Villes entremêlées pour n'être qu'un seul et même peuple, le temps des festivités. Ce cessez des rivalités pour respirer quelques jours. C'est de bleu que je décide de me vêtir. Velour pour la robe, que je mettrais probablement qu'une fois. Faire l'effort pour paraitre sous mon meilleur jour, un masque de même coloris pour parfaire l'ensemble. Un dernier regard dans sur mon reflet. Jamais très confiante sur mon apparence. Je m'abaisse pour glisser une plume bleue dans le pelage d'Impeta. Tu es radieuse. Comme toujours. Je hoche la tête et chuchote un merci, tu es de toute beauté également..

C'est donc dans un esprit joyeux que nous nous dirigeons vers le lieu. Senteurs florales et douces sonorités, mais j'avais déjà les yeux rivés sur les stands de nourriture. Mais bien avant, je me laisse entrainer à quelques pas de danse avec des enfants. Tout en lorgnant les mets, je pars en quête de mes adelphes. Sans être certaine d'y parvenir. L'envie de découvrir leur tenue. Et être émerveillée par le talent de mon ainée.

Tenue de V:

La ville semble avoir changé d’éclat ces derniers jours. Comme si un vent nouveau soufflait sur celle-ci. Un vent chaud, mais loin d’être inoffensif, comme le Chergui, qui apporte sa quantité de grains de sable chaque fois qu’il souffle. La fête se veut libre de toute politique, de toute tension, mais qui peut assurer que ça sera véritablement le cas ? Personne, encore moins quand des esprits chafouins pourront cacher leurs méfaits sous couvert d’anonymat. Mais malgré tout, j’avais décidé d’y participer, de profiter des festivités. Vêtu d’une chemise couleur jasmin et d’un pantalon noir, je me termine de me préparer, apportant la dernière touche à mon masque, rappelant le plumage de mon daemon. Daemon qui malgré son hardiesse habituelle, ne souhaite pas vraiment se mêler à une fête dans laquelle nos ennemis ne seront pas identifiables. « Je resterais à distance, sur les toits ou dans les arbres. » Je hoche la tête, satisfait de cet accord, qui je le sais, est le meilleur que je pourrais obtenir.

Je ne tarde pas à me mettre en route vers le cœur de la ville, où les festivités ont déjà commencé. Mon regard se perd sur les tenues ou les masques, parfois abracadabrantesques, parfois surannés. Le mélange de culture rend toujours chaque évènement unique. Et très hétérogène, comme si le décor n’était pas le même pour chacun d’entre nous. Des notes de musique se font entendre, souvent les mêmes litanies d’accords, souvent à la guitare, mais d’autres instruments se feront entendre dans la soirée. Surement des ukulélés, pourquoi pas des violons, je l’espère. La circulation n’est pas facile dans les allées, où toute la ville semble être présente, certains semblent même perclus au milieu de la foule, mais avec un peu d’effort, on arrive à se faufiler. Sur un toit plus loin, je peux apercevoir Saorsa, tenant sa promesse. A distance, mais présent. Loyauté à n'en pas douter, malgré son caractère difficile. Regard qui se pose sur une silhouette de bleue vêtue @Valentine Covenant à quelques mètres de moi, accompagnée comme toujours par lae panda roux qui représente son alter, j’affiche un léger sourire. J’en connais un qui allait se féliciter d’être resté loin de la fête. Je m’approche et m’arrête devant elle, opérant une petite révérence pour la saluer, selon l’éducation que l’on m’avait inoculé concernant le savoir-vivre, les bals et autres festivités. « Bonsoir ! Tu es très élégante dans cette robe. » Je m’autorise un compliment à son égard, dans cette ambiance qui se veut loin de tout ce que nous connaissons habituellement. « Toi aussi. » que j’ajoute à l’intention d’Impeta remarquant la plume dans son pelage.

Tu as toujours trouvé parfaitement stupide de te rendre à un bal masqué avec l’ossature dont tu fais preuve ; c’est sûr que tu es loin d’avoir le physique de sauterelle ton mari qui passe bien dans tous les costumes qu’il possède. D’ailleurs, depuis tout à l’heure, il se livre à un soliloque sur les fautes de goût des invités, et notamment d’ Hypérion, le compagnon de son cousin, dont le régime flexitarien rend malade de rage ce vegan convaincu du Kirill.

