chaque fois qu'il comptait le nombre d'invité‧e‧xs, celui-ci changeait mystérieusement. Kassandra venait avec une amie, ok. Arthur allait ramener Nino, mais bon, avoir un labrador d'assistance pouvait servir. Bien entendu, Siren avait dit que non, toutes les lucioles ne viendraient pas, ce qui voulait dire qu'iels seraient tous‧te‧xs là. Même Isabella s'y était mise, proposant de venir avec son nouveau mec, ce à quoi Nicholas avait du mettre un véhément véto. C'était son anniversaire, pas la présentation officielle d'un nouveau beau-père, merci.

Mais il avait eu une idée grandiose ! La piazza del sole, moins utilisée par ce froid, suffisamment grande pour tous‧te‧xs. Avec des ami‧e‧xs, des bras surtout, les Covenant ont installé des tréteaux toute la journée, et chaque invité‧e‧x sait ce qu'iel doit amener : de la nourriture. A 18h, la scène est prête. A 20h, le soleil couché et les lampions de l'Ararat ressortis des placards, le lieu change d'atmosphère, alors que Nicholas, vétu de son plus beau costume, son fils dans les bras, trinque avec les convives. "Merci à tous‧te‧xs d'être venu‧e‧xs ce soir ! Je sais que vous êtes surtout là pour la bouffe." Sifflements hilares en fond de salle. "Donc je me contenterais d'un toast : à mes trente ans à Cittàgazze ! C'était pas gagné, mais j'espère qu'on repart tous‧te‧xs ensemble pour trente de plus !"

Et l'allocution finie, il descendit des gradins pour rejoindre ses proches, en profitant pour embrasser Kafka, dont la présence à ses cotés ce soir signifiait tout. "Je meurs de faim ! Est-ce qu'il y a du tiramisu ?"

résumé soirée anniversaire de Nicholas ! Fête de famille modeste devenue soirée projet X, tout Cittàgazze semble avoir eu une invitation. N'hésitez pas à vous incruster, mais ne prenez pas ombrage si les Covenant restent dans leur coin un moment ;)

Tu ne sais pas réellement ce que tu fais ici, si ce n'est pour Nicholas. Dans un coin de la Piazza del Sole, tu observes les convives porter des toasts, commencer à danser, former de petites grappes riantes et saoules. Le soir est tombé et les lampions ont pris le relais de leur douceur, éclairant de mille couleurs ce lieu magnifiquement trouvé où tu as d’ordinaire l’habitude de jouer à l’ulama dans l’équipe de Sobek. Mais tu n’oses pas te mêler aux convives, même aux Covenant que tu as appris à côtoyer durant le blizzard et depuis que Nicholas et toi avez emménagé dans une petite casetta aux côtés, parfois, d’Arthur, il y a quelques mois. Iels te connaissent bien désormais, et dès les premiers temps, ta relation avec Nicholas ne leur avait pas échappé. Mais tu es l’un parmi tant d’autres que la surprise n’était que de passage, et bientôt tu es devenu une norme, mais tu ne t’en formalises évidemment pas. Le polyamour, tu le partages, tu n’as seulement pas réellement envie de te mêler à ses autres conquêtes ce soir. Tu ne connais personne à part sa famille, que tu ne veux pas troubler dans leurs festivités.

Bientôt, Nicholas porte un toast, et tu l’écoutes avec un sourire tendre. Cette nuit te bouscule dans tes habitudes à la Nef des fous. Ce soir, pas de chambres froides ni de bar funèbre, simplement la joie d’être auprès de lui et de pouvoir fêter ses trente ans. Alors timidement, tu te rapproches de sa famille lorsque Nicholas descend des tréteaux pour les rejoindre, espérant pouvoir lui dérober un baiser avant qu’il ne disparaisse dans la foule. Nicholas t’embrasse, et tes craintes si timides s’amenuisent. « Joyeux anniversaire. » tu viens lui murmurer à l’oreille avec un sourire. Mais bien vite, tu te retrouves avec Eco dans les bras, et ta maladresse avec les enfants resurgit. Tu le retournes dans tous les sens avant d’arriver à le porter correctement, mais l’enfant semble apprécier ces petites montagnes russes et échappe un rire clair qui te fait sourire. « Pourquoi c’est pas mon anniversaire ? » il articule en te regardant dans les yeux, comme si sa vie dépendait de cette question. « Euh, parce que… parce que… » Tu es pris au dépourvu devant ces interrogations tout à fait hors-sol, comme seul·es les enfants savent en poser. Il te faut réfléchir de longues secondes avant d’arriver à une réponse beaucoup trop formelle, qui fait froncer les sourcils à Eco, vraisemblablement déçu : « Parce que toi c’est le 19 avril, et qu’on n'a un anniversaire qu’une fois par an. » Tu le redéposes au sol. « Pourquoi qu’une fois par an ? » Tu grimaces en poussant doucement le bambin vers ses tantes, espérant qu’elles te sortiront de cette impasse.

Tu relèves les yeux vers Nicholas en venant lui demander au creux de l’oreille : « Quand est-ce que je pourrais t’offrir ton cadeau ? » En vérité, tu n’as qu’un présent médiocre, mais tu meurs d’envie de savoir quels seront ceux de son adelphie. Et puis, tu sais que ce sont toujours des moments de joie, quoique tu ne fêtes que très rarement ton anniversaire depuis que tu te fais passer pour mort auprès de ta famille. Tu as réussi à voler auprès d’un client une étrange bague d’obsidienne dont tu n’as pas percer les secrets mais que tu trouves simplement jolie. Alors tu espères pouvoir trouver un moment dans toute cette animation pour pouvoir lui offrir discrètement, plus tard dans la soirée, quand les convives commenceront peut-être à s’essouffler.

