Tête basse, encapuchonnée dans des restes d’étoffes que les Covenant t’ont gracieusement offert pour survivre au blizzard, comme un énième fils surgi d’entre des ombres qu’il ne vaut mieux pas brasser. Lorsque la tempête s’est abattue sur Cittàgazze, tu n’as eu d’autre choix que de fuir la Nef des fous, prise d’assaut par les parias et le commandement zutique. Dans les bras glacés de la rue, tu as erré des heures qui t’ont semblé des années, piétinant sur les pavés gelés et griffant tes paumes sur les murs pour te retenir de glisser. La ville était comme tout à coup devenue une cité de fantômes et de glace, austère et froide, poussant la vie hors de ses retranchements. Tu ignores combien de jours – ou d’heures – tu aurais été capable de survivre ainsi dans les rues de la Ville Basse, là où pourtant tes journées s’écoulaient sans encombre jusqu’alors. Sans la bonté des Covenant, il ne fait aucun doute que ton cadavre aurait jonché les ruelles de la cité des cimes, parmi tant d’autres tas de chair impossibles à identifier du fait des corbeaux.

Les rues avaient perdu de leurs couleurs et de leur splendeur, et une ignoble odeur de charogne baignait les ruelles, ces cadavres que les cittadini n’avaient pas encore eu le temps de faire brûler, ou préféraient entasser dans des caves dans l’attention du dégel pour leur offrir une sépulture descente. Quelques opportunistes avaient trouvé jusque dans le blizzard des moyens de faire du profit et louaient leurs caves pour les défunt·es. La production d’encens avait doublé, et le milieu du textile, quant à lui, ne parvenait pas à suivre le rythme des demandes en manteaux, en écharpes de fourrure, en cape, tant les ressources venaient à manquer. Les plants de coton des Jardins Suspendus étaient morts sous l’effet du gel, et la chasse devenait de plus en plu rase et difficile. En d’autres mots : la ville se mourait.

C’est ce terrible constat qui te poussa un matin à quitter la péniche des Covenant pour regagner les hauteurs de la cité, où le prêche solmène haranguait des foules livides en leur promettant que le Feu éternel serait bientôt transmuté. Tes connaissances en alchimie avaient beau se limiter à ta petite enfance, lorsque tu jetais le nez dans les ouvrages de tes sœurs, tu étais suffisamment clair d’esprit pour savoir qu’une telle entreprise, au même titre que la Pierre philosophale, était un mythe, comme tant d’autres. Pourtant, les badaud·es se pressaient tout le jour pour écouter les Pierres demander un tribut de sang de la part de tout·e cittadini qui en serait encore capable ; car seul le sang permet de réaliser les alchimies les plus noires. Toi, tu ne faisais pas exception à la règle, quoi que ton espoir demeurât très ténu quant à cette entreprise. Mais comme tous·tes les autres miséreux·ses autour de toi, il fallait tout tenter.

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Accroupi dans le coin de la rue, Clyde frotta ses mains archaïquement recouvertes de gants l’une contre l’autre pour se réchauffer sans grand succès. D’ordinaire il était difficile voir impossible de savoir où se trouvait l’ouverture de la Tour ; en vérité même, Clyde était persuadé qu’elle ne s’ouvrait pas du tout et que les alchimistes creusaient systématiquement un espèce de portail dans le mur par des procédés dont elleux seul.es avaient le secret. C’était peut-être effectivement le cas ; aujourd’hui, son regard sombre se dirigeait vers la porte que passaient de nombreux fidèles en direction d’un il-ne-savait-quoi Solmène, qu’il fallait de toute façon éradiquer. Il avait colporté son petit plan – qui n’en était pas vraiment un – au sein des Zutiques. Certain.es d’entre eux ne tarderaient pas à le rejoindre, pour, de toute évidence, faire péter quelque chose.
Ce n’était qu’une question de temps.

Son regard glissa vers Kafka, qu’il n’avait plus trop revu depuis longtemps.
Pouvait-on vraiment être désespéré à ce point ?

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Tapi contre son humain, Nero fixa de ses grands yeux perçants de prédateur ce petit duo improbable qui s’était glissé jusqu’à eux. La nature du daemon de Scorta interdisait à ce dernier d’être discret, aussi l’avait-il entendu se rapprocher avec le très mauvais pressentiment qu’ils allaient être dans la panade avant même d’avoir pu tenter quoi que ce soit. Il se cala contre les cuisses de Clyde pour se protéger du froid sous le trench-coat du Zutique, les dents serrés sous la sensation glaçante d’un climat pour lequel son corps d’animal désertique n’était absolument pas fait, et commenta l’annonce de Scorta d’un battement de cils, comme s’il se réveillait d’une très longue nuit mouvementée. Clyde s’apprêtait à ignorer cordialement le Solmène – officiellement il observait, il n’avait rien fait – jusqu’à ce que les paroles de ce dernier atteignent son cerveau.
Attends, quoi ? L’envoyer pour quoi au juste ?
Clyde s’appuya sur ses genoux qui craquèrent sous le choc, et se redressa complètement, collé contre le mur qui le protégeait du vent.

