I cannot feel more wrong

Les températures ont considérablement chuté et même si elles sont toujours au-dessus de zéro, un vent terriblement froid assaille ses joues. Des joues humides. Sur lesquels résident également des marques de larme déjà séchées. Il pleuvote et de nombreuses gouttes ont trempées ses cheveux où s'immobilisent dans les fibres de ses vêtements, elles brillent à chaque fois qu'ils passent sous les lueurs des lampes ambariques. Il déambule misérablement à travers la ville depuis plus d'une heure déjà, l'esprit en vrac, la langue amère et le coeur en miette. Le pire, c'est qu'il est le seul coupable de son malheur, le seul responsable de sa mine défaite ; contraint par ses remords, affligé par la colère qu'il ne peut ressentir pour personne d'autre que lui-même. Si seulement il avait une autre personne à tenir en porte à faux pour délayer son ressentiment, si seulement il y avait un autre coupable quelque part, sur lequel jeter une malédiction. C'est naturellement que ses pieds l'ont mené jusqu'à la péniche du Lusignan, là où tout a commencé. Là où il n'aurait jamais dû fourcher sa langue d'un affreux mensonge. Il toque à la porte et attend qu'on vienne la lui ouvrir, alors qu'il sait qu'il pourrait très simplement entrer. Lorsque la silhouette de l'alchimiste lui apparaît entièrement, il se fige un peu, se mord les lèvres et essaie de contenir les sanglots, mais c'est tout comme si la tempête avait attendu cet instant précis pour s'abattre ; et ses larmes redoublent d'intensité, ses épaules sont archaïquement secoués. Les mèches sombres de ses cheveux collent contre son front et renforce la pâleur de sa peau, lui donnant des airs de fantômes. C'est soudainement, qu'il se jette contre l'explorateur, attrapant ses bras entre ses doigts et pressant son front contre son épaule. Il larmoie davantage, se laisse entièrement aller contre la silhouette de son amant puis essaie de lui expliquer.. En vain, il n'y a que des balbutiements et des trémolos dans sa gorge. Il s'en veut tellement d'avoir menti, d'avoir blessé Micah, d'avoir probablement blessé son coeur avec ses cachotteries et de ne rien trouver de mieux à faire que d'aller trouver du réconfort chez lui. Il se sent moche, bête et méchant. Ainsi qu'égoïste, sournois et hypocrite. Ce qu'il était détestable à venir inonder Aimé de son chagrin, comme s'il n'avait pas vécu le même terrible cauchemar que lui.

Allongé sur le dos, un bras croisé derrière la nuque, tu observes fixement un minuscule filet de lumière qui éclaire le lambris tacheté de ta péniche. Tu tends la main, passe une à une tes phalanges devant le rayon jaune, baigne ta peau sous sa couleur chaude, mais n’en ressent pour autant pas les agréables effets sur ta carne. Tu es épuisé, seulement, tu n’arrives pas à fermer l’œil. Tu as peur d’être à nouveau propulsé dans un cauchemar et de devoir faire face à d’autres de tes craintes. D’un mouvement rembruni, tu attrapes un oreiller et vient recouvrir ton visage pour t’obliger à fermer les yeux. Tu comptes à l’envers, assimile ensemble des mots incompatibles, tu imagines un fil qui relie ensemble toutes les parties de ton corps, et, lorsqu’enfin, tu as la sensation de tomber de sommeil, tu entends des bruits de pas sur le pont, suivi d’un martèlement distinct contre la porte.

Tu penses d’abord à Rhialea, mais tu balayes très vite cette idée. Si c’était elle, elle n’attendrait pas une petite seconde pour entrer. Tu penses aussi à Cecil, mais lui non plus, n’attendrait certainement pas…et puis, malgré sa mauvaise jambe, il a la discrétion d’une ombre. Tu te redresses rapidement, fait tomber le coussin qui se heurte au matelas et parcours bon train les quelques mètres qui te séparent de la porte. Lorsque tu l’ouvres, la silhouette qui se dessine dans l’obscurité et bel et bien celle espérée. Son faciès est triste, sa stature penaude, pourtant, tu es heureux qu’il soit là. S’il est là, ça ne peut vouloir dire qu’une seule chose : Le cauchemar est réellement terminé. Il se précipite à l’intérieur et plus précisément contre toi. Tu as un petit sursaut, parce que ses vêtements sont mouillés ainsi que les mèches de ses cheveux et qu’ils rafraîchissent ta peau nue. Malgré tout, tu serres l’esseulé dans tes bras, le réconforte à l’aide de tes paumes qui tracent des mouvements circulaires dans son dos. Il essaye de te dire quelque chose, mais il peine à s’exprimer et bredouille de façon incompréhensible. Tu le guide jusqu’au canapé sur lequel tu t’assieds toi aussi, il se laisse si facilement faire que tu as l’impression de manipuler un porte-manteau.

“Si tu savais comme je suis heureux que tu sois là.”
Affirmes-tu, tendrement, les yeux amoureux à la recherche de ses contours sibyllins.

I cannot feel more wrong

Il trempe l'épaule du Lusignan, de ses larmes et d'autres fluides moins reluisant, mais celui-ci ne le repousse pas, au contraire. Il l'attrape, le serre contre lui et caresse son dos : ses attentions qui devraient le consoler amplifie pourtant son sentiment de culpabilité et il convulse davantage contre le corps de son amoureux. Il est tellement surchargé par sa peine qu'il ne remarque même pas que l'alchimiste l'entraîne jusqu'au canapé. Il n'a plus que trois réalités, le poison de son cerveau, les débrits de son coeur et la seule chose positive parmi cette triade : son visage contre l'épiderme accueillant du noénaute. Celui-ci le pousse doucement à s'asseoir, brisant le contact réconfort, mais le rejoint vite, toujours suffisamment proche pour que sa chaleur infuse ses contours. Là, l'aventurier lui glisse. "Si tu savais comme je suis heureux que tu sois là." Le Sian s'était un peu calmer, mais entendre ça.. Ça le fait repartir de plus belle et il prononce, tout à fait geignard : "Mais pourquoi tu dis ça ?" Des mots qu'il mérite ni d'entendre, ni de recevoir. Encore moins ses yeux amoureux que le Lusignan dépose sur lui, qui l'enrobe comme s'il était la plus merveilleuse des apparitions ; ça le démange, ça le pique, ça le brûle et le pire c'est que ça lui fait du bien aussi. Alors, le Sian recouvre les sclères homologues avec une paume, parce qu'il se sent coupable de l'aimer et d'avoir prétendu ne pas le faire. Le renard n'en mène pas large, totalement épuisé et saute sur le canapé, pour se rouler en boule contre la cuisse de l'intrigant. Après quelques secondes, il pousse un profond soupir parce qu'il ne supporte plus les lamentations du musicien et s'adresse à l'espiègle personnage, d'une voix légèrement monocorde. "Je crois qu'il devrait dormir. On devrait tous dormir.." Il enfouit ensuite son museau au centre de sa spirale. Oui, ça ferait probablement du bien au prêtre de dormir, avec son nez rouge et ses yeux gonflés d'avoir trop pleuré. "Cesse de m'aimer.." Il implore. "Je ne le mérite pas."