Lorsque les préparatifs du trentième anniversaire de Nicholas ont débuté, tout le monde donna du sien pour que tout soit prêt à temps, sans pourtant vous départir de vos sourires. Installer les petits tréteaux sur la Piazza del Sole, les tables pour les mets et les boissons, les lampions pour repousser la nuit. Les couleurs douces rappellent l’Ararat et illuminent l’obscurité de petites lumières bigarrées. Le lieu a été choisi avec soin et une faune hétéroclite s’est rassemblée : de la famille, des ami·es, des ami·es des ami·es, voire de parfait·es inconnu·es ayant été attiré·es par la lumière et les boissons. Evidemment, tes adelphes sont là aussi, ainsi qu’Isabella, votre maman. Nicholas l’ignore mais vous avez fait en sorte elle et toi de convaincre Melancholia de venir chanter ce soir, lorsque la nuit sera plus avancée, argumentant longuement sur la longue liste d’invité·es et promettant des trocs avantageux. Mais Melancholia n’a que faire des publics et des trocs, tout ce qui l’intéresse, c’est de chanter ; et elle a accepté. Un beau cadeau, auquel tu as ajouté un petit présent : une potion de subsistance préparée dans ton herboristerie, pour préserver ton frère contre les douleurs et les tourments, quels qu’ils soient.

La petite famille s’est rassemblée en attendant que Nicholas ait terminé son discours. Dans ses bras, Eco batifole. Tu te demandes si tu aimerais avoir des enfants, dans un monde en ruines comme celui-ci, toi et tes traumas, tes peurs, tes insécurités. Tu n’es pas solaire comme Nicholas et ses multiples conquêtes. Tu n’as rien d’un père, à peine te reste-t-il quelque chose d’un grand frère. Avoir des enfants te semble le plus inatteignable des desseins, et tu n’es pas réellement sûr d’en vouloir. Pourtant tu aimes Eco, tu aimes son rire, ses questions saugrenues et tout ce qu’il a pris de son père, mais tu ne l’as pas vu grandir, et cela te serre parfois le cœur. Mais ce soir, tu espères pouvoir profiter de ta famille sans la présence de Lone et sans mélancolie, goûter au simple plaisir d’être avec elleux. Depuis que tu es revenu de l’Isola fiamata, tu n’as pas vraiment passé beaucoup de temps avec les tien·nes, pris dans tes insécurités. Ce soir est peut-être le moment de rattraper le temps perdu.

Mais une ombre obscurcit le tableau de cette soirée tout en festivités. Whisper. Quelques semaines se sont écoulées depuis qu’il a découvert ton laboratoire caché derrière ton herboristerie, où tu distilles de l’ambrume, toi qui a longtemps consommé à ton retour à Cittàgazze, avant de t’en affranchir totalement. Tu n’as pourtant jamais cessé d’en produire, pris à ton propre piège en ayant choisi de fournir quelques ·es malheureux·ses, qui dépendent désormais entièrement de ta drogue, que tu troques pour trois fois rien. Whisper a découvert tes agissements en se fiant à des on-dit et est désormais détenteur d’un terrible secret. Le tien. Tu n’imagines pas tous les dégâts que cette révélation pourrait produire autour de toi, surtout auprès de ta famille. Tu n’as que faire de la suite de tes trocs, ni même de l’intégrité de ton herboristerie, si les choses venaient à s’ébruiter. Mais faire souffrir ta famille, tu ne te le pardonnerais pas.

Une fois rassemblé·es, tu plantes tes yeux dans ceux de Whisper. Tu secoues légèrement la tête de droite à gauche en le fixant, le regard lourd de reproches, pour le décourager dans son entreprise. Tu ne sais pas s’il va le révéler, mais l’inquiétude te tord le ventre et te fait oublier les réjouissances de l’anniversaire. Alors tu le menaces en silence, simplement par les yeux, espérant qu’il rebroussera chemin. Il ne voudra pas gâcher toute la fête, faire du mal à votre mère et à toute votre famille. Car tu sais et il sait pertinemment qu’iels en souffriront. Et pourtant quel meilleur moment que vous voir tous·tes réuni·es pour révéler ton secret.

C'est une date importante. Aujourd'hui, les Covenant sont rassemblé·e·xs pour fêter les trente ans de Nicholas. Bon, il n'y a pas que les Covenant. La petite soirée c'est transformée en véritable fiesta qui ferait pâlir le bal des Ardent·e·xs. Tu as invité Makeda et tu as hésité à inviter Aimé aussi. Tu lui en as parlé à demi-mot, mais tu ne sais pas s'il sera là. À n'en pas douter, Siren sera accompagnée des Lucioles et il y a des ami·e·xs d'ami·e·xs qui sont venu·e·xs aussi. Finalement, t'as aidé à installer des tables sur la Piazza del Sole et tu as ramené plusieurs plateaux d'huîtres fraiches. Tu aimes bien cette atmosphère festive. Tu vois les sourires sur les visages de tes adelphes et Nicholas qui a l'air vraiment content. Un peu plus tôt, t'as déposé un arc sagittaire que tu as fabriqué presque toute seule près d'une des tables. Tu espères que ce présent plaira à ton frère et tu attendras le bon moment pour le lui offrir.

