Tw: perte de membres, mort

Son souffle laisse des volutes blanches dans l’air glacé, chaque inspiration douloureuse et difficile. Salomè n’est pas équipé pour ces températures, fille du soleil qui n’a jamais connue que les étés sans fin. Les couches de vêtements qu’elle porte sous son habit pandémonique ne suffissent pas à empêcher le blizzard de mordre, le vent glacial qui s’infiltre sous sa peau. Elle se sent plus ses pieds, malgré les chutes de tissues qu’elle a fourrées au fonds de ses chaussures. Son visage est exposé, le bout de son nez rougi par le froid.

Elle court, malgré les pavés verglacés de la Montée des alcôves. Elle manque de s’écrouler à plusieurs reprises, glisse, se rattrape de justesse. Mal assurée sur ses jambes, tremblante comme un faon qui fait ses premiers pas. Un spectacle ridicule.
Elle entend la commotion avant de la voir, la foule qui se masse sur le parvis de la bibliothèque. Une pierre au fonds de son estomac. Les portes ont a été forcées. Le vacarme immanquable de la destruction qui s’annonce.

La rumeur s’est répandue dans les couloirs de l’hôpital, un murmure puis un grondement. Eux-mêmes ont du mal à ne pas céder à la panique. Elle a vu plus d’amputations en quelques jours qu’elle n’aurait jamais pensé en voir, des doigts et des orteils, des oreilles qu’on ne peut pas sauver, nécrosés par les engelures. Des chutes graves et des hypothermies, plus assez de couvertures. Rationner. Ne pas pouvoir sauver tout le monde. Choisir.

Alors elle a couru, parce qu’elle ne savait pas quoi faire d’autre. Qu’espérait-elle faire en venant ici ? Elle ne sait pas se battre, tient à peine sur ses jambes et sa mâchoire commence à être douloureuse à cause du mouvement involontaire de ses dents qui claquent. Pourtant elle est là, hébétée et frigorifiée.

Il y a quelque chose de sacré, qui transcende même l’Autorité, dans les livres. Le savoir qu’ils contiennent, la connaissance empirique dont ils sont les gardiens. Ils ne peuvent pas perdre les livres.

Ils ont déjà perdu beaucoup trop.

Spoiler:

Le chaos la veille, le chaos ici. Le froid glace la raison de ce triste peuple. Oui, il fait froid mais zut, bruler le Savoir qui peut ouvrir tant de possibilités, non. J'étais - encore - entrain de me cacher dans la Bibliothèque. Que les canalisations s'étaient la mouise partout. Et que je n'avais pas de solutions durables contre le froid. A devoir expliquer trop de fois à mon gout, que si je faisais une intervention, je casse tout système congelé. Donc, quand je n'avais pas de solutions, j'allais la chercher dans les livres. Les réduit.es d'esprit y voyaient un combustible. Hérésie. Les premiers cris m'avaient fait sauter une ligne, le boucan me faisait souffler. Et la vague avait éclaté dans l'enceinte. Prendre les armes, ou l'alchimie. Avais-je fait sortir quelques murets riquiquis pour empêcher que les embrasé.es (j'aurais dit congelé.es) n'emportent des livres ? C'est fort possible. Tracer au sol, échange équivalent et des corps qui valdinguent. Oups. En plus de mes poings chantant la défense. Une quinzaine de minutes mais le mal avait bien été fait. Des Connaissances déchirées, envolés. Et voila les Jaune qui se ramènent, toujours en retard. Une accalmie qui se profilait mais qui nous dit que nous allions pas retomber dans l'affrontement ou pire les citrons qui s'emparent des livres. aux aguets, je suis aussi prêt à combattre.

Spoiler:

« Attention ! »

Romy atteignit la bibliothèque juste au moment où un des embrasés lançait un bouquin en feu à travers le chambranle des très grandes portes comme s’il s’agissait de marquer un but dans un sinistre jeu de balle. Elle saisit, forte de son instinct maternel, le bras de sa comparse Pandémonique juste avant que le bouquin n’atterrisse quelque part sur elle. Un instant plus tard et elle aurait eu une épaulette de feu gratuite. Le pauvre livre termina sa course contre le mur derrière, contre lequel il glissa avant de s’éteindre quelques dizaines de secondes plus tard, insauvable, complètement calciné. La mathématicienne se hissa sur la pointe des pieds par dessus les épaules des Solmènes pour ne découvrir que le désastre de la Bibliothèque. Les derniers savoirs de la ville étaient en train d’être ravagés par des gens complètement conscients qui…
Elle ne pouvait pas comprendre.

Mais elleux, pouvaient-iels comprendre ce qu’ils étaient en train de réduire en fumée ?

Citation :

Romy tire @Salomè Alighieri vers elle pour éviter qu'elle se prenne un livre enflammé dans la figure.

tw dépression, coups et blessures, pensées suicidaires
La situation ne fait que se dégrader, et Juste se demande si tout n'est qu'un long cauchemar, un rêve fiévreux dont il sortira bientôt, pour retrouver sa vie d'avant, sa maison, son amour. Mais malgré son imagination débordante, il n'a jamais été assez optimiste pour se faire longtemps des illusions, et la dépression qui pointe lui susurre avec un plaisir malsain que si, tout est réel et c'est tout ce qu'il mérite.

L'Effondrement, la Traversée, cette ville de légendes habitée par des rustres et des voleur‧euses sous toutes les formes et couleurs. Tout ça est son nouveau foyer, sa réalité dévastatrice. Et ce blizzard, maintenant, un froid comme il n'en avait jamais ressenti jusque là, à en oublier la chaleur du soleil et l'avènement des beaux jours. Un froid à saper tout espoir, s'il lui en restait.
Il ne fait que grelotter, depuis des jours, un mélange de tension nerveuse, d'anxiété et de température corporelle trop basse. La Bibliothèque est son seul refuge, et bien souvent il y dort, comme d'autres, au plus près de son travail pour ne pas avoir de route à faire en extérieur.

Et voilà que sa dernière maison est attaquée. L'Art est sacré pour tous‧tes les nimrodien‧nes, mais attaquer des livres devant Juste, c'est outrepasser encore autre chose, une limite entre l'humain et l'animal qui fait disparaitre toute compassion.

Il grelotte, mais il a entre les mains une longue croix en bois, lourde, aux extrémités en fer. Sa Mort, pour une fois bien proche, tient contre son torse sombre quelques ouvrages que sa présence macabre protège des embrasé‧es. Il n'attends pas franchement que la milice débarque, tout à sa rage, tout à son dégout de ce monde, de son manque de chaleur, de manière, il déverse tout ce qui le détruit depuis ces trois derniers mois, sur la chair des autres. Alors il frappe. Visages, mains, corps, tout ce qui passe à sa portée.

Sa croix devient poisseuse, du sang coule de son nez. Il ne sait pas trop bien quand quelqu'un‧e à riposté, mais sa Mort est là, toujours là, comme s'il était temps. Si seulement.

Spoiler: