On tournait en boucle depuis un certain temps déjà. Expédition au sol. De celles qui me font lever les yeux, me donner envie que des tsunamis viennent tout emporter pour recouvrir le paysage d’une fine couche d’eau brillante sur laquelle il ne resterait que le reflet du ciel. Mais ces aventures-là étaient toutefois toujours le prétexte pour aller chercher Lior et tirer le gros chat par queue. Alors je continuais de lui en proposer, un sourire fendant mes joues, et lorsqu’il acceptait je le serrais fort dans mes bras, lui qui détestait sûrement ces formes d’affection-là.

Il était parti devant alors que je grimpais des ruines qui prenaient du temps pour mes petites pattes d’humaine à franchir. Ses lourds coussinets lui donnaient la dextérité et la mollesse nécessaires pour grimper et sauter, et je l’enviais toujours un peu en suivant des yeux les tâches brunes sur son dos qui chaloupaient au fur et à mesure de ses pas. « Nope ! », je lui lance en sautant du dernier obstacle que je venais de passer, avant de le rejoindre sous sa forme humaine dans un grand sourire. « Rho te plains pas, ça va venir ! Trésors et merveilles, tu vas voir. ». Puis ses mains se glissent contre mes épaules, et je plie machinalement mes bras en arrière pour m’extirper du sac qu’il récupère. Je le remercie et m’élance dans un petit saut à présent que je me sentais légère. « Non, t’inquiète, je me retourne en tapotant contre les poches de mon pantalon qui se mettent à tinter. J’ai retenu ma leçon, je les cache ailleurs ! ». Puis en levant le bras au-dessus de mes sourcils pour mieux voir, je discerne devant nous une scène digne de tous mes plus beaux rêves.

« Oooooh ! Regarde, là-bas ! Je montre la barque échouée en hauteur. Les vagues devaient être immenses pour l’emmener tout la haut. Il doit y avoir plein de trésors dedans. Pour une fois, laisse-moi grimper toute seule, et après tu peux me rejoindre, mais je veux être celle qui découvre le lieu, comme ces aventurier·ère·s qui ont le droit de nommer les sommets des montagnes après, tu sais ?! ». Je m’élance, grimpe, glisse, force, en faisant attention à ne pas tomber moi-même dans l’eau qui se trouve juste à côté. Puis une fois tout en haut, mes yeux s’émerveillent, et je me retourne vers Lior en criant : « Que ce jour soit commémoré comme celui où la grande Pelagia Greco a découvert… La relique de… la Crête de la Mouette ! ». Puis toujours en hurlant, mais cette fois en posant mes mains autour de ma bouche comme si ainsi seul Lior peut m’entendre, je l’interjecte : « On dirait un vrai nom de lieu hein, t’as vu ?! Tiens, rattrape-le et mets-le dans le sac ! ». Puis je lui jette sur le bout du nez notre premier trésor.

RéussiteAnnule un échec aux dés.

Du haut de la Crête de la Mouette - s’agissant d’un nom bien plus original que le Mont Tartare - j’observe Lior se perdre dans ses promesses auxquelles je hoche la tête et ses émerveillements que je ne peux que partager. Les pierres sur le gouvernail sont même incroyables tant elles brillent ; et j’ai un petit pincement au ventre tandis que je lui tends notre trésor. Mais ma douleur est vite estompée alors qu’un groupe de gamin·e·s se moquent de mon frère qui passe du grand fier au martyr, et j’explose évidemment d’un rire franc qui me fait me tenir l’estomac tant il me donne mal au ventre. Pliée en deux sur ma colline, je vois les enfants disparaître et Lior passer du rouge au marron. Je monte une main contre ma bouche pour calmer le rire qui ne s’arrête pas, mais s’estompe alors que je l’observe se mettre à leur courir après.

« Oh non, nooon, Lior reviens ! Laisse-les, ce sont que des gamin·e·s ! ». Ma voix éclate dans les airs, portée par mes deux mains placées en entonnoir autour de mes lèvres : après tout, je veux que nous continuions notre exploration, et pas me retrouver paumée dans une forêt parce qu’on aurait suivi un bien chemin de Petit Poucet. Mais Lior s’enfuit, je le vois disparaître entre les roches et les piliers, sur lesquels, depuis mon point en hauteur, d’étranges dessins prennent forme. Les yeux absorbés par cette nouvelle découverte, oubliant presque la disparition de mon adelphe, je tourne ma tête puis oscille mon corps de droite à gauche, lentement. Le dessin bouge. Comme un enchantement d’un·e des plus incroyables sorcier·ère, le serpent qui s’y trouve ondule et m’observe.

Un frisson le long de mon dos me réveille et mes yeux retrouvent la réalité, l’absence de Lior, les fourrées qui bougent au loin, là-bas. Je saute alors de mon piédestal, agrippant mes doigts aux rebords que je trouve sur mon passage pour ne pas glisser ou tomber. Après quelques foulées guidées par les quelques traces de pas jonchant le sol, je retrouve Lior essoufflé et m’approche de lui en lui donnant une tape sur l’épaule. « Tu m’as abandonnée ! Je suis restée toute seule là-bas, et j’aurais pu me faire manger par quelque chose ! Y’avait même un dessin là, je suis sûre il m’aurait attrappée et envoyée directement dans le monde des mort·e·s si j’étais pas partie. Pfff. ». Boudeuse, les bras croisés contre la poitrine, feignant la plus haute des trahisons, la bouche formant une moue mécontente, je hausse les sourcils en regardant ses mains que je ne discerne pas. « T’as attrapé quelque chose au moins, dans ta course ? ». Juste au cas où.