« Putain mais c'est quoi ces hurlements ! ». Sa main se plaque instinctivement sur le torse de Nobu qui dormait pourtant paisiblement à côté de lui, habitué·e probablement aux échauffourées de la Ville-Basse, comme pour lae protéger de l'attaque semblant imminente de cittadinis enragé·e·s. Hyacinth n'a pas tenu et s'est assis en hurlant au bout de la troisième fois qu'iels entendent à côté de la casette de lae Solmène des cris qui semblent interminables de douleur. La rage qui lui bouffe de ventre de vouloir en découdre avec celleux qui trouble sa tentative de grasse matinée, il arrache le drap qui couvrait tout juste sa peau et sort du lit en se moquant bien d'être aussi nu qu'Adam. Il saisit, par réflexe plus que par rage, un morceau de bois - un balais - et sort dans la rue pour remarquer... qu'il est loin d'être seul, là, dans les premières lueurs de l'aube. Une main levée au-dessus de ses yeux, il cache son entre-jambe de la seconde, et découvre tout juste sur les visages étonnés quelque chose qui semble bien plus inquiéter les habitant·e·s que sa nudité. En se tournant vers un·e voisin·e, il demande « C'est quoi ce bordel ? » ; et on lui répond. Les haruspices. Les visions. Le feu et le sang. Un petit sourire sur le visage qu'il tente de cacher, et il s'en retourne derrière la porte pour rejoindre Nobu.

« Bon... Soit ton serpent fait encore des siennes mais un peu différemment de d'habitude, soit y'a quelque chose d'autre qui souhaite être ma·on pote et provoquer ma tendre Apocalypse, et c'est lié aux haruspices. Une main s'immisce sous la couette pour venir saisir la cheville de Nobu, grimper le long de sa jambe dans de petites caresses à la manière de l'araignée Gipsy, qui monte, qui monte. C'est un appel à la célébration, en tout cas. Tu veux faire la fête avec moi ? ». Son rire, amusé et comme assoiffé en même temps, éclate dans la pièce avant qu'il s'effondre dans le cou de Nobu qu'il vient embrasser. Puis il se recule, marque une pause en regardant le visage de lae dragonologue et les couleurs dont il se pare. Car Hyacinth se doute que si lui n'en a strictement rien à foutre de l'avenir de Cittàgazze et de ses habitant·e·s, ce n'est peut-être pas le cas de Nobu ; et il faut bien avouer que ce coup de maître, cette vision commune entre toustes a quelque chose qui le séduit, qu'il voudrait contrôler plus que tout. « On peut aussi aller jouer les petit·e·s enquêteur·rice·s et voir un peu à comprendre plus en détails ce qui se passe... T'as senti un truc dans ta magie, toi ? ».

Il s'éloigne doucement, et commence lentement à se rhabiller, en écoutant toujours autour d'elleux les cris, les pleurs ; bruit de fond habituel de la Ville-Basse qui, aujourd'hui, s'avère être simplement un peu plus perçant que d'habitude.

T’entends les cris sans les entendre, pris·e dans les brumes du sommeil. Tu ne sens que la chaleur de Hyacinth près de toi, pensant que les éclats finiront par se taire pour vous laisser un peu de paix, trop habitué·e au brouhaha de la Ville Basse pour prêter une réelle attention à ceux-ci. En réalité, ce sont pas les hurlements en provenance de l’extérieur qui te réveillent, mais celui de Hyacinth qui peste contre le tintamarre qui semble avoir saisi toute la ville. Tu entrouvres les yeux, lâchant un putain décontenancé lorsque le tisserand se lève et entrouvre la porte, sans se soucier d’être totalement nu. Tu te redresses en haussant un sourcil, avant de te laisser retomber dans les draps avec un soupir de lassitude. Tu as vraiment tout sauf envie de sauver ou voir s’effondrer Cittàgazze aujourd’hui. Tu aurais préféré rester dans les bras de Hyacinth ; les nuits à  ses côtés sont devenues précieuses. Alors tu ronchonnes, refuses de sortir d’entre les draps, alors que le tisserand vient t’informer des dernières apocalypses en prévision. Sa main remonte le long de ta jambe nue, tu frissonnes un peu, acceptes le baiser dans ton cou en remontant tes doigts dans les cheveux de Hyacinth. « Fait chier… » tu grommèles. « Qu’est-ce qui se passe, avec les haruspices ? » tu finis par demander en te redressant. Et c’est aux explications du tisserand que tu commences à prendre la mesure de ce qui est en train de se passer. Tu écarquilles un peu les yeux. « L’Apocalypse ? Attends, quoi ? »

