Bientôt, ta vie va changer. Plus rien ne sera jamais comme avant. Lorsque tu auras franchi le dernier pas et que tu te seras libéræ de tes derniers doutes, ta vie basculera. Tu quitteras la lumière pour rejoindre les ténèbres. Tu seras misæ au ban de la société. Parce que ce que tu veux faire c'est inhumain, c'est inacceptable. Plus personne ne voudra de toi, mais au moins, tu auras essayé. Tu ramèneras ta mère où tu mourras en le faisant.

Tu ne vois pas d'autres solutions. Les autres possibilités, tu les as déjà explorées. Il n'y a plus d'échappatoire. Il faut que tu te résolves à faire l'inimaginable. Tu ne seras pas seulæ dans ta chute. Tu emporteras avec toi un‧e innocent‧e et l'horreur de ce que tu veux faire te fait tourner la tête. Tu as déjà trop attendu. Avant ça, tu te laisses une dernière journée. Une dernière escapade, loin de la ville avant que tout ne s'écroule. Alors t'es partiæ, sac sur l'épaule et tu te laisses cette expédition. Après, tu feras face à ce que tu dois faire.

T'arriveras pas vraiment à apprécier l'endroit. Tu sais que c'est beau, que beaucoup rêverais être à ta place. Toi, tu vois que la mort en boucle. Tu vois tes mains ensanglantées de la vie que tu vas prendre en échange d'une autre. Tu vois l'échec le plus cuisant. Tu vois tout ce qui pourrait mal se passer. Les écrits sont formels, une transmutation humaine n'est pas sans risque. T'es même pas sûræ que ça fonctionnera. Peut-être que tu fais fausse route et que tout aura été vain. Peut-être que c'est sans espoir. Et puis il y a les mots d'Eluard qui tourne en boucle. Seul·es les vivant·es peuvent être sauvé·es. Très bien, mais que faire quand tu voudrais tellement crever pour rejoindre celleux que tu aimes ? Il n'y a que deux solutions, crever ou tenter par tous les moyens de les ramener. Tu sais pas quoi faire. T'es paumæ et putain ça te fait mal de te sentir si perduæ.

T'arrives devant une cascade et tu vois un gros poulpe. En fait, tu fais même pas attention à ça. T'es trop dans tes pensées. Il y a les doutes qui ne cessent de t'assaillir et t'es épuisæ. Tu voudrais que tout prenne fin. Tu voudrais être fixæ. Tu t'attardes pas devant l'embarcation brisée. Il y a plus important.

Un train. Un train ? C'est pas supposé arriver ça. Tu sais qu'il y a les voies de chemin de fer par là et la surprise te fait sortir de tes pensées. Maintenant, tu te demandes ce qu'il se passe. Est-ce qu'un autre monde va s'effondrer comme Nimrod ? Finalement, tes problèmes personnels te semblent bien futiles comparés à tout ce qu'il se passe. Ta mère a survécu à l'Effondrement, tout ça pour mourir ensuite à Cittàgazze. T'es læ seulæ survivantæ connuæ de ta famille et tu ne cherches qu'à faire l'impossible. T'es sur un putain de monde en sursis. Et toi, tu te tortures avec tes peurs et tes doutes et le fait que tu te sens putain de seulæ. Tu te trouves pathétique.

Mais il y a le bruit de train qui passe et ça pique ta curiosité. Ça te pousse à chercher la ligne de chemin de fer pour comprendre. Tu trouves rien. Parce que comme pour tout, t'es jamais assez bien. Jamais à la hauteur. T'es peut-être l'unæ des alchimistes les plus puissantæ de ta génération, mais ce sera jamais suffisant.

Tu dévies un peu du chemin que tu voulais emprunter pour trouver ce putain de train. Tu trouves rien en plus. Tu erres juste dans le coin. Paumæ, voilà ce que tu es. Depuis que Baba est parti‧e, tu n'as plus personne pour te guider. Iel te conseillais et t'a donné une raison de vivre. Tu n'étais plus seulæ avec ellui. La peur et la faim n'étaient plus si écrasante. Ta vie avait repris. Tant pis si ton adelphe avait disparu. T'avais Baba. Et iel est parti‧e ellui aussi. Tu sais plus quoi faire. En fait, depuis qu'iel est parti‧e, tu erres, tu te raccroches à des objectifs inatteignables. Tu ne sais plus abandonner cette vie que tu as eu. Il va bien le falloir. Tu ne retrouveras plus Baba. Peut-être qu'iel est mort‧e ellui aussi. Tu sais pas.