Engoncé dans un costume chapardé sur un étalage du marché dans lequel ta fille a fait une razzia pour toute la famille, tu trompes l’ennui inévitablement induit par l’ embargo des lois Solmènes. L’odeur des parfums de ses dames se mélange à celle des ganaches des buffets ainsi que des épices subtiles dont les plats sont saupoudrés. L’hypermnésie a beau ne pas faire partie de tes caractéristiques sur-développées tu as la certitude que l’ensemble de ces odeurs et de ces couleurs agressives va pénétrer ta mémoire et s’y installer durablement.

« Eh bien, déjà pompette madame ? » lances-tu à celle qui, à tes côtés, manque de trébucher.

Si Thalès éprouve peu de plaisir à la danse et à la musique, elle se rend fidèlement, tous les ans, à ce Bal des Ardent‧es qui lui rappelle tant de souvenirs passés, heureux et mélancoliques. Ici, elle a connu le premier amour de sa vie, ici, elle a dansé, enceinte de son péché, rayonnante, un masque d'ivoire couvrant à peine ses yeux pétillants de vie.

Un masochisme instinctif l'oblige à reproduire ces mêmes pas annuellement. Il s'agit aussi de surveiller ainsi sa fille, qui discute avec des amies non loin, chaperonner sans être un poids, et bien entendu, échanger contre des Nautiles quelques victuailles préparées pour l'occasion.

Loin d'être une femme heureuse, elle reste cependant une commerçante prête à toutes les occasions. Une monnaie éphémère est une occasion de faire des affaires qui ne se prête pas au reste de l'année, à éponger des dettes, effacer des ardoises, s'enrichir... le tout dans la piété, faisant don d'une grande partie des nautiles accumulés à la Cattedrale, en expiation rituelle.

Un carré d'herbe, une table d'appoint, une chaise en osier. Son trône pour la nuit, et un masque pour cacher les larmes qui ruissellent parfois le long de ses joues.

Iel sont nerveux‧ses, monté‧es sur ressorts, comme souvent lorsque le coeur est chambardé. Iels n'ont jamais manqué de compagnie pour ce Bal annuel, ni pour aucun des autres qui jalonnent l'année, qu'ils soient officiels ou spontanés. Toutefois, leur cavalier du soir diffère des badineries passées, et bien qu'il ne s'agisse aucunement de leur première rencontre, de leur première effusion, il y a quelque chose de solennel à l'inviter au Bal, à s'afficher avec lui, alors qu'iels ont pour le moment privilégié le calme et la discrétion dans leurs rencontres - ce qui est totalement faux, mais le souvenir de l'émeute de la Tour de l'Est est à sa meilleure place dans le déni.

Une bourse pleine de Nautiles dans la poche de sa veste, masque posé de guingois sur ses cheveux, refusant d'être anonyme face à lui tant qu'il peut l'éviter, Nicholas s'aventure en terrain ennemi, à la Nef des Fous, pour lui. Pour Kafka.

Il n'a pas à demander longtemps pour que le jeune homme n'apparaisse, les traits fatigués, surpris, peut-être, de le revoir ici. Nicholas ne l'a pas prévenu, trop apeuré à l'idée d'un refus qui aurait tout gaché pendant des jours. Il ne se voit pas sans lui, ce soir, ni aucun autre soir d'ailleurs, tout en ayant cependant déja accepté qu'il n'y aura pas, avec ce solmène fatigué et mélancolique, de continuité, de réveils lents et faciles, de vie commune d'aucune sorte. Il n'y aura que des vols, de nuits, de moments, des baisers soufflés en vitesse et des tendresses cachées.

