tw alcoolisme, deuil

La tension monte d'un coup et tu ne sais pas comment faire pour que la situation s'améliore. Tu te sens mal, t'as envie de pleurer. Il y a cette colère de voir tes adelphes se liguer contre Arthur. Iels ne comprennent pas. Iels ne comprendront jamais. Et ça te fait penser à toi, à ce que tu as vécu après la mort de Daphné. Tu étais en roue libre, tellement perdue que tu te raccrochais à la moindre chose qui faisait au moins un petit peu sens. Et pour toi, c'était l'alcool, comme une bouée de sauvetage qui t'enfonçait un peu plus chaque jour. T'as le sentiment qu'iels ne sont pas capables de se mettre à la place d'Arthur, de l'écouter s'expliquer. Iels sont tous‧tes tout de suite dans la réaction. C'est pour ça que tu voulais pas leur parler de ton alcoolisme. C'est pour ça que tu ne leur en parles toujours pas vraiment. Tu ne saurais pas vivre avec leur jugement.

T'essaies de calmer le jeu, d'apporter ton soutien à ton ainé, mais tout de suite Nicholas réagit. Il ne comprend pas. Il te juge, il juge Arthur. Il ne comprend pas. Arthur s'explique, mais tu sens que ça suffit pas. Ça suffira jamais. Et tu regardes Nicholas, tu hausses la voix. "Ça a tout à voir ! Tu sais pas ce que c'est que de perdre une partie de toi. Tu sais pas ce que c'est que de se lever chaque jour et de devoir se battre contre soi-même. Tu crois qu'on s'en veut pas chaque jour pour les décisions qu'on a prises ? Tu crois que je me suis shootée à l'alcool pendant des mois parce que ça m'amusait ? Chaque fois que je te vois avec un verre à la main, j'ai envie de boire. J'ai la gorge sèche, les mains qui tremblent et je ne pense qu'au calme que l'alcool savait m'apporter. On m'a pas aidée, jamais, je me suis sevrée toute seule et chaque jour je lutte. Si Arthur a besoin de distiller de l'ambrume pour aller mieux qu'il le fasse. Il ne fait de mal à personne. Tu sais pas ce que ça fait que d'être addict à quelque chose. J'aurais pu tuer pour de l'alcool. J'ai failli mourir pour de l'alcool et j'aurais préféré que quelqu'un‧e comme Arthur m'aide plutôt que de me faire enterrer chaque jour. Sans le blizzard, c'est mon cadavre que vous auriez retrouvé." Tes mains tremblent sans que tu puisses le contrôler alors tu les serres l'une contre l'autre. Tu as les larmes aux yeux et t'oses plus les regarder.

Tu te rapproches d'Arthur, poses une main sur son épaule en signe de soutien. T'as l'impression de faire face à un mur. Iels ne comprennent pas. Et t'as tellement peur qu'iels te rejettent, vous rejettent. T'as tellement peur que tout soit différent après ça. Et t'as pas le temps de réagir plus que ça que Nell vous rejoint. Elle s'attaque tout de suite à Whisper et tu voudrais l'arrêter, mais t'as pas le temps. T'es pas assez rapide. Tu vois son poing s'écraser sur le visage du sorcier comme au ralenti. Et il y a les mots qui te font froid dans le dos. Tu sais que Nell ne t'apprécie plus comme avant, tu as trahi sa confiance. T'as peur qu'elle se tourne contre toi, ensuite. Tu comprends sa colère, mais pas sa réaction, jamais. Tu te sens chanceler, vaciller. Tout est hors de contrôle. Il faut apaiser la situation. Tu ne veux pas voir ta famille exploser en morceau, tu ne saurais pas t'en relever. Alors tu restes près d'Arthur, mais tu t'adresses à Nell, la voix tremblante. "Arrête ! Whisper, tu n'as pas à partir. Il n'a rien fait que dire la vérité. Ce n'était pas à lui de la dire, et peut-être qu'Arthur n'aurait jamais rien dit, mais on peut pas lui en vouloir. Whisper est un Covenant comme nous tous‧tes et c'est pas à toi de décider de ça. Si Mama l'a accueilli, c'est pas pour rien. Je te laisserais pas détruire cette famille. Je vous laisserai pas détruire cette famille !" En réalité tu paniques, tout semble te filer entre les doigts. Tes yeux croisent ceux de Whisper et tu lui intimes silencieusement de rester où il est. Ta main se crispe sur l'épaule d'Arthur. Il faut que tout s'arrange. Il faut calmer la situation.