« Je suis pas certain de comprendre ce que tu veux Scorta. »

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Tiraillé entre l’étonnement sincère et l’amertume de constater que ce jeune homme faisait décidément partie de la pire espèce des foutus traîtres, Clyde finit par se redresser en considérant du coin de l’œil que les entrées avaient cessé d’affluer dans la tour. Nero se redressa à son tour, serré entre ses chevilles, plus ou moins protégé du froid par les pans de son trench-coat qui claquaient dans le vent violent. Les membres de l’haruspice étaient en train de s’ankyloser ; s’il ne voulait pas mourir ici, il lui faudrait inévitablement bouger. Et c’était maintenant, même si c’était avec l’alchimiste.

« Il t’a précisé que ça allait détruire une partie de la tour et tuer ceux qui s’y trouvent ? T’es sûr de toi ? »

Il était hors de question qu’il porte la responsabilité de le forcer. Sans attendre la réponse du Solmène – ou de l’ex-Solmène – il traversa la place et pénétra dans la tour. Sa main fendit les ombres pour attraper l’époque de Kafka.

« Tu devrais faire demi-tour mon grand, ça va péter. » Son regard sombre se tourna vers Sandro. « Tu rentres et tu tires dans le tas, je t’apprends pas ton métier. »

Il indiqua d’un mouvement de tête bref les lieux du rituel.

« Vas-y. »

@Kafka S. Lindbergh @Sandro Scorta

Il était difficile de savoir avec quoi (avec qui) précisément Sandro Scorta avait des choses à régler aujourd’hui et Clyde ne souhaitait honnêtement pas connaître les détails ; si la cause Zutique pouvait servir à l’épanchement de la colère du jeune homme contre son propre camp, ce serait un plaisir. L’arrivée de Chiara Scorta ne lui laissa pas le temps de réfléchir à la position qu’il prenait face à la trahison de l’alchimiste envers qui son opinion s’était légèrement modifiée depuis cette expédition dans la forêt, sans virer forcément vers quelque chose de positif. Son œil sombre couva l’haruspice du regard, tandis qu’il retirait une main – de toute façon bien inutile – de la trajectoire de la jeune femme des fois qu’elle aurait eu envie de rejoindre son frère.

Il n’eut pas à attendre beaucoup avant de savoir si le Scorta déconnait ou non. Une déferlante d’énergie parcourut la Tour, enflammant tout sur son passage. Sous la violence du choc, des fenêtres capitonnées de couvertures éclatèrent, pleurant d’innombrables débris de verre. Des souffles de fumée s’échappèrent des moindres orifice et leurs doigts noirs grimpèrent dans l’atmosphère pour s’accrocher au ciel avant que le blizzard ne les brouille de sa main inhospitalière et impérieuse. Il l’avait fait. Il l’avait fait, et le quartier général des Solmènes tremblait désormais sur ses fondations.
Dangereusement.

complotRéussite de votre complot ou échec du complot de votre adversaire.

Ce n'est que de l'esbrouffe, assurément. Ce n'est pas avec le sacrifice de quelques gouttes de sang que les alchimistes de la Torre pourront aboutir un feu éternel qui n'a jamais dépassé le stade de l'idée. Pourtant... pourtant une part de Thalès, transie, fatiguée de voir trembler sa fille malgré les couvertures, se demande s'il n'y a pas une part de vérité dans tout ceci. Si les solmènes ne sont pas vraiment sur le point de réussir cette transmutation, sûrement par le sacrifice de plusieurs dizaines de malheureux‧ses, vidé‧es de leur sang dans les tréfonds de Cittàgazze. La goutte de sang individuelle ne serait alors qu'une communication pour faire taire les soupçons.

Alors elle est venue, avec Cérès, pour proposer ses services et sa main. Comme toute alchimiste qui se respecte, elle a tenu à l'entailler elle-même, afin d'éviter toute blessure proche des tendons, qui l'handicaperait longtemps. Son enfant chérie a fait de même, et s'est mélée à la foule pour retrouver des ami‧es, une liberté d'une heure qu'elle lui octroie avant de retourner se calfeutrer au frais. Thalès ne prend pas de risques.