Tu trouves une plante gigantesque sur une grille. Tu t'en approches prudemment et par chance, tu parviens à récupérer un peu de sève. C'était peut-être pas ta meilleure idée, mais t'as plus rien à perdre. Plus rien à gagner.

Plus rien à perdre. Plus rien à gagner. C'est vraiment là qu'en est ta vie ? Tu dois vraiment tout laisser tomber pour cette transmutation ? Tu te répètes que tu as travaillé toute ta vie pour ça. Faut que tu ramènes ta mère. Faut que tu retrouves Baba. Faut que tu retrouves taon adelphe. Tu ne peux plus reculer. Tu te détournes de la plante. Tu fais même un grand détour parce que tu n'as pas confiance. Tu sais que c'est dangereux. Peut-être que ce serait mieux que tout se termine aujourd'hui.

Zola fait non de la tête, æl s'avance et tu læ suis. T'as pas le choix. Et vous trouvez une bâtisse aux murs criblés d'impacts. Un atelier clandestin. Il y a des bric et des broc, éparpillés par une explosion. Il y a cette bombe que tu récupères malgré toi. Tu sais pas ce que tu en feras.

Tu retournes sur tes pas. Était-ce raisonnable de s'aventurer ici pour ta dernière journée ? La mort te suit comme ton ombre. Tu te sens vidæ de toute substance. Tu fais n'importe quoi. Faut continuer à y croire. Les doutes ne ramèneront personne. Il n'y a que la transmutation humaine qui fonctionnera peut-être. Tu retrouves la cascade et le bassin profond. Il y a toujours le poulpe. Tu l'ignores. Tu prends une autre direction. Faut pas que tu rentres chez toi sinon tu abandonneras tout.

Tu empruntes un chemin sinueux. T'es perduæ dans tes pensées, dans les possibles et les impossibles. Tu sais pas vraiment où tu en es. Tu sais plus vraiment qui tu es. T'es qu'une âme ballotée par la vie. Il y a plus d'étincelle dans tes yeux. Ton corps continue à fonctionner mais tu te donnes l'impression d'être vide à l'intérieur.

Quelqu'un‧e se met en travers de ton chemin et t'attaque avec une fourche. Tu tentes de lui tenir tête, mais t'es pas suffisamment fortæ. Iel te repousse et tu es forcæ de prendre la fuite. Tu es blessæ et peut-être que tu ferais mieux de rentrer. Tu ne veux pas repartir, alors tu continues.

La blessure est légère, ça t'empêche pas de continuer à avancer, à fuir ces possibilités. Peut-être qu'au fond c'est ça, tu fuis ce que tu sais que tu vas faire demain. Tu fuis parce que t'es plus sûræ de toi. T'aimerais avoir un‧e guide, quelqu'un‧e qui te dirai quoi faire. Il y avait Baba avant qu'iel disparaisse dans la nature. T'es livræ à toi-même. Celleux qui pourraient t'aider ont leurs propres problèmes et tu veux pas les déranger. Si seulement t'avais su mieux te lier aux autres, t'aurais pu parler à Antonina et peut-être même à Eluard avant que tout ne soit trop tard. Maintenant, t'as plus d'autres solutions. Faudra que tu ailles au bout.

Dans l'eau, il y a une statue doré. Tu te rapproches d'elle et tu sors un couteau pour gratter sa surface. Peut-être que tu pourras récupérer de la poudre d'or. C'est toujours utile d'en avoir pour certaines transmutations.

Tu arrives à récupérer un peu de poudre dans le creux de ta main. Faut que tu trouves une petite fiole dans ton sac pour la garder de côté. Zola t'aide à fouiller et æl saisit délicatement la fiole entre ses dents. Tu verses la poudre dedans avant de la reboucher et de la remettre dans ton sac. Tu te détournes de la statue et te remets en route.

Un daemon vous survole et vous demande si c'est Cittàgazze. T'es prêtæ à lui dire que oui, mais déjà il disparait entre les nuages. Y a-t'il des sorcier‧ères perdu‧es dans le coin ? D'habitude, iels savent bien s'orienter. Tu te poses pas plus de questions, c'est un mystère que tu élucideras plus tard.