Tu te relèves vivement, enfiles tes vêtements avec un peu de précipitation, manques de tomber en enfilant trop vite ton pantalon. Tu n’es pas tout à fait indifférent·e au sort de Cittàgazze. En réalité, ce qui motive ta hâte, ce n’est pas tant la fin du monde que le retour de Quetzalcóatl. La destruction de la cité des cimes, si tels sont ses désirs, t’importe peu ; tout ce qui t’importe, c’est le Serpent-Ailé. Alors ce retour énigmatique te donne un peu des ailes. « Je veux savoir ce qu’il en est. » tu réponds en ramassant tes chaussures, pressant un peu Hyacinth de s’habiller et de venir avec toi. Jouer les enquêteur·ices avec lui te grise, et tu espères de tout ton cœur que votre enquête mènera au dieu-serpent. « C’est peut-être enfin son retour. » Un sourire énigmatique naît à la commissure de tes lèvres, constatant que le même désir de chaos brûle dans les yeux de Hyacinth et dans les tiens. Vos aspirations ne sont finalement pas si différentes. Seul le modus operandi de la fin du monde vous différencie. « Non, j’ai absolument rien senti, et toi ? » Il semble que seul·e·xs les haruspices aient été touché·e·xs par cet étrange mal.

Vous quittez ton locale pour vous laisser happer par les rues serpentueuses de la Ville Basse. Mais à peine avez-vous mis un pied dehors que vous êtes confronté·es à un combat de daemons – encore. À croire qu’ils collent au corps de l’Absent. En vérité, tu te fous un peu de voir des gens s’entretuer, pas très sensible aux divisions entre zutiques et noénautes. Alors tu poursuis ton chemin sans même un regard vers elleux. Tu es pressé·e de découvrir le fin mot de cette histoire. « À croire que cette prophétie a rendu folle toute la ville. » tu remarques en jetant un regard à Hyacinth. « Il faut trouver un·e·x haruspice pour lui demander tout ce qu’iel sait sur la vision. » Haruspice qu’il n’est pas très difficile à repérer dans la cité, étant donné les corps meurtris et les gémissements de douleur.

Nobu a choisi la fête, mais pas de celle qui se célèbre en privé. Alors Hyacinth boude presque, claque sa langue contre son palais en s'habillant, traînant le pas volontairement. Il voulait rester là, juste elleux deux, loin du reste et du Monde qui s'effondre enfin. Profiter de ces instants avant qu'ils ne s'évaporent. Mais sa fierté, trop gonflée, l'empêche de toute façon de dire un mot et il se contente alors de rêver aux fins des mondes et à celle qui attend celui-ci.

Nobu, ellui, est une réelle pile. Lae voir se motiver, se secouer, se dandiner ainsi en se glissant dans ses vêtements arrache un petit rire au tisserand qui ne peut s'empêcher d'être moqueur. « Ouuuh, son, bénit soit le grand rampant qui prend vraiment tout son temps pour quoi que ce soit. Mais il se bouge ENFIN. ». Ses yeux se lèvent, son sourire s'étire et il hoche négativement la tête quand Nobu lui renvoie sa propre question pour savoir s'il a ressenti quelque chose dans sa magie. L'haruspicie, comme l'alchimie, sont bien différentes ; mais c'est tout de même étrange que seul·e·s une partie des habitant·e·s de la cité ressentant la magie n'ait été touché·e par ces visions, ces sentiments, ces douleurs.

Lorsqu'iels sont enfin dehors, mains dans les poches, Hyacinth suit Nobu et s'arrête inévitablement devant le groupe de daemons qui s'effrite. Une petite remarque à moitié muette à leur attention, Si vous survivez, je vous attends à la Nef prochainement, et il rattrape Nobu en courant, arrivant quelque peu essoufflé à ses côtés. Puis il s'arrête de marcher, sort ses mains de ses poches sans perdre des yeux lae Solmène : « Merde. Ariel... Putain j'espère qu'elle va bien... C'est sa Guilde qui a sonné un peu l'alarme, elle en sait sûrement plus. Il s'avance, saisit Nobu par la nuque pour lae faire avancer un peu plus. Ouais, viens, on va voir si on peut trouver des personnes pour nous renseigner, Ariel ou n'importe qui d'autre. Puis, il lui chuchote dans l'oreille. T'éloigne pas trop de moi. La ville est visiblement devenue folle, comme tu dis. On voudrait pas que tu te fasses du mal. On a une célébration qui n'a pas pu avoir lieu qui nous attend. ». Sur la nuque de Nobu, son index appuie et descend le long de sa colonne vertébrale, glisse dans son dos, terminant sa course en lui frôlant les fesses dans un sourire tout juste un peu licencieux.