Mais le risque vient à elles, de la pire manière, par la pire des trahisons. La déflagration souffle la Tshabalala au sol, elle pousse un cri d'effroi alors que son corps se fige dans un mauvais réflexe de survie. En rouvrant les yeux, c'est un nouvel hululement qui lui est arraché, celui de voir la Torre, le symbole de leur survie gazzi, la prunelle de la ville, fumante et abimée. Iels ont osé !

Le chagrin devient vite une colère rouge, la peur pour Cerès devant côtoyer la demande immédiate de vengeance. Son alchimie est trop spécialisée pour être utile, alors c'est de ses poings, de ses dents, qu'elle voudrait arracher le coeur de celleux qui ont attenté à leur vie.

Mais d'abord, elle est une mère, et c'est son enfant qu'elle cherche, bousculée par la foule paniquée qui cherche à fuir. "CERES !"

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Il aurait mieux fait de rester chez lui. Il n'y faisait pas très chaud, comme partout, mais dehors c'était pire. Le froid s'insinuait partout, même à travers son long manteau qui d'habitude lui avait toujours procuré un peu de chaleur. Uranie était plaquée contre lui, sa tête reposant au creux de son cou et il sentait qu'elle avait froid. Elle était gelée, presque endormie à cause de ce froid et ça l'inquiétait. Ses yeux le picotait, il avait passé la nuit à travailler sans s'en rendre compte et il avait mal au crâne. C'est la vision brouillée qu'il arriva aux alentours de la Torre Degli Angeli. Il devait rejoindre ses enfants, iels avaient décidé d'aller toustes les quatre donner de leur sang aux autres alchimistes. En plus de ça, iels pourraient voir s'iels pourraient se rendre utile de quelque façon que ce soit. L'idée ne le motivé pas des masses, de tous les livres qu'il avait lu, il n'avait jamais vraiment trouvé d'informations sur un feu éternel. L'alchimie de sang était puissante, oui, mais ça ne ferait pas tout. Malgré tout, il était là. Les mains enfoncées dans les poches, la capuche rabaisser sur sa tête pour se protéger du blizzard et du vent, il s'était avancé. Il avait fini par faire son don du sang, laissant le précieux ichor s'écoulait dans les vasques. Ses enfants avaient fait de même. L'un.e d'elleux était en train de discuter avec un.e milicien.ne de sa connaissance, et Nikandros lae regardait de loin avec les deux autres. Il était fatigué, un bâillement long et bruyant en attesta. Ses yeux lui faisait mal et il sentait une petit migraine ophtalmique pointer le bout de son nez. Il avait trop forcé sur ses lucarnes. Il avait trop forcé et Uranie ne pouvait pas l'aider là tout de suite. Sortant une main de sa chaude cachette, il vint se masser doucement les tempes.

Puis l'explosion. Un bruit assourdissant qui le fit sursauter sans qu'il ne puisse rien n'y faire. Son daemon se tendit contre lui, sortant la tête de sa cachette pour voir ce qu'il se passait. Ils prirent connaissance en même temps de la situation. La tour... La tour, elle. Il ne pouvait même pas se résoudre à dire ça à voix haute. Il poussa ses deux enfants vers l'arrière, les enjoignant de retrouver leur mère alors qu'il s'avançait vers la Torre. Il manquait l'un de ses gosses. Lae plus vieux.eille était avec des milicien.ne.s au moment de l'explosion. Uranie regardait, cherchait du regard un signe de cette enfant lorsque ses mirettes tombèrent sur la silhouette de Thalès. Nikandros l'entendit crier le nom de Cérès. Pourquoi fallait-il qu'il tombe sur elle ? Déjà, pourquoi fallait-il que pile au moment qu'il sort, une explosion ait lieu ? C'était bien sa veine, il était supposé être au calme, se reposait, mais non, la merde ne faisait que s'empiler. Un jour, il réussirait à se reposer. Il fallait qu'il garde espoir.

S'approchant finalement de Thalès, il se dit qu'il serait plus efficace de chercher leur enfant respectif à deux. « J'ai perdu un de mes enfants aussi, je t'aide à chercher Cérès si tu m'aide à chercher mon gosse. Après on rentre chacun de notre côté et on se reparle pas avant un moment. » Voilà, il avait proposé son truc et il sentait Uranie regardait de tout côté. Elle se faisait discrète, seule sa tête sortait de sous son manteau. Lui comme elle avait en tête le souvenir de Thalès leur lançant des cailloux. Lui comme elle se rappelait de toutes les fois ou sa présence leur avait porté préjudice. N'attendant pas de réponse de la chocolatière, il commença ses recherches.

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Résumé:

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