Tu souries à Makeda, mais au bout d'un moment, tu rejoins tes adelphes pour écouter le discours de Nicholas. Lorsque Kafka pousse Eco vers toi, tu attrapes le gamin dans tes bras. "Parce que tu n'es né qu'une fois. Les anniversaires sont là pour noter le temps qui passe." L'enfant se met à se tortiller dans tes bras et tu comprends qu'il voudrait retrouver la terre ferme. Tu le poses donc sur le sol et tu le regardes partir en courant. "Reste pas trop loin ! Je veux qu'on puisse te voir.", que tu lui cries. Nicholas t'en voudrais s'il arrivait quelque chose à son fils. Tu regardes un instant Kafka qui semble murmurer quelque chose à Nico alors que tu récupères deux verres de jus de fruit. Sans tarder, tu t'approches de Makeda. "Tiens. Je voulais voir mon neveu préféré avant qu'il parte en courant." Tu vois encore sa petite silhouette qui se faufile entre les jambes des adultes. Plus loin, il y a Arthur. Il n'a pas l'air serein et t'hésites à te rapprocher de lui. Peut-être qu'un peu de compagnie lui ferait du bien ? T'attrapes la main de Makeda et tu t'avances vers ton ainé. "Tout va bien ? T'as pas l'air dans ton assiette." Peut-être qu'il vit seulement une mauvaise journée, mais tu ne veux pas le laisser seul dans ces moments-là. Ce soir, il faut que vous profitiez de vous retrouver touxtes ensemble. Demain, le monde pourrait bien vous tomber sur la tête après tout.

Tu es nerveux. Plus que nerveux, tu es inquiet. Rien ce soir n'arrive à te détourner de la ténébreuse sensation d'être acculé, pas même les réjouissances de l'anniversaire. Tu échanges des sourires avec Nicholas lorsque celui-ci vous rejoint, avant qu'il ne s'éclipse de nouveau dans la foule. À partir de ce moment-là, ton visage ne parvient plus à dissimuler ton malaise. Tu revis en boucle dans ton corps l'interaction avec Whisper, lorsque celui-ci a découvert ton secret dans ta distillerie secrète d'ambrume, à l'arrière-boutique de ton herboristerie. Tu peux revoir avec la limpidité du présent son visage éprouvé par tes torts, la déception griffée sur ses traits, et ce que tu as interprété comme du reproche, brillant dans ses yeux clairs. L'étreinte que vous avez échangée ne te préserve pas d'un orage ce soir, et c'est la peur au ventre que tu balayes la foule des yeux, à la recherche d'un point d'accroche qui soulagerait ton inquiétude.

Tu aperçois bientôt Makeda et Kassandra s'approcher de toi, et ta sœur s'enquérir de ton état. Alors ton malaise était donc si criant ? Tu te pinces les lèvres, cherchant un mensonge à proposer pour éloigner les soupçons, mais ta voix trahit ton état chancelant : « Non, euh, je veux dire, oui, ça va, ne t'inquiète pas. C'est seulement la foule qui est un peu effrayante, je ne suis plus habitué. » Ce n'est qu'un semi-mensonge, car tu es effectivement pris en tenaille dans cette assemblée qui fait monter en toi des angoisses agoraphobes. Tu es soulagé, d'une certaine manière, que Kassandra soit venue auprès de toi. Sa présence te rassure, quoiqu'il te soit très difficile de masquer ton inquiétude. Tu espères qu'elle la résumera à tes difficultés d'adaptation et ne soupçonnera pas autre chose. De son côté, Whisper s'est éclipsé et tu peux l'apercevoir au loin dans un coin de la Piazza, dissimulant lui-même très mal son malaise. Qui de vous deux trahira l'autre ?

Lorsque la Mama arrive auprès de Kassandra et toi, tu sursautes - tu ne l'avais pas entendue s'approcher. Elle vous enjoint à aller à la rencontre de ton frère pour voir ce qu'il se passe, et tu serres les dents. Tu es bien la dernière personne à qui confier pareille mission. Mais ne pouvant te résoudre à attirer sur toi plus de suspicion, tu t'exécutes, emboîtant le pas à Kassandra, à qui la Mama a confié la même mission. Vous rejoignez Whisper mais tu demeures quelque peu en retrait, avant de lancer un « Tu vas bien ? » dissonant. « Tu devrais te détendre, la soirée commence bien. » tu ajoutes pour parfaire ton alibi. Mais tes yeux ne se décrochent pas de ceux de Whisper, que tu fusilles du regard. S'il laisse trop paraître son malaise, il finira par ébruiter ton secret malgré lui. Il faut qu'il se ressaisisse, comme toi, sans quoi vous attirerez bien trop l'attention sur vous pour ne pas qu'on soupçonne quelque chose de grave - s'iels savaient. Tu t'approches finalement de Whisper, tes yeux traquant toujours les siens, avant de lui souffler, à part le reste du monde : « Fais un effort. » Mais c'est à toi que tu adresses en vérité ces mots.

Tu t'inquiètes un peu pour Arthur. Tu sais qu'il n'est plus le même depuis qu'il est revenu de l'Isola Fiamata. Tu ne retrouveras jamais ton frère, mais tu peux quand même tout faire pour que sa vie soit plus facile. Alors quand tu lui demandes s'il va bien, tu n'es pas vraiment surprise de l'entendre dire que la foule le rend mal à l'aise. Il fait au mieux pour Nicholas, mais parfois, il y a trop de bruit, trop de gens et c'est dur à gérer pour lui. "On peut s'éloigner un peu du centre de la place, je suis sûre que Nico t'en voudrais pas. C'est vrai qu'il y a plein de monde, je pensais pas que toute la Ville Basse viendrait." C'était pas prévu. C'était supposé être une petite fête intimiste, mais les Covenant connaissent bien trop de monde et à force d'inviter des ami·e·xs, des partenaires de vie ou des amant·e·xs, iels s'étaient retrouvé·e·xs à devoir changer leur plan.