S'avançant vers lui, Carine dans ses jambes, timide toujours, la gorge décorée d'un nouveau ruban de soie, il tente de supprimer toute nervosité de ses paroles. "J'aimerais que tu viennes au Bal avec moi, ce soir. Je paye toute ta nuit, d'avance, pour ta présence. Si tu le veux bien." Des Nautiles à foison, qu'il s'est acharné à obtenir en une journée et demi de labeur intensif, de cajoleries, de larçins aussi, une rançon de roi, pour laquelle Nicholas n'a que peu d'intérêt, si elle ne lui permet pas d'offrir à cet amant une parenthèse, un sursis, une fenêtre sur l'ailleurs.

Carine prend aussi son courage à deux pattes et vient présenter à Kafka un masque de félin, aux longues oreilles, une copie de son visage pour que, le temps d'une nuit, elle puisse être un peu son daemon aussi. "S'il te plait." Dans tous les sens du terme.

Le festival de l’Ararah est une tradition surannée à laquelle tu ne déroges jamais. Chaque année, tu t’y rends, profite des festivités, fais de nouvelles rencontres et surveille les environs. C’est sur les hauteurs de la ville, là où le chergui décoiffe les foules, où les tenues les plus abracadabrantesques se mélangent, là où les conversations danseront entre anecdotes et litanies. Tenera, de son air chafouin, s’approche de toi alors que tu enfiles ta robe, qui pour une fois, n’est pas rouge. Le seul soir ou tu te permets de ne pas ressembler à la pandémonique typique. Robe de couleur violette, atteignant tes chevilles et assez près du corps, un parfum de jasmin qui prône autour de toi. Un masque en papier de la même couleur, des fleurs discrètes entourent tes yeux et cachent ton visage si reconnaissable.

C’est accompagnée de @Romy De Sicca, tout aussi hardiesse que toi, que tu te rends à la fête. La musique tape déjà dans les oreilles des habitant-e-s, promettant une ambiance certaine pour cette longue soirée d’été. Tu crois reconnaître certains instruments, hésitant cependant avec le ukulélé, te demandant si cet objet existe-t-il vraiment dans ce monde. Tes yeux naviguent dans la foule, espérant y trouver des visages familiers et peut-être plus particulièrement celui de ton fils. Nature de mère qui revient au galop, un besoin de le savoir en sécurité. Tu n’imagines pas qu’il manque ce moment alors que tous les ans depuis sa naissance, tu l’emmènes. Ou vous l’emmeniez. Cosimo et toi. Mais après tout, tu n’as pas inoculé tes idées à ton fils, préférant le laisser faire ses propres choix et c’est avec fierté que tu le regardes au loin, évoluer par ses propres moyens. Les griffes un peu trop pointues de Tenera te ramènent à la surface, effaçant de ton esprit les bons souvenirs du passé. Percluse, ta daemon n’est pas vraiment enchantée à l’idée de rester au bal de ce soir mais ton simple regard suffit à la convaincre d’au moins essayer de s’amuser. “Et si nous allions nous désaltérer ? Je crois avoir reconnu nos ami-e-s près du buffet.” Tu t'adresses à la pandémonique à tes côtés, prête à s’amuser tout comme toi. “Dois-je surveiller tes arrières ce soir ?” Tu lui demandes, sincèrement, sachant combien sa souffrance intérieure peut influencer ses faits et gestes lorsque l’alcool coule à flot.

« Ah, ça rectrice c’est une boooonne idée. » assura Romy, pressée à côté de @Selvaggia Da Mare comme une cavalière avec qui elle aurait cherché à oublier à la fois son amour de jeunesse et son mariage en lambeaux.

Romy, calcinée par les derniers événements qui avaient secoué son couple avait, après une hibernation dépressive, décidé de se secouer les miches, et celles de ses garnements de gamins par ailleurs. Profitant du fait qu’ils étaient en vacances, elle les avait tirés de leurs chambres avant qu’ils ne prennent comme d’habitude la fuite vers la ville basse. Les deux jeunes hommes précédaient les deux pandémoniques, fiers gaillards dynamiques, masqués comme le reste de la population du bal, et quelques nautiles noirs en poche qu’ils avaient durement gagnés eux-mêmes, je vous prie. Les cernes et rides creusées dissimulées sous un masque chamarré qui rehaussaient son inénarrable costume bien coupé mais modeste, Romy se présenta au buffet avec Selvaggia tandis que ses petits diables disparaissaient déjà dans la foule.