« Enfin, ouais, comme tu dis. » Tu ne peux pas cacher le fait que tu n’espérais que ça, son retour, et qu’il commençait à se faire attendre. Tu ne pensais pas que les choses toutefois se passeraient ainsi ; fallait-il vraiment en passer par des haruspices ? Les choses étaient en générale plus soudaines et brutales lorsqu’il s’agissait de Quetzalcóatl. Tu laisses tes pensées s’égarer le temps que Hyacinth finisse de s’habiller, avant que vous ne vous enfonciez dans les rues damnées de la Ville Basse. Vous dépassez un combat de daemons ubuesque, mais tu ne t’attardes pas. Le tisserand te rejoint, saisit ta nuque, et tu le laisses faire – tu le laisses toujours faire, parce que tu aimes qu’il dispose de toi. « Ariel ? C’est qui encore ? » Un·e autre de ses innombrables amant·es ? Tu as conscience de la collection de conquêtes et d’histoires que l’Absent rassemble ardemment dans tout Cittàgazze. Elles ne te rendent pas tout à fait jaloux·se ; tu as toi aussi tes passages et tes envies, et tu as toujours flirté avec le polyamour sans te l’avouer vraiment. Pas tout à fait, oui. Parce que tu as toujours fichée en toi l’impression cinglante de ne pas être vraiment aimé·e, de n’être qu’une passade comme une autre, d’être un·e parmi tant d’autres, sans attaches et sans avenirs. Et ça te lamine le cœur de te dire ça.

Tu acquiesces à ses mots, avant d’échapper un léger sursaut quand Hyacinth fait dégringoler sa main jusqu’en bas, trop en bas de ton dos. Tu retiens maladroitement un sourire amusé, essayant de garder ton sérieux dans cette situation pour le moins tout sauf amusante, mais tu ne peux pas t’empêcher de te mordre les lèvres à ses derniers mots. Tu fais mine de ne pas les avoir entendus. « Hyacinth, certes, il m’est arrivé des bricoles, mais je ne suis pas un chiot tu sais. » tu réponds à sa fausse inquiétude. Oh, tu sais qu’il joue avec toi, que cette hiérarchie des rôles lui plaît, et toi, tu adores te jeter à corps perdu dans ce jeu-là ; le sauveur et lae sauvé·e. « Promis, après avoir trouvé des informations sur mon grand rampant, je suis tout à toi. » Tu croises ses yeux, une lueur de défi et de désir au fond de tes prunelles.

Vous apercevez finalement un groupe d’haruspices pénétrant dans ce qui semble être un théâtre, invité·e·xs par un drôle de personnage en costume d’Arlequin. « Voilà les haruspices qu’on cherchait. » tu remarques en te pressant un peu vers la bâtisse. Mais à peine as-tu le temps de héler l’étranger personnage que la porte se referme sur votre nez. Tu entends le bruit d’une planche plaquée contre le battant et des coups de marteau. « Merde. » Tu te retournes vers Hyacinth. « Je ne pensais pas que la panique avait à ce point gagné la ville. » Mais effectivement, en relevant les yeux vers les locali, tu te rends compte que la plupart des fenêtres sont fermées, voire barricadées. La peur a visiblement infusé dans toute la cité.

Sous la pulpe des phalanges habiles du tisserand, lae dragonologue demande “C’est qui encore”, cette Ariel, cette femme dont le nom s’essoufle entre les dents de Hyacinth, pavé d’une inquiétude teintée visiblement de jalousie. Et dans cet encore, Hyacinth se délecte de la possessivité dont Nobu fait preuve. Il savoure l’envie qui rayonne, le désir qu’il n’ait qu’ellui, passe sa langue sur sa lèvre inférieure comme pour en prélever le goût de Nobu qui serait resté là. « Quoi, jaloux·se ? C’est une fille avec qui je travaille. Elle est plus comme une petite soeur, si tu veux tout savoir. Et elle a un de ces dons, donc… elle doit pas être en super forme. Je suis juste inquiet pour elle. ». Puis un sourire. Pas plus. Pas de jeu, pas de moquerie supplémentaire, juste un silence qui veut tout dire, accentué par l’orgueil tout juste ombragée derrière les lèvres qui s’étirent.