Tu regardes un peu autour de toi, Whisper ne semble pas dans son assiette lui-aussi. Makeda reste silencieuse, peut-être que de la lâcher dans le grand bain comme ça n'était pas ta meilleure idée. C'est sur cette pensée que tu vois ta mère s'approcher de votre petit groupe. Elle vous enjoins à rejoindre Whisper pour voir ce qu'il ne va pas. "D'accord Mama, je m'en charge." Tu fais signe à Makeda qu'elle peut t'attendre là où te suivre si elle veut. En fait, tu sais pas ce qui serait le mieux pour elle, peut-être qu'elle pourrait s'éclipser discrètement et que tu pourrais la rejoindre plus tard.

Tu t'approches de Whisper, Arthur avec toi. C'est ton frère qui s'adresse le premier au zutique. "Il s'est passé quelque chose ? Tu as l'air inquiet. En fait, vous avez tous les deux l'air inquiets. Vous vous êtes disputés ?" Tu remarques leur manège. Il y a les regards noirs et les messes basses que tu ignores au mieux. Tu te demandes bien ce qu'il peut s'être passé pour qu'ils soient tous les deux si nerveux.

Makeda n'a pas l'habitude des grandes soirées festives, enfin, pas du type familiales. Quand avec ses ami‧e‧xs, iels sortent, c'est au bout de la nuit après le travail, dans des salles de fond de bar, à hurler des chansons et à danser encore jusqu'au réveil des honnêtes travailleur‧euse‧xs. Son dernier anniversaire, avec des proches, date d'avant Téméraire, il y a bientôt quinze ans maintenant.

Elle appréhende un peu les présentations aux Covenant, qu'elle a pu croiser un‧e‧x à un‧e‧x, en coup de vent, et jamais leur mère jusque là. Sur l'estrade, elle remarque de loin l'objet de la fête, sa désinvolture et son orgueil se remarquent d'ici. Voilà un parfait spécimen masculin. Nicholas leur fait un faux discours avant que la fête ne démarre, et Makeda s'approche de Kassandra, glissant sa main dans la sienne en lui offrant un sourire radieux. Il n'y a pas de mal être ni de mauvaises pensées possibles en sa présence, et si elle aimerait l'embrasser, elle va attendre que l'alcool circule un peu au préalable.

L'enfant qui gambade entre les jambes des adultes ressemble comme deux gouttes d'eau à son père, et même à Kassandra, ce qui lui met un coup léger au ventre. Elle a passé l'éponge de la maternité, mais parfois, ça la ronge, avant de se rappeler les logistiques à l’œuvre. "Il est mignon comme tout. Et il a ton nez." Qu'elle trouve fort joli.

Sur ses talons hauts, elle peut voir a peu près toute la foule, y remarquant Whisper notamment, et Kafka. Hein ? "Oh, Kafka sort avec ton frère ?! Je savais qu'il avait quelqu'un, mais je n'avais pas imaginé que ce serait un noénaute." Ce qui fait d'elleux, si ce n'est des collègues de travail, des... frères et soeurs par alliance ? Enfin, elle s'avançait trop, personne n'était en train de parler mariage. Quant à Whisper, son malaise se voit à des kilomètres, et lorsque Kass prend sa direction, elle ne l'accompagne pas, ne souhaitant pas s'imposer dans un problème familial, pas tout de suite.

A la place, elle rejoint Kafka, profitant d'un moment où son amant s'éclipse - vers Whisper aussi, apparemment - pour saisir deux verres et lui en mettre un dans les mains. Il a de nouvelles cicatrices depuis la dernière fois qu'elle l'a vraiment regardé, notamment le même moignon, qui ne trompe pas sur son parcours récent.

Agitant ses doigts courts, elle a une grimace malicieuse. "Les Covenant ont quelque chose pour les rebuts solmènes non ? Je ne pensais pas te trouver ici." Elle s'offre une rasade et suit du regard le petit garçon qui se rapproche d'elleux, à nouveau. "Si tu souhaites parler de ce qui t'es arrivé, ou mieux, te venger, tu sais où me trouver." Elle lui tapote l'épaule, le seul soutien qu'elle sent qu'il acceptera ce soir, ne voulant pas gâcher la fête, avant de rattraper l'enfant qui allait monter sur une table. "Il n'est pas encore l'heure du gâteau, je t'ai vu." Téméraire se tient loin d'Eco et de ses babillements, même si le daemon du petit Covenant se transforme en une parfaite imitation de bébé quokka, fasciné.

Kafka s’est toujours occupé avec crainte de Eco, comme s’il s’agissait d’un objet précieux et fragile qu’il pouvait à tout moment briser. Pourtant, à travers ce malaise, c’est toute la douceur dont il est tombé amoureux qui transparait, les gestes lents, l’envie de bien faire. Il le sait, un jour, quand ils se seront sortis de la galère, de la Nef, Kafka sera un père phénoménal. Aux questions de son fils, Nicholas éclate de rire : en voilà un qui ne perd pas le nord. « Je parie qu’il veut les cadeaux, surtout. » Mais le chenapan s’enfuit déjà, et le Covenant le laisse faire, serein quand il est entouré de celleux qu’il aime. Rien n’arrivera à son fils, pas ici.