Tu ne sais pas vraiment quoi faire. Alors tu tentes déjà de te calmer, de reprendre le contrôle de tes émotions et de ne pas t'enfermer dans ce mutisme qui t'handicape bien trop souvent. Il faut que tu te fasses entendre, il faut que tu leur expliques. "C'est l'anniversaire de Nicholas, on va pas se battre aujourd'hui, hein ? On va trouver une solution, on trouve toujours. C'est pas à nous de régler cette histoire entre Arthur et Whisper, c'est à eux. Alors peut-être que c'est mieux qu'on se calme tous‧tes un peu et qu'on essaie de s'écouter plutôt que de se sauter à la gorge." Tu les supplies presque, tu voudrais que tout aille mieux. Tu sais pas quoi faire, tu sais pas comment réparer les fissures que tu vois déjà apparaître dans votre adelphité. Tout te semble être aller trop loin.

Arthur a au moins le mérite de s'expliquer, de ne pas nier les faits ; son grand frère a toujours été courageux à sa manière, et s'il lui tenait tête sur tout autre sujet, il acquiescerait, se rangeant à son avis d'ainé, à son expérience, à l'assurance Covenant d'être toujours suivi, soutenu. Mais de ses lèvres surgissent des excuses, des justifications que Nicholas aurait préféré muettes. Il n'est pas expert en drogues, mais il n'a pas passé l'année écoulée à l'aider sans apprendre quelques petites choses sur la pharmacopée, sur l'herboristerie, et il n'est pas né de la dernière pluie. Il sait les ravages de l'ambrume, des drogues dures qui s'échangent jusqu'aux tréfonds de la nef, ce que prennent certain‧e‧xs gardes pour tenir éveillé‧e‧xs pendant leurs rondes. Il a vu sa part de connaissances sombrer, trafiquer, mourir, mais jamais il n'aurait pensé retrouver en Arthur leur fantôme narquois.

Avant de pouvoir prendre la parole, c'est Kassandra qui s'érige à nouveau en défense et il lâche Arthur pour mieux l'affronter, la mâchoire crispé, et le regard... le regard perdu. Il encaisse ses mots, descend d'un étage de plus dans la mascarade de cette soirée où rien ne se passe comme prévu. Iels auraient du rire, partager de bons moments, pas remuer l'indicible et faire revenir les absent‧e‧xs ainsi. A ses cotés, Carine a les oreilles baissées, tremblante de ce que leur soeur leur révèle, ce qu'iels ont vu trop tard.

C'est elle qui s'exprime, s'avance presque jusqu'à Kassandra, la regardant, elle et Mercurio, Arthur et Aragon. Nicholas, lui, pense à ses pertes. A celles qu'il a esquivé par une chance qu'il ne mesurera jamais. Celles qui l'ont marqué, au fer, comme tant d'autres de ses adelphes. "Kassandra, nous n'avons pas su te voir, t'aider, et nous le regrettons tous les deux, tu le sais. Nous pouvons, nous devons faire mieux pour Arthur. Consommer de l'ambrume ne lui fera pas de bien, ce n'est pas ce qui le sauvera. C'est nous. C'est cette famille." Elle sent la douleur de Nicholas et retourne à lui, le poussant du museau. Quand il relève les yeux, ceux-ci sont rouges de larmes mal contenues. "Je n'ai jamais rien perdu. D'accord. On oublie papa, Arthur pendant toutes ces années, mon fils, et tous les autres. J'ai pas assez perdu par rapport à toi, Kass, c'est ca ? Y'a un échelon pour la souffrance maintenant ? Parce que la disparition de Kafka pendant trois mois ca suffisait pas ?" Carine miaule et il prend une grande inspiration, jetant son gobelet à moitié vide à ses pieds. "On fait tous‧te‧xs de notre mieux ici. Avec ce qu'il nous reste. Je suis désolé que tu n'ais eu que l'alcool dans lequel plonger, désolé qu'Arthur n'ait que l'ambrume, je suis désolé de ne jamais, jamais être assez !"