Et le flirt continue, la séduction presque sale, déplacée quoiqu’il en soit en cet instant où tout le monde autour d’elleux s’agite et panique ; mais Hyacinth n’éprouve que trop de désir et d’excitation à l’intérieur de tout cela, de cette fin du monde en attente, qu’il ne peut restreindre ses envies qui s’échappent et s’écrasent contre la peau solmène, se perdent dans leurs jeux de mots que la censure ferait mieux de faire taire. « Oh, allez… Si tu es tout à moi, sois au moins un petit peu un chiot, s’il te plait ? ». Une main qui se perd dans ses cheveux, agrippe une mèche brune, et ses dents qui se resserrent dans un faible grognement, aboiement, entre plaintif et fauve. Mais le jeu s’estompe et la réalité les attrape à la gorge, alors que des haruspices, justement ce qu’iels cherchaient, leur passent sous le nez en se barricadant au sein du théâtre.

« Merde. », prononcé à l’unisson ; les yeux de Hyacinth balayant le reste des rues alentour, s’arrêtant vers un stand de bonnaventure. « Là-bas. Qui dit voyance dit haruspice, non ? Il montre lae bonnimenteur·reuse du doigt, réalisant la supercherie bien vite, mais s’approche malgré tout. Nous cherchons à comprendre les visions des haruspices. Vous devez en être un·e, alors… Dites-nous ce que vous avez vu plutôt que de nous tirer les cartes. Sinon laissez-moi deviner ce qui me concerne… La tour, le pendu, l’ermite ? Hm ? ». Sa main se glisse sur le côté, saisit celle de son acolyte qui était prête à se glisser dans ses poches, et un poing s'étale sur la petite table de fortune. Les deux menteur·euse·s ont pris si peur qu'iels se sont enfui·e·s en oubliant leurs cartes. « Ok. J'ai essayé... C'est pas ma faute cette fois si ça a mené à rien. Le théâtre à pas l'air de se débloquer non plus, viens, on va continuer par-là. »

RéussiteAnnule un échec aux dés.

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Hyacinth soulève le soupçon de jalousie qui voile tes mots, et tu serres un peu les dents. Tu n’aurais pas dû te dévoiler à ce point, tu aurais dû maîtriser le tremblement dans ta voix, ce encore qui voulait tout dire. Alors tu ne réponds rien, ne tentant pas de nier l’évidence, celle qui crie sans même que tu aies besoin de parler, celle qui sème des doutes partout dans ton cœur. Le tisserand compare Ariel à sa petite sœur, et une part de toi est étrangement soulagée. « Tu veux qu’on aille la retrouver pour s’assurer qu’elle va bien ? Elle habite dans la Ville Basse ? » tu demandes sans le regarder, cette fois-ci avec innocence, sincèrement préoccupé·e. Si Hyacinth tient à elle, alors elle ne mérite pas d’être seule dans ce bourbier. Et puis, tu serais très curieux·se de la rencontrer – ce que tu ignores, c’est que tu la connais déjà, mais sous un autre nom. Et que découvrir la vérité ne sera sans doute pas des plus amusants. Le tisserand décline donc, et tu hausses les épaules avec un : « Comme tu veux. » conclusif.

Un sourire amusé et complice t’échappe lorsque Hyacinth parle de faire de toi un chiot. Vous êtes bien les seul·es dans cette ville à bien vivre cette apparente fin du monde, laissant des sous-entendus ambigus glisser entre vous comme si de rien n’était, comme si la ville n’était pas en train de vivre un début d’apocalypse. « Alors c’est ce qui te fait envie ? » Tu n’as pas vraiment le temps de filer le jeu de la séduction – déplacée s’il en est – que vous apercevez des haruspices se barricader dans un théâtre, qui malheureusement vous échappent à quelques secondes près. Vos airs parfaitement détachés détonnent peut-être un peu trop dans la panique ambiante. Tu acquiesces avant de suivre Hyacinth vers l’étal d’un·e·x voyant·e·x. Tu te tiens un peu en retrait, les yeux furetant à la recherche d’individus pouvant vous apporter des éclaircissements, mais les rues ne semblent habitées que par la crainte. C’est au dernier moment que tu vois la main de l’acolyte tenter de se glisser dans la poche de Hyacinth – tenter, car le tisserand l’attrape in extremis, avant de frapper du poing sur la table et de faire fuir les bonnimenteur·se·xs. « Bien tenté. » tu réponds simplement avant de lui emboîter le pas.