La phrase de Kafka, qu’il chuchote tout bas, lui fait délier les lèvres, un sourire de braise alors qu’il rapproche leurs corps, un peu plus que la décence n’aimerait en public. « Hmm, ça dépend, est-ce que je dois le déshabiller ? » C’est une idée, ça, pour l’année prochaine : son amant pour une nuit de passion. Ses doigts remontent le long de sa colonne vertébrale et il regrette un temps d’avoir organiser cette soirée dont il ne s’échappera pas si facilement, même un quart d’heure, puis son coté social reprend le dessus, adoucissant son sourire tandis qu’il embrasse le Lindbergh dans le coin des lèvres, sur la joue. « Quand tu veux, Tesoro. Peut-être quand la moitié de la ville ne sera pas en train de regarder, cela dit. J’aimerais pouvoir te remercier comme il se doit. » Il ne s’attendait vraiment pas à tant de monde, mais il aurait dû s’en douter.

Plus loin, il aperçoit d’autres membres de la famille, ainsi que la nouvelle conquête de Kassandra, mais avant de pouvoir les rejoindre, c’est Isle qui l’interpelle, et il gémit d’horreur, tout en lui rendant son étreinte avec chaleur. La doyenne est une amie véritable, bien que piquante, et il ne sait pas comment il aurait grandi, survécu, sans ses précieux conseils toutes ces années. « Garde ça pour la famille proche, j’étais un enfant si barbant, tellement parfait, cela risque de casser l’ambiance. » Tout l’inverse, plutôt, mais s’il pouvait garder un modicum d’amour propre et ne pas voir affichées ses frasques de gosses devant cent personnes, ca l’arrangerait. « Merci pour tes présents ! Oh, attends Carine, je m’en occupe. » Il lui ajuste rapidement son nœud mauve, remerciant à son tour Sif.

La caracal, elle, lèche d’un grand coup de langue râpeuse son amie chouette, paradant dans son nouveau collier. « Merci ! Il faudra qu’on aille attraper des souris ensemble, bientôt. » C’est un peu complexe, avec des humain‧e‧s bruyant‧e‧xs et peu agiles, mais pas impossible, et Carine aussi sait comment passer une bonne soirée.

« Je reviens, garde moi une part de dessert ? » Un long baiser plus tard, il quitte Kafka, ayant repéré le petit manège de sa mère, ses regards appuyés vers Whisper, Kassandra et Arthur. Si le reste de ses adelphes est mélangé à la foule – il n’a pas encore vu Siren, ni Nell, mais ca viendra – leur petit groupe ne respire pas la joie de vivre et leur frère est bien décidé à mettre une dose de joie suffisamment écrasante pour mettre fin au problème avant qu’il ne démarre.

« Oh, vous tirez de ses têtes ! Qu’est-ce qu’il se passe ? Désolé Arthur, je pensais vraiment pas qu’il y aurait tout ce monde. Dès que les pique-assiettes se seront servi‧e‧xs, ca devrait être plus calme. » Lui aussi se doute bien de l’effort que son frère fait pour être présent ce soir, ce qui le touche, et il lui propose une accolade, douce, ouverte, pour ne pas le brusquer, avant de poser un coude sur l’épaule de Kassandra, l’air interrogateur mais encore bonhomme, dans l’attente du petit problème à régler, curieux et trop, trop naïf pour comprendre ce qui se joue.

anniversaire annuel

Les anniversaires ont toujours eu un goût étrange entre les réjouissances des bons moments passés ensemble et le rappel cruel du temps qui passe différemment. Alors, de l'adelphie, Odalys est sûrement celle qui aime le moins les anniversaires, surtout depuis qu'elle a réalisé que sa vie ne battait pas au même rythme que celles de ses adelphes. Mais elle est aussi celle qui insiste toujours pour les fêter, pour marquer le coup et créer des souvenirs qu'elle pourra garder précieusement.

Pour l'occasion, elle a préparé un cadeau spécial pour Nicholas, ce fameux vêtement dont les deux adelphes avaient parlé il y a plusieurs mois en arrière, soigneusement emballé et déposé sur la table avec un mot accroché au paquet :

Je te conseille de l'ouvrir en privé *wink*
Mais ce n'est pas un ordre après tout~

Joyeux anniversaire,
Odalys

Assise pas loin d'une noénaute au pas de danse gracieux, Odalys observe, s'abreuve du tableau de la place surpeuplée, venue pour fêter son frère (et profiter du buffet, bien sûr). Elle voit, imagine déjà les fils qu'elle utilisera pour ajouter l'évènement à sa fresque brodée. Isabella a déjà insisté pour qu'elle rejoigne les festivités avec Lirong, mais elles savent toutes les deux qu'Odalys est pour le moment trop occupée à observer ses adelphes avec autant de satisfaction que de fierté. Et notamment, Nicholas, dont la tenue a été spécialement cousue pour l'occasion. C'est toujours son petit plaisir de voir les regards appréciateurs qui s'égarent sur ses créations (et, bon, d'accord, aussi sur le frère qui la porte).

Soudain, elle le voit quitter Kafka pour rejoindre le groupe composé de leurs autres adelphes. « Allons voir aussi. » Presse Lirong, frayant déjà un chemin pour la sorcière qui lui emboite immédiatement le pas à travers la foule qui danse. « Que se passe-t-il ? » demande-t-elle, arrivée à la suite de Siren : « Il y a un problème ? Ca va, Arthur ? Tu veux qu'on s'éloigne de la foule le temps que ça se tasse ? » Elle est à des lieues de se douter du véritable problème.

