Il ne s’écoule pas un jour où tes pas ne te guident pas jusqu’aux jardins botaniques ; il est comme une nécessité pour toi de t’enivrer des parfums et des couleurs, de sentir les racines pousser lentement dans le sol dans cette communion totale des éléments. Même en étant malade, tu trouves la force nécessaire pour t’éclipser de ton lit et venir sombrer, ici, contre l’écorce chaude d’un arbre qui t’apporte ombre et réconfort. Dans le silence des plantes, tu trouves toutes les réponses à tes maux. Alors, éprise de tant de doutes en ce moment, il est naturel que tu t’y loves encore et encore ; naturel aussi que tu aies proposé à la douce Arianne, de te rejoindre si le cœur l’en disait.

Tu ne sais que peu de choses de la Solmène, de ses bijoux brillants et de ses sourires, mais tu as dans le ventre cette envie de tout découvrir. Rares sont les âmes qui t’attirent ainsi dans leurs filets d’affections et d’attentions, tu te méfies toujours de tes propres sentiments, n’ayant aucune confiance en eux, si difficile pour toi à comprendre et percevoir. Mais avec elle, il y a des choses qui deviennent aussi limpides que les rougeurs qui grimpent jusqu’à tes joues quand tu la vois errer autour de la Torre et qu’elle glisse un geste de la main à ton attention. Ses si jolies mains aux doigts frêles contre lesquels, la nuit, tu rêves en silence pudique d’égarer ta peau.

En l’attendant, tu discutes avec l’un·e des botanistes de nouvelles graines découvertes dans une bouteille à la mer ; comme si le destin l’avait menée jusque dans les bras de Cittàgazze. Quelques sourires échangés autour de vos théories sur ce que ces graines vont donner comme plante, et ton regard se trouve happé par une sirène aux jambes nues qui glissent dans l’eau d’un petit étang. Tu quittes alors lae botaniste et vos théories, t’avances vers Arianne dans un sourire que ta bouche ne sait retenir. « Eh bien… Quelle dévotion à votre mère. Mais elle doit être froide, dépêchez-vous de sortir avant que vous n’attrapiez la mort Arianne, nous ne voudrions pas cela. ». Tout dans le langage corporel de la jeune fille en appelle à tes désirs les plus insoupçonnés, ceux que toi-même ignores encore totalement, mais ce sont eux certainement qui te laissent là, à l’abri sur les berges, à tendre pourtant une main innocente par instinct. « Mais non, voyons, prenez ma main !. Et tes joues se parent d’un peu plus de pigments roses, feignent de n’avoir rien entendu alors que tes lèvres se retrouvent pincées entre tes dents. Je suis contente que vous soyez venue. C’est un de mes endroits préférés ici… J’espère que vous ne tiendrez pas rigueur au vent de faire des siennes. Attendez, je dois avoir quelque chose dans mon sac pour vos jambes. ». En plongeant ta main libre dans ton sac, tu en sors un mouchoir en tissu léger. Il est petit, mais il a le mérite d’être sec et qu’Arianne puisse l’utiliser pour sécher sa peau, alors tu le lui tends, en sentant à peine ton souffle se couper dans l’espoir qu’elle te remercie. Il y a une légèreté qui t’enveloppe quand tu la vois, quand elle te parle, quand vos mains se touchent dans une électricité nouvelle et revigorante. Mais toi, tu es bien incapable d’accépter ce que tu ressens, et tu te dis, intérieurement, qu’Arianne pourrait simplement être une très tendre amie.

Les compliments d’Arianne rebondissent sur ta peau, laissant quelques traces rougeâtres à leur passage furtif. Ses doigts entremêlés aux tiens, tu les regardes et sens qu’ils font battre jusqu’à ton cœur dans ta cage thoracique. Pourtant, lorsqu’elle te demande si vous pouvez rester ainsi, dans cette position hors du temps, ta nature terre-à-terre vous rattrape et vole à l’instant parfait toute sa légèreté. « N-non. Non, je vous l’ai dit, vous allez attraper froid, comme ça. ». Ce n’est pourtant pas ta façon à toi de la repousser, bien au contraire ; c’est simplement ton inquiétude qui est plus grande que ta compréhension du monde et de ses secrets, surtout ceux qui ont trait à l’affection et l’amour. Ces sentiments que tu ignores encore parfois alors pourtant qu’ils te submergent.

Arianne se saisit de ton mouchoir et tu sens le feu dans tes joues s’adoucir alors que tu fais un pas en arrière pour reprendre ton souffle. Tu as l’impression de mal respirer ici, tout contre elle ; et t’éloigner te rend un peu d’air dans tes poumons. D’instinct, tu en lèves les yeux au ciel, cherchant comme une sorte de fumée qui te conforterait dans ton impression de suffoquer, comme si l’air était tout simplement mauvais, mais il n’en est rien. De quelques sourires tu accueilles ses réponses et compliments, et tandis qu’elle parle de ton mouchoir comme d’un linceul précieux, tu agites ta main devant vous deux : « Oh, gardez-le, il n’a pas de valeur. Ca vous fera un souvenir de moi. ». Puis ta main, à nouveau, se retrouve capturée par l’ingénue. Et elle ne te lâche plus.

Vous continuez votre route, peau contre peau, jusqu’à croiser les canards qui te rendent quelque peu réticente. Lointaine. Tu n’as jamais trop apprécié les oiseaux et autres animaux de cette espèce, d’une taille suffisante pour croquer sans vergogne la pauvre Marguerite qui est cachée sous tes vêtements de peur d’être repérée. Ainsi tu observes Arianne et sa douceur, envers toustes, presque épatée et impressionnée de cet amour qu’elle offre à tout va ; et lorsqu’elle te demande ce que tu préfères, tu tournes la tête en haussant les épaules. « Pas vraiment les animaux, je dois avouer… Ce que j’aime ce sont les fleurs, mais aussi ça, là-bas, les boutures toutes jeunes de plantes nouvelles et le soin et l’attention qu’on leur offre. Tu marques une courte pause. Regardez comme les jardinier·ère·s les regardent et s’occupent de leurs plantes avec tendresse… ». Ta main est toujours prisonnière de la sienne, et sans le réaliser tu commences à effectuer quelques minuscules va-et-vient de ton pouce sur le reste de ses doigts. Caresses qui s’enfuient, affections qui se fuient. Il y a une électricité qui crépite entre vous, tu sens ta magie s’éveiller et à tes pieds, un bouton de rose venu de nulle part tente d’éclore. « Vous savez, dans les histoires d’autres mondes et dans les vieilles mythologies, Arianne était le nom d’une femme importante qu’on associait parfois à la déesse de la végétation. Je le crois un peu. A vos côtés, je sens que mon alchimie pourrait se décupler. ». Tu es bien trop inconsciente encore pour comprendre que ce n’est pas Arianne mais tes sentiments à toi, inhabituels, nouveaux et forts, qui attisent la magie dans tes veines.