Vous traversez une rue parfaitement déserte, genre de paradoxes inhérents à la Ville Basse : tout grouille, tout déborde, mais il est dans le même temps possible de tomber sur des ruelles abandonnées où il n’y a pas âme qui vive. Tu t’apprêtais à proposer à Hyacinth de faire demi-tour lorsqu’un groupe d’enfants vous bouscule en pleine course, renversant au passage un pot de fleurs installé près d’une fenêtre. Tu te baisses pour ramasser les fleurs en question. « Des immortelles. Plus très à propos, avec la fin du monde qui nous guette… Cela dit, elles sont très utiles pour les potions. » Et tu les glisses dans la poche de ta veste. Vous reprenez votre progression sans savoir vraiment où chercher ; les groupes de personnes que vous croisez sont pris dans la précipitation et dans l’urgence. « C’est bizarre, d’ordinaire, Quetzalcóatl n’est pas du genre à s’annoncer. » Plutôt du genre à débarquer et à réduire une ville en cendres. « Si c’est vraiment la fin du monde, qu’est-ce que tu voudrais faire en dernier ? » Tu proposerais bien à Hyacinth d’aller boire un verre dans ces conditions, mais tu n’es pas certain·e qu’il reste encore quelque bar ouvert dans cette ville sur le déclin.

Il y a dans le trémolo de la voix de Nobu, ainsi que dans son regard, un petit quelque chose piquant qui offre à Hyacinth la sensation d’être tout. Il sourirait si cela ne le terrifiait pas de sentir l’affection creuser quelques sillons dans lesquelles percer ses griffes pour s’installer et ne plus partir ; il sourirait, s’il n’avait pas un peu envie, de manière contradictoire, que Nobu râle plus fort, plus intensément, lorsqu’il est question des amant·e·s imaginaires du tisserand. Alors il se contente de bouger la tête d’un côté jusqu’à l’autre, déglutir sobrement, « Non. C’est une grande fille, elle saura m’appeler si elle a besoin d’aide. Je préfère rester avec mon petit chiot. ». Il ne peut retenir une énième pique, énième manière de rabaisser Nobu, moyen poisseux de garder cette espèce de semblant de contrôle sur ellui. Il aime sentir qu’il est important, sentir qu’il représente tant pour l’autre, qu’à tout moment un silence devient tranchant et asphyxiant. Un regard devient espoir, attente, torture.

Les caresses s’éloignent avec l’apparition du théâtre, de lae voyant·e et de son jeu de tarot truqué ; le tout ayant quelque peu commencé à agacer Hyacinth, il range le jeu dans sa poche en soufflant et range ses mains avec le jeu. Les envies de proximité disparaissent, celles d’enquêter comme des gamin·e·s aprenti ·e·s détectives s’estompent presque elles aussi : après tout, qu’en a-t-il à foutre de cette vision, il sait que la fin est proche, que ce soit maintenant ou dans 50 ans, pour lui il ne s’agit que d’un battement de paupière sur sa longue vie à demi-éternelle. Du coin de l'œil, il observe Nobu cueillir quelques fleurs dont le nom lui tire un sourire amusé, « Assez à propos tout de même pour un couple de deux sorcier·ère·s. ». Le mot est sorti à son insu, immiscé dans sa bouche comme une petite boule de sucre, mais qui a désormais un goût rance. Hyacinth entrouvre les lèvres comme pour se reprendre, mais ne dit rien, force un sourire mutin comme il en a tant l’habitude, faisant passer l’aveu comme une blague volontaire, et accompagne même à ses paroles un petit coup de coude avant de continuer à marcher.

Derrière elleux, quelques nouvelleaux haruspices se font accueillir au sein du théâtre, toujours fermé pour les autres, ce qui tire une râlerie chez Hyacinth avant qu’il n’écoute les théories de Nobu sur Quetzalcóatl. « Non, en effet… Je veux pas te décevoir mais je suis pas certain que ce soit lui, notre menace. ». Il y a dans ses mots un peu d’amertume, comme l’envie de placer une distance entre elleux, de faire du mal à Nobu - juste un peu - pour que Hyacinth retrouve la place de celui qui à l’emprise, qui ne se laisse pas surprendre par ses sentiments qui crachent quelques lapsus par-ci par-là. Mais, avec sa dernière question, Nobu arrive à déstabiliser le sorcier. Que voudrait-il faire en dernier ? Ses pas se ralentissent, ses yeux s’ouvrent en grands comme s’ils accueillaient toutes les idées de son cerveau en bazar. « Eh beh, en voilà une question… Je vis ma vie pour éviter d’avoir des regrets tu sais, je fais déjà à peu près tout ce que je veux quand je le veux, donc… Probablement profiter jusqu’au bout. Il s’arrête de marcher et se retourne pour faire face à Nobu, attendre que lae Solmène le rejoigne. Et toi, une idée ? Ca sonne comment un dernier coup avec ton sorcier préféré ? Je pourrais même te laisser te venger un peu, me faire du mal, juste pour cette dernière fois. ». Sa main tendue se pose sur le torse qui lui fait face, attrape le vêtement, l’amène à lui, si fort que les deux visages se retrouvent presque collés l’un à l’autre. Les lèvres si proches, il n’avouera évidemment qu’il voudrait juste dormir paisiblement à côté de quelqu’un qui le serre dans ses bras, sans se battre, pour une fois.