Tout s’enchaîne beaucoup trop vite. Tu partages avec Whisper des regards si noirs que tes yeux ne deviennent que deux billes sombres qu’il est impossible de sonder. Kassandra remarque votre petit manège, l’inquiétude, le désarroi. Tu entrouvres la bouche pour dire quelque chose, mais Whisper te devance, prétendant que vous ne vous êtes pas disputés, que tout va bien. S’agissait-il vraiment d’une dispute ? Plutôt d’un accident. Un très malencontreux accident. Ton frère n’aurait jamais dû se trouver là à ce moment-là. Pourtant, tu ne peux pas t’empêcher de lui en vouloir, de lui en vouloir furieusement, comme si ce concours de circonstances était de sa faute. Comme s’il avait choisi d’être dépositaire de ce secret. Un choix pourtant lui incombe : celui de révéler ou non ledit secret. Ne fais pas ça, tu articules discrètement, sans un son, à l’attention de Whisper. Mais l’hésitation que tu lis au fond de ses yeux te glace le sang.

Lorsque Nicholas vous rejoint, tu fermes les yeux, essayes de maîtriser ta respiration. Tout est en train de déraper, tu as le sentiment dégueulasse de perdre le contrôle sur tout, absolument tout, comme lorsque Lone surgit. « Non, ne t’inquiète pas… Ça va aller. » tu réponds d’une voix un peu bancale, mal assurée, tout en acceptant l’accolade avec un certain soulagement, même si très bref. Tu grimaces un peu, serres les dents, essayes de quitter Whisper des yeux. Mais tu as peur qu’en détournant le regard ne serait-ce qu’un court instant, le Lovelace révèle tout. Tu regardes tour à tour Nicholas et Kassandra pour tenter de faire illusion, mais tu ne peux pas t’empêcher de jeter des regards assassins à intervalles réguliers à ton autre frère. Le duel tacite qui se joue entre vous n’échappe plus à personne, et les perspectives de vous en sortir tous les deux indemnes s’amoindrissent à chaque seconde qui passe, comme des pierres dans un sablier en cristal.

Votre attention est détournée par la performance de Siren, qui t’arrache – enfin – un sourire. Tu découvres avec émerveillement les bulles valser dans les airs de courts instants, avant de parvenir jusqu’à vous. Mais aussitôt dissipées, l’appréhension resurgit avec violence, et alors que votre sœur vous rejoint, fière de sa réalisation, tu fuis son regard et serres les poings malgré toi. Siren vient se poster près de toi, mais contrariée par vos mines défaites, elle exprime ses craintes. « Si, c’était vraiment très beau Siren, tu es toujours épatante. » tu tentes de te rattraper en effleurant sa main du bout des doigts, avec un sourire un peu maladroit. Et enfin, c’est Odalys qui vous rejoint. Elle s’inquiète pour toi, et tu détournes les yeux, serres un peu plus les poings alors que les battements de ton cœur s’affolent. Iels sont presque tous·tes là. Tu espérais que l’adelphie demeurerait éclatée tout au long de la soirée pour minimiser les chances de carnage, mais il semble que vous êtes toujours destiné·es à vous retrouver, dans tous vos putains de drames. Tu t’apprêtes à répondre, entrouvrant la bouche sur un énième mensonge, lorsque le coup de pistolet vient tuer toute perspective de salut.

Pan. Comme un glas. Un silence glacé s’abat sur vous. Whisper vient de tout révéler. Tu fais instinctivement un pas en arrière, comme pour te protéger, ton regard croise simultanément tous les autres regards des Covenant rassemblé·es. Et t’as l’impression de mourir en saisissant ton reflet dans chacune des rétines. Enfin, tes yeux tombent sur le Lovelace. La colère et la peur s’entredévorent en toi. Peur de les perdre tous·tes. « Tu fais chier Whisper ! Tu fais chier ! » tu lui cries presque dessus. T’as soudainement envie de l’insulter, sans savoir si c’est Lone ou Arthur qui prend le dessus. À cet instant, il n’est plus ton frère, il n’est plus personne à tes yeux. Il vient de tout détruire. Et toi, t’as juste envie de disparaître. « Tu pouvais pas la fermer, merde ! » tu t’emportes, levant une main accusatrice, comme si tu allais fondre sur lui et le frapper en plein visage. Tes yeux le foudroient, des yeux où commencent à miroiter des larmes que tu ne contrôles pas. Tu lâches des mots horribles, les plus horribles qui soient, dictés par la peur : « Je te déteste. » Tu sais que c’est fini, que tout s’est effondré. Les Covenant ne te verront plus jamais de la même manière. Après les ravages de Lone, les ravages de l’ambrume. Tu n’es que le rejeton blessé et décevant de cette famille, tellement, tellement décevant.

Les compliments de Makeda sont oubliés alors que tu dois gérer tes frères qui ne semblent pas dans leur assiette. Tu ne comprends pas ce qu'ils ont et tout de suite, tu t'inquiètes pour Arthur. Est-ce que c'est la foule qui le dérange ? Ou bien y a-t-il un autre problème entre lui et Whisper ? Tu ne sais pas bien et malgré tes questions, tu n'obtiens aucune réponse concluante.

Votre trio fini par attirer l'attention de Nicholas qui vient vous rejoindre. Il s'inquiète lui aussi de votre ainé et vient poser son coude sur ton épaule après une accolade. Il se passe définitivement quelque chose entre Whisper et Arthur. Tu essaies de ne pas trop insister, mais tu veux être présente pour tes adelphes. Tu sais ce que ça fait de se retrouver seule avec ses problèmes, de ne pas réussir à renouer. T'as tout jeté en bloc à la mort de Daphné, tu ne savais plus être avec elleux, ni comment leur parler de tes démons. Et tu crains qu'il se passe quelque chose de semblable entre Whisper et Arthur.

La tension se dissipe quelque peu à l'arrivée de Siren. C'est grandiose comme toujours et tu en oublies quelques instants les regards appuyés échangés entre tes deux adelphes. "C'était tellement beau ! Tu as de l'or entre les doigts." Tu félicites Siren, mais bien vite la tension remonte. Et Odalys vous rejoint elle aussi. La discrétion, c'est pas le fort des Covenant.