L'intervention de Nell est la cerise sur le gâteau, une furie qu'il n'a pas le temps d'intercepter - et est-ce qu'il va devoir s'excuser de ça aussi ? Ses mots brisent un peu plus la digue des larmes, et merde, il pleure jamais devant elleux, mais là, là, c'en est trop. Kass tente de reprendre le contrôle de la situation et il acquiesce, décochant une oeillade d'avertissement et un sifflement à Nell. "Si tu veux pas que j'en parle de suite à maman et qu'elle t'engueule devant cinquante personnes, tu te calmes Nell. Ca va pas ?! Whisper a tout autant sa place que toi, on est plus fort‧e‧xs que -" Sa voix se casse, devant ces fissures qu'il n'avait jamais voulu voir auparavant entre ses adelphes. La dernière qui semblait leur rester, leur famille, leur famille unie. Foulée du pied pour un putain de secret.

"Kass a raison. C'est mon anniversaire. Donc débrouillez-vous. Excusez-vous. Arthur, Whisper, Nell, pas la peine de me reparler tant que vous avez pas réglé pacifiquement vos histoires. Moi j'retourne à ma fête", finit-il d'un ton mordant. A ses cotés, Carine murmure à Aragon qu'iels en reparleront.

Et, essuyant rageusement ses joues, Nicholas leur tourne le dos, cherchant dans la foule ceux qu'il n'a pas assez perdu : Kafka et Eco.

anniversaire annuel

tw épisode cyclothymique

Whisper parle. Avoue ce qui ne va pas. Et c'est choc après choc, après choc, après choc. Au sein du groupe que vous formez, tout s'enchaîne trop vite, tout arrive en même temps, tout se délite et s'explose : tu n'as le temps de rien. Ni de questionner Arthur, ni d'arrêter (et d'engueuler) Nell, ni de reprendre Kassandra. Ni de protéger ton adelphie de cette tempête inattendue. Quelle fière soeur tu fais, vraiment. Tout ce que tu peux faire, c'est saisir la main de Whisper pour l'obliger à rester alors que Kassandra retient Arthur. Ta seconde main se tend vers Nicholas mais il est déjà trop tard, ton frère est déjà parti, les yeux brillants de larmes que tu voudrais essuyer, consoler.

Ca brise quelque chose en toi de voir ce frère, d'ordinaire si fort, pleurer.

« Kass, va t'excuser auprès de Nicholas. Maintenant. » En temps normal, ta voix aurait été douce, plutôt que sèche. En temps normal, tu aurais expliqué à ta soeur que toi, tu comprends cette lutte de tous les jours, parce que tu la vis aussi dans chaque émotion qui te traverse. Tu aurais expliqué qu'on ne peut pas mesurer les douleurs des un.e.xs et des autres. Tu aurais attendu qu'elle décide d'elle-même d'aller s'excuser auprès de Nicholas, plutôt que de le lui ordonner. Mais là, tout se mêle en toi dans un mélange d'émotions contraires alors que les larmes te montent aussi aux yeux. De colère ou de tristesse, tu l'ignores et pour le coup, tu t'en moques. Tu ignores aussi les degrés qui tombent autour de toi. « On ne va pas commencer à s'accuser de souffrir moins ou de souffrir plus. »

Puis, tu te tournes vers Nell, furieuse : « Toi aussi, tu vas t'excuser auprès de Whisper. » D'une pression sur la main et tu pousses Whisper à tes côtés, face à ta cadette, déterminée à ce que des excuses soient prononcées. « Et si tu le frappes à nouveau comme tu l'as menacé, c'est moi qui t'en colle une en retour ! » Promets-tu, prête à subir l'ire de Mama pour défendre ton frère.

A tes côtés, c'est Lirong qui, d'une aile placée devant toi, te coupe la parole et t'empêche d'aller plus loin dans tes menaces et tes injonctions quand tu vacilles contre lui, présence stable au milieu de l'orage : « Odalys, ça suffit, tu es en train d'avoir un épisode. »