Petit chiot. Tu ne réponds rien, mais alors que vous vous faites claquer la porte au nez par un foutu théâtre et que vous échappez aux boniments d’un·e·x liseur·se·x de bonne aventure, les mots te travaillent. Tu te rends compte que tu t’installes parfaitement dans ce rôle qu’il t’attitre malgré toi, la petite chose chétive qu’il faut protéger, mais dont on ne peut nier qu’elle nous rend faible. Désespérément faible, dans une sorte d’inversion imprévue du pouvoir. Celui qui se fait maître et protecteur, pris à son propre piège. Tu glisses un regard vers Hyacinth. Es-tu sa faiblesse à lui ? Est-il ta faiblesse à toi ? Plus tu cherches à décrypter votre relation, plus celle-ci t’échappe. Parfois, ça te convient bien, de ne pas savoir, pour ne pas te confronter au fait qu’elle n’est pas ce que tu attends, ce que tu espères. Mais parfois, surtout quand la fin du monde est proche, tu donnerais tout pour mettre le doigt dessus. Pour ouvrir un peu les yeux et appuyer là où ça fait mal. Vous confronter tous·tes les deux à cette faiblesse-là. Faire éclater le silence.

Un peu comme Hyacinth, qui échappe ce mot, couple, qui te fait t’arrêter net dans la rue, les bras le long du corps, les yeux un peu perdus. Il te donne un coup de coude pour appuyer la boutade et tu te remets en marche, avançant comme un automate, plus vraiment présent·e à ton corps. Elle était là, la détonation. Et putain, comme elle fait mal au ventre. Tu ne le regardes plus, jouant distraitement avec un des brins d’immortelle dans ta poche. Tu te retiens de dire que pour des immortel·les, vous avez quand même beaucoup envie de mourir, mais tu te retiens, toujours perturbé·e par le reste de la phrase. C’est la mention de Quetzalcóatl qui te ramène définitivement à toi. « Laisse-moi espérer encore un peu, tu veux ? » tu réponds, sans savoir de quoi tu parles vraiment. Du Serpent-Ailé ? Tu n’es plus sûr·e. Tu changes de sujet pour tenter de rassembler un peu de maîtrise de toi, mais tu continues de ne pas regarder Hyacinth. La perspective d’une fin proche décuple tes préoccupations, les rendant acides, voire cruelles. Tes sentiments avec lesquels le tisserand joue comme on tisserait des liens. Tes espoirs qu’il est si facile de piétiner.

À ta question, Hyacinth se stoppe. Sa réponse ne te surprend pas vraiment. Profiter jusqu’au bout serait en effet une belle façon d’en finir, mais tu n’es pas certain·e qu’enquêter avec toi dans les rues paniquées de la cité des cimes sur une menace fantôme entre dans cette catégorie. Le tisserand te retourne la question avec malice, alors que tu le rejoins. Tu n’as pas vraiment le temps de répondre qu’il agrippe ton haut et rapproche vivement vos deux corps. À quoi tu joues ? t’aimerais lui crier. À la place, tu gardes le silence. Un silence ambigu, un silence qui veut tout dire. Et après une seconde d’hésitation, tu viens déposer doucement tes lèvres sur les siennes, juste de quoi vous faire frémir, à la dérobée. C’est ça, que tu ferais. L’embrasser, encore et encore, et lui dire que le monde peut bien s’effondrer, que tu t’en fous, tant que tu es avec lui. Mais tu ne peux pas lui dire, alors tu te contentes de reculer d’un pas et de hausser les épaules. « Ça sonne bien. » tu réponds d’une voix qui se veut détachée mais qui ne l’est absolument pas. Un dernier coup, le genre sans espoir, le genre au bord du monde, c’est tout ce à quoi tu aspires.