Tu observes tous les visages autour de toi. Tous‧tes se demandent ce qu'il se passe. Et vous finissez par avoir la réponse. Whisper craque sous la pression et dévoile qu'Arthur distille de l'ambrume. Tu es d'abord choquée, surprise, mais pas déçue. Tu comprends. Arthur a vécu ce qu'aucun autre n'a eu à vivre. Il était perdu sur cette île et elle le hante toujours. Jamais il n'en sera libéré. Comme toi avec l'alcool. Tu ne peux pas juger ce qu'il fait depuis qu'il est revenu. Il est en vie et pour toi, c'est tout ce qui compte. Tu aimerais bien sûr l'aider plus que tu ne le fais, retrouver ce frère qui ne reviendra jamais, mais tu as accepté que le Arthur de ton enfance n'était plus.

La réaction de ton ainé est immédiate. Il s'énerve, en appelle à sa colère et pestifère contre Whisper. Tu prends le temps de souffler avant de réagir à ton tour. Tu veux avoir la tête froide. "Merci de nous l'avoir dit Whisper, mais peut-être que ce n'était pas le bon moment. Et surtout, c'était à Arthur de nous le dire. J'aurais détesté que l'on annonce à tous‧tes que j'étais alcoolique comme ça. tu reprends ton souffle, baisse les yeux sur le sol. Arthur, je ne t'en veux pas, tu es libre de faire tes propres choix. Peut-être que c'est mieux qu'iels reçoivent leur ambrume de toi que d'autres dealeur‧euses moins compréhensif‧ves. Je te fais confiance et certainement que cette décision a été murement réfléchie." Tu ne veux pas qu'Arthur croit qu'il n'a plus sa place parmi les Covenant. Ce n'est pas le cas, ça ne sera jamais le cas. Il sera toujours ton grand frère et tu prendras sa défense quoiqu'il arrive. Tu te dois de comprendre avant de le juger. Tu ne peux pas l'abandonner, pas encore.

La tension entre ses adelphes commence à percer la bonhommie de Nicholas, mais avant qu’il ait le temps de plisser les yeux et de rentrer dans le vif du sujet, de larges bulles viennent égayer la soirée, le faisant rire franchement. Il n’a aucun doute sur la signataire de cette magie, le coeur enflé de reconnaissance pour cette sœur revenue à tâtons hésitants dans la famille, qui leur offre son imaginaire et sa poésie. Au loin, il entend Eco rire, de ce rire aigu d’enfant heureux, et il se souvient de cette époque pas si lointaine où c’était eux, Nicholas et Arthur, qui provoquaient ces rires chez leurs adelphes avec leurs bêtises.

Carine examine sa bulle avec intérêt, tentant de la chasser d’un bond, avant de s’écarter en protestant de sa transformation, et le garde rit deux fois plus face à ce rappel de leur mésaventure, qu’il a déjà raconté à leur famille (édulcorée, bien entendu). Il lâche quelques secondes Arthur pour enrouler autour de son poignet le bracelet, le même où il vient d’enfiler également le bracelet de Whisper (à qui il n’a pas encore eu le temps de dire merci, mais s’est contenté d’un clin d’oeil) et s’apprête à remercier Siren quand elle approche, mais sa sœur et son don d’observation pointent ce qu’il tentait jusqu’alors de nier : la mauvaise ambiance n’a pas décru avec la distraction. Odalys aussi se pointe, et c’est sans doute ce qui fait craquer Whisper, l’arrivée de l’autre sorcier.ère de la famille.

La révélation n’est pas de celle qu’on peut anticiper. A ses cotés, Carine a un mouvement de recul, mais Nicholas ne bouge pas, lui qui était en train de repasser un bras autour d’Arthur pour le soutenir. Ses yeux sont grands ouverts, il lui vient un demi-sourire hésitant. « Whisper, c’est pas drôle- » tente-t-il, mais la réaction d’Arthur vient tout confirmer, et il ne réagit pas bien, attrapant son poignet alors que son ainé semble vouloir frapper leur petit frère. « Arthur ! » Une phrase sèche, plus sèche qu’il ne faudrait peut-être, mais il est sous le choc : de ces mots, de ce secret, des implications, et puis du geste. Iels peuvent être bourru‧e‧xs entre elleux, mais jamais, jamais, la violence n’a eu sa place entre les Covenant.

« C’est vrai ce qu’il dit ? » commence Nicholas, avant de céder la place à Kassandra, déchantant toutefois à mesure de son discours. Pas le bon moment ? Pouvaient-iels faire confiance à Arthur pour le leur révéler un jour ? Il n’y croit pas une seconde. « Kass, ca n’a rien à voir. » Il y a un pont, une péniche et tout le tointoin entre consommer et trafiquer. Il ne comprend pas comment elle peut tourner ce drame en occupation professionnelle, presque en acte de bonté. Toutefois, ce n’est pas Kassandra qui est en tort, et il secoue la tête, raffermissant sa prise sur Arthur pour lui faire baisser la main, cherchant maladroitement à glisser ses doigts entre les siens, les yeux dans les yeux. « Pourquoi tu fais ça, Arthur ? » Il aimerait lui demander pourquoi tu ne me l’a pas dit, les mots restent bloqués face à la colère qui monte, la colère, la trahison, le dépit et la confiance brisée. « Tu consommes ? Dis moi la vérité. Est-ce que t'en as déja pris ? »

Il n’est pas que son frère ; il est le père d’Eco, il est l’amant de Kafka, le frère de leurs adelphes, le roc de leur mère, et le garde. Le garde noénaute qui ne sait quoi faire ce soir, confronté à ce cauchemar.