Surprise dans son observation par @Fiore Airota, la prof de maths sursauta.

« Ne parlez pas de malheur, et bourrez-vous donc la gueule. Si la fin du monde est pour ce soir, autant avoir bien profité avant ! »

Festivités éphémères qui tombent dans l'illusion magique d'un apaisement des mœurs souffrantes, pour illuminer la noirceur oppressante de la cité des pies. Pour des personnes qui embrassent un certain chaos même dans un cadre aux apparences sévères, les habitant·es soulagent leurs maux dans un rituel aussi superficiel à la symbolique néanmoins profonde, même si le sentiment de paix n'est que passager et léger. Peut-être que ce qui ne dure pas en est tout aussi important, Cosimo en est persuadéæ. Peut-être est-ce un fantasme futile de rédemption, mais ce festival est un pilier même de cette ville pourtant en ruines peinant la reconstruction. Outre la personnalité absurde de læ philosophe qui se repaît dans les festivités, allègres comme intenses, æl a un intérêt particulier pour l'événement annuel qu'æl ne s'explique pas. Ou plutôt, il læ est plus facile de ne pas s'expliquer. Solidité immuable de sa vie après l'effondrement alors læ-même n'a eu de cesse d'évoluer, c'est sa possibilité de retour dans le temps, d'être celæ qu'æl était au commencement. Au commencement de quoi ? Au commencent de ce festival, lorsque les feux d'artifice ont explosé la première fois essayant d'amoindrir les souffrances de l'esprit et du cœur, essayant de rassembler les maintenant prisonnier·ères de Cittàgazze.
Un rassemblement périlleux et tortueux mais qui semble perdurer après toutes ces années, toutes ces décennies même à présent. Les événements chaotiques qui se sont passés ces dernières semaines — comme si la cité des pies est même capable de connaitre un semblant de repos — entre les murs trompeusement huis clos de la ville n'apparaissent pas avoir d'emprise sur le festival, et encore moins le bal des Ardent·es, alors que la grande majorité des cittadini se préparent à faire les paons derrière leurs masques.

Un anonymat qui est aussi qu'illusoire que l'apaisement des tensions, c'est néanmoins d'une mélodie enjouée qui siffle entre ses lèvres que Cosimo se prépare à aller à la fête. Bal fait pour mélanger les factions et que chacun·e se serre une poigne de main sans essayer de détruire le poignet de l'autre, bal organisé dans un espoir de modestie. Mais si un·e solmène s'élève au dessus de beaucoup de choses, il faut croire qu'iels se sont aussi élevé·es au dessus de la modestie qui ne fait pas partie de leur vocabulaire. Pas nécessairement arrogantæ, læ philosophe est pourtant un pur produit de sa faction alors qu'æl revêt un masque steampunk noir aux parures dorées. Sculpture somptueuse dans la machinerie seulement sublimée par une tenue qui aurait pu être étiquetée de plutôt sobre, si cela n'avait pas été pour le masque ou pour læ solmène qui la porte, ou bien encore la solmène à son bras.
La chevelure de feu d'@Astrid Lindbergh est d'une tenue aussi solmène que la sienne, c'est bien accompagnéæ que les deux font leur entrée tardive au bal des Ardent·es. Pas d'arrière pensée, seulement l'envie de passer un bon temps. Cosimo qui a passé de plus en plus de temps en compagnie de l'alchimiste de feu ces derniers temps, sentant aisément son désarroi s'est élancéæ tel un gentleman pour lui changer les idées. « Tu es aussi radieuse que le soleil qui s'est couché, seulement pour te laisser mener la danse, je suis sûræ. » Smooth talker qui cherche seulement à la faire sourire le temps de quelques heures.

Sourire qui vient se frayer un chemin jusqu'à ses propres lèvres lorsqu'æl voit Melancolia monter sur scène et commencer à chanter. Alors qu'æl attrape la main de sa partenaire de cette nuit pour danser et enivrer voluptueusement la piste de leur charisme envoûtant, son regard attrape celui de @Selvaggia da Mare, et æl la salue d'un clin d'œil complice.