Vous reprenez votre progression jusqu’à arriver devant la Bibliothèque des Livres Brûlés. En avisant une personne en train de répéter compulsivement les mêmes chiffres en boucle, tu en déduis sans mal qu’il s’agit d’une haruspice. « Enfin une haruspice. J’espère qu’elle sera disposée à nous aider. » tu remarques en t’approchant. Mais malgré tes tentatives pour l’aborder, l’inconnue ne démord pas de ses suites de chiffres. Tu finis par sortir un stylo de ta poche et à écrire les chiffres en question dans le creux de ta main. « Plus qu’à trouver quelqu’un·e qui saura les déchiffrer. »

Le ciel a cette couleur étrange, encore baignée du soleil nouveau, tirant vers les orangés ; pas tout à fait bleu en dessous, il y a ce voile blanc, spectral, qui lui donne une luminosité qui fait plisser les yeux. Et Hyacinth ne comprend pas vraiment ce qu'il fait, là, à ne voir que l'étendue infinie quand il ouvre les yeux. Il finit par se relever, réalisant enfin qu'il était allongé à même le sol, quelque peu mal au crâne, et il se trouve dans une rue de la Ville-Basse qu'il connait mais ne reconnait pas vraiment. « Quoi, mais qu'est-ce qu- Il frotte ses yeux et tourne la tête pour découvrir Nobu, assis ellui aussi, puis il a un petit rire, à la fois niais et retenu. D'un coup j'ai eu ce sentiment, tu sais, quand on a trop bu et qu'on se réveille le matin sans se rappeler de la nuit, dans les draps d'un·e inconnu·e... Ils font mal au dos tes draps, il dit en se retenant de rire de plus belle et en montrant les pierres des ruelles, et t'es pas vraiment un·e inconnu·e, à force, mais... au moins... J'ai pas besoin de me demander ce qu'on a pu faire toustes les deux. ».

L'intérieur de son bras désormais appuyé contre son genou qu'il a relevé, il retient sa tête de sa main en regardant lae Solmène émerger de ce sommeil étrange, mais son sourire s'évapore quelque peu quand il fait un nouveau tour de tête pour balayer les alentours et revenir quelque peu dans la réalité. Ou sont-iels ? Que faisaient-iels ? Il ne se souvient de rien mais sait parfaitement ce qui a pu les mener ici, ce sentiment flou et limpide à la fois d'un enchantement, de la magie qui leur marche dessus. La seule question qui le tient en éveil est toutefois de savoir comment iels se sont déplacé·e·s et qui leur joue ce sale tour. Hyacinth se rappelle de leur petite investigation qui ne semblait mener nulle part, mais peut Peut-être étaient-iels finalement au bout de quelque chose ? Comme deux insectes dérangeant·e·s que l'on veut faire disparaître. Il ne se rappelle pas du reste, des réponses de Nobu à ses sous-entendus, de la promesse de se retrouver quand tout sera terminé, deux amant·e·s jusqu'à la fin du monde, du baiser volé pour sceller tous leurs espoirs devenus inavoués. Il ne ressent plus rien de ce qu'il a pu ressentir devant l'affection, devant l'attache qu'il éprouve ; plus rien de cette envie de fuir pour mieux retrouver le contrôle. Cette amnésie temporaire est finalement bien plus salvatrice qu'elle n'est menaçante, pourtant devant le sentiment d'être démuni c'est bien la colère qui monte.

Hyacinth se relève finalement, tapant sur ses genoux de ses paumes et tend un bras à Nobu pour l'aider. C'est à ce moment qu'il remarque les traces sur sa main, qu'il saisit et tourne entre ses doigts pour mieux l'observer. « Putain mais c'est quoi ça encore ? C'est quoi ces chiffres ? Tu te rappelles de quelque chose ? Ca devient vraiment bizarre... ». Et comme toujours, pour contenir sa colère, il n'y a toujours qu'une seule chose qui s'exprime chez Hyacinth : les sous-entendus grivois, la séduction crasse, les fantasmes interdits. D'un mouvement du pouce qui vient appuyer dans la paume de Nobu, il masse presque ses mains sur lesquelles ses doigts continuent de courir, avant de remonter sur ses avant-bras. « Oh, non, je sais. Ca y est. Ca ne peut être que ça. Du bout des doigts, il relève les mèches de cheveux de Nobu qui viennent couvrir son oreille et approche ses lèvres pour chuchoter. On a dû jouer aux mathématicien·ne·s plutôt qu'aux docteur·e·s ; Oh, Nobu, viens me dire si mes cuisses sont parallèles... Laisse-moi te réciter toutes les décimales de pi jusqu'à ce que tu tombes de sommeil... Murmure-moi combien font cinquante-sept plus douze... Hahaha ! ». Et de sa voix devenue sensuelle il explose finalement d'un rire gras, stupide, avant de se gratter le bout du nez en soupirant. « Aaaah, putain que je hais ce sentiment de ne plus savoir. J'ai l'impression d'avoir raté quelque chose d'important... Tsss. Bon, on continue notre route ? Autant profiter de notre petite téléportation... ».