Le temps s’est comme suspendu. L’espace d’un instant, il n’y a plus rien dans ton champ de vision ; les Covenant ne sont plus là, ni les lampions de la Piazza del Sole, ni les visages défaits qui t’entourent, ni les éclats de rire au loin. Il n’y a plus rien, et tu es tout seul. Lorsque tu rouvres les yeux, c’est sur Whisper qu’ils se posent, si noirs qu’on dirait deux billes en pierre de lave. Tu le déteste. Tu t’emportes. Les mots, les insultes franchissent tes lèvres malgré toi. Lone festoie dans ton cœur, mais ce n’est pas lui qui assassine ton frère dans des paroles acerbes et dégueulasses. C’est bien toi, Arthur, qui ne sait plus quoi faire, qui ne sait plus comment les aimer et être aimé en retour. Les visages de tes adelphes sont tour à tour gagnés par la surprise et le soupçon, la compassion ou la colère. Tu sens leurs multiples regards posés sur toi, tu les sens te scruter, essayer de comprendre, espérer sans doute que ton frère ait menti. Que tu n’aies pas, encore, tout fait foirer. Tu ne les regardes plus. Le seul que tu regardes, c’est Whisper, et ta main se lève comme pour le frapper. Tu aimerais penser qu’elle n’est qu’une menace, que tu n’es pas ce genre de personne, qui agresse ses adelphes, mais au fond de toi, tu sais que tu en aurais été capable, en cet instant, de le frapper. Comme Lone. Alors, Lone, c’est toi ?

Nicholas retient ta main, t’arrête d’une voix sèche. Tu ne lui adresses pas même un regard, continuant de fusiller Whisper, et il faut la voix calme de Kassandra pour enfin te détourner de lui, que la haine se rétracte un peu en toi. Après tout, ce secret, lui aussi l’a subi. Sans doute aurait-il préféré n’en être jamais dépositaire. Tu sais toutes ces choses, mais tu ne peux pas t’empêcher de lui en vouloir malgré tout. Atrocement. Kassandra remarque que ce n’était pas le bon moment pour cet aveu, mais à bien y réfléchir ; y aurait-il eu un bon moment ? Lorsqu’elle évoque son alcoolisme, ton bras retombe totalement le long de ton corps, quoique Nicholas te maintienne toujours le poignet. Tu croises les yeux de ta sœur. Tu ne pensais pas que quelqu’un·e dans cet étrange tribunal serait de ton côté, comprendrait ce que tu traverses, pourquoi tu agis ainsi. Tu ne t’attendais pas à une première réaction de cet ordre, et dans ton regard, on peut lire la gratitude. La reconnaissance d’avoir été entendu et compris, que l’on te fasse encore confiance, toi qui l’as tant bafouée, la confiance. Tu ne voulais pas. Tu ne voulais pas leur mentir, leur cacher ; mais comment leur avouer un tel fardeau, après tout ce que tu leur as déjà fait endurer ?

Tu ouvres la bouche pour répondre à Kassandra quand Nicholas la tacle d’un ça n’a rien à voir qui laisse aisément présager la suite. Son emprise se raffermit sur ton poignet, et tu regardes la colère monter en lui. Tu peux lire dans ses yeux l’incompréhension, l’amertume, le goût que la trahison laisse derrière elle. Tu serres les dents. Il te demande pourquoi tu fais ça. Tu ne sais pas quoi répondre. Tu as d’abord commencé par consommer, et parce que tu n’avais rien à troquer contre de l’ambrume, t’es mis à distiller toi-même. Dans cette errance, tu avais rencontré des plus malheureux·ses et démuni·es que toi, complètement addict·es, qu’on laissait crever de manque dans les rues. Alors tu as distillé pour elleux aussi, tout en les aidant à essayer d’arrêter. Tu sais qu’on ne sèvre pas un corps drogué par magie. Le monde n’est ni tout noir ni tout blanc. Tu n’as jamais voulu détruire, simplement aider. Tu ne juges pas le désespoir ni les méthodes pour s’en affranchir ; tu es passé par là toi aussi. Tu sais ce que ça fait, de ne pas arriver à vivre, de chercher des compromis avec l’existence. Alors, oui, tu trafiques. Aux camé·es qui ne peuvent plus s’en passer ni se fournir.

Mais tout ceci, comment l’expliquer ? Tu croises les yeux de Nicholas, te contentant de répondre : « Parce que certaines personnes en ont besoin. » C’est une réalité. Tu n’es pas un sauveur, mais tu n’es pas non plus un bourreau. « Certaines personnes n’ont que ça, Nicholas, pour survivre. Je les aide à arrêter du mieux que je peux, progressivement, mais je ne peux pas juste les voir crever de manque sans rien faire. » Tes mots ont perdu de leur agressivité, comme si tu étais en train de lentement partir en fumée, de disparaître. « Je ne fais pas ça pour obtenir quoi que ce soit en échange. » tu tentes de te justifier. Tu détestes l’idée qu’iels puissent penser que tu cherches à t’enrichir sur le dos des misérables ; c’est si loin de la réalité. Mais quand Nicholas te demande si tu consommes, tu ne peux que baisser les yeux. Bien sûr, que tu consommes. Comment était-il possible de faire autrement, quand tu es revenu ? Désormais, tu ne prends de l’ambrume que lorsque les crises sont trop douloureuses, que tu ne dors plus depuis des jours. Tu n’es pas accroc ; simplement désespéré. « C’est le seul moyen… » Tu ne termines pas ta phrase.

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