Tes yeux s’entrouvrent sur un morceau de ciel entre deux casette. Tu papillonnes des paupières en tentant de rassembler tes esprits, mais une épaisse brume nimbe tes souvenirs récents. Tu grognes en sentant le sol dur sous ton dos, la nuque fourbue et le crâne douloureux d’avoir heurté le sol. Tu te redresses péniblement, t’asseyant sur les pavés froids en jetant un regard circulaire autour de vous ; mais il n’y a personne. Vous êtes seul·es dans cette rue dont les façades mal entretenues, lézardées de bougainvillier et de lierre, t’indiquent qu’il s’agit encore de la Ville Basse. « Putain… » tu soupires en portant une main à ton crâne, où la douleur pulse encore et où les brouillards ne se sont pas encore dissipés. Hyacinth est près de toi, il se redresse, lui aussi tout à fait déboussolé. Il échappe un éclat de rire en raillant votre étrange situation, t’arrachant au passage un sourire faussement fatigué par ses pitreries. « C’est pourtant précisément la question que je me pose. » tu réponds avec un sérieux où perce l’anxiété. Qu’est-ce que vous étiez en train de faire ? Tu viens te masser les tempes en fermant les yeux pour essayer de te souvenir, mais la mémoire ne cesse de t’échapper. Tu ne te souviens plus du baiser, mais tu sens dans ton corps, dans ton ventre serré, dans la chaleur de tes joues, que tu appréhendais quelque chose, sans savoir quoi. « Tu te souviens où on était ? » tu demandes en reportant ton attention sur Hyacinth. Même un minuscule indice pourrait vous aider à comprendre. Tu parviens au constat que les brumes qui assiègent vos esprits ne peuvent être que magiques. « Tu connais un sortilège capable de faire ça ? » Seule la magie est en mesure d’altérer les pensées. Tu cherches dans ton esprit toutes les formules qui interagissent avec la mémoire. Et puis tout à coup, ça te paraît évident. « Une Eau du Léthé. » tu lâches soudain, toujours assis·e au beau milieu de la rue. « C’est pas un sortilège mais une potion qui vient de nous faire tout oublier. » Ça ne peut être que ça. « Reste à savoir qui s’amuse à nous prendre au piège. Et pourquoi. »

Hyacinth se relève finalement et vient te tendre la main pour t’aider à te redresser. Son exclamation te fait sursauter. Tes yeux tombent sur la paume de ta main, qu’il tient encore dans la sienne. « Mais qu’est-ce que– » Une étrange suite de chiffres y est inscrite, vraisemblablement à la hâte. Tu les déchiffres un par un avant de relever des yeux totalement perdus vers le tisserand. Celui-ci ne manque pas cette occasion pour disséminer de nouveaux sous-entendus – plus si implicites que ça – dans votre conversation. Il s’approche de toi avant de venir chuchoter à ton oreille ses idées déplacées qui t’arrachent pourtant un sourire un peu complice, avant que le tisserand ne parte dans un grand rire. « T’aurais dû me parler plus tôt de tes fantasmes. J’ai l’impression que beaucoup de choses inassouvies refont surface aujourd’hui. » tu te contentes de répondre. Tu comprendrais la portée de tes mots si tu te souvenais de l’avoir embrassé malgré toi. Tu es toi-même passé·e maître·sse dans l’art des choses inassouvies. Hyacinth propose de reprendre votre route, et tu acquiesces avant de lui emboîter le pas. « Je crois… je crois qu’on cherchait la Bibliothèque des Livres Brûlés, pour trouver des haruspices. » C’est tout ce dont tu te souviens : chercher des haruspices. « On sait maintenant qu’on doit en plus trouver un·e mathématicien·ne ou quelque chose dans le genre. » Tu poses de nouveau les yeux sur la paume de ta main, mais tu as beau retourner les chiffres dans tous les sens possibles et imaginables, tu n’arrives à en tirer qu’un début de mal de crâne.

Alors que vous gagnez une rue plus animée, un groupe d’enfants vous dépasse en criant, prétendant qu’une chose vient de les survoler et de fondre sur la ville. Tu n’as pas le temps d’arrêter l’un·e d’elleux qu’iels se sont déjà enfui·es, mais rien dans le ciel ne vient confirmer leurs craintes. « Etrange. » tu constates sobrement, sans t’apercevoir que tes poches se sont allégées. Tu lèves le nez vers le ciel pour scruter les nuages à la recherche de la moindre ombre menaçante ou tout autre phénomène improbable, mais rien à l’horizon. « Merde… » tu jures en passant les mains dans les poches de ta veste, constatant que tu n'as plus ni tes clés, ni ta montre à gousset. Iels n’ont cela dit pas jugé bon de dérober ton stylo et tes brins d’immortelles, maigres possessions qu’il te reste.