T'as bien compris que lae coryphée voulait vous faire sortir du village en vous confiant cette mission, mais ça te dérange pas pour autant. Tu te sentais suffoquer, pas prêt à faire face aux cittadini et à la réalité. Il s'est passé trop de choses dernièrement. Il y a eu le retour du porteur du poignard et tout semble s'accélérer. Il reste que t'es prêt à prendre une décision. T'as peur de ce futur incertain, t'as peur de vivre une nouvelle fois dans un monde où le poignard existe. Alors t'es parti de bon cœur accompagné des autres flamboyants. La sortie vous fera du bien, t'as besoin de te retrouver en leur présence.

Dernièrement, t'as essayé de diminuer ta consommation d'ayahuasca, mais t'as l'impression d'en crever. Tu sais plus quoi faire pour te calmer, tu te retiens de partir en forêt seul, tu fais tout pour être entouré, mais t'y arrives pas bien. Tu te sens si perdu, si fatigué, tu sais plus quoi faire. Alors dessiner dans les grottes c'est une aussi bonne activité qu'une autre. Il faut d'abord que vous puissiez vous y rendre. Le chemin est devenu pour le moins impraticable avec les années et son tracé est presque totalement effacé. En plus de ça, vous êtes plutôt chargé et il est donc impossible pour vous d'y aller en volant. Tu te tournes vers Tsoar, peut-être que la stratégie c'est d'avoir un guide dans les airs et que les autres suivent à terre. "Tu penses que tu peux survoler les alentours et nous indiquer le bon chemin ? Je pense qu'on arrivera à se débrouiller avec tout ce qu'il faut ramener dans les grottes." Le messager sagittaire n'est pas très efficace pour s'envoler sans prendre d'élan, tu sais que Tsoar y parviendra mieux que toi. Et tu ne te sens clairement pas de passer à travers les ronces sans au moins savoir un peu ce qui t'attends.

Zuko et toi progressez dans la forêt, les bras chargés de matériel de peinture et de carnets. Vous éloigner du village est le but non avéré de cette mission vers la Grotte du Souvenir qui vous a été confiée. En ces temps troublés, vos dissidences respectives ne feraient qu’envenimer les difficultés que rencontre déjà Coatlinchàn. Il vous faut prendre vos distances pour ne pas risquer de foutre le feu à la cité des cimes toute entière. Le retour du Porteur du Poignard, l’arrivée des sans-factions, l’émeute causée par Fureur, toutes les rumeurs vous sont parvenues via les faunes, et depuis cette funeste prophétie, rien n’est plus pareil au village. Tu es confronté à la douleur des convictions bafouées, alors que la menace de Quetzalcóatl, reformé dans le ciel de Cittàspide, vous contraint à envisager de reforger le Poignard subtil, quand bien même l’idée vous répugne. Toutes les certitudes que vous pensiez acquises vacillent au contact des récents évènements, comme une arme émoussée sur le fil d’une blessure. L’heure de prendre des décisions approche, et tu ne sais pas quelles seront les tiennes.

Tu surveilles Zuko du coin de l’œil. Depuis que tu l’as récupéré suite à l’une de ses crises causées par l’ayahuasca, tu veilles sur lui le plus possible, essayant de ne pas le laisser seul. Tu veux qu’il puisse se sortir de cette drogue pour retrouver ton adelphe lumineux et serein, celui qui vous a toujours tous portés – celui qui t’a sauvé la vie. Tu sais les efforts considérables que fournis le messager sagittaire pour ne pas sombrer, et tu tentes de l’encourager, de l’épauler, mais l’ayahuasca finit toujours par le rattraper. Tu as si peur qu’un jour, elle te l’enlève à jamais. Qu’un point de non-retour soit franchi, comme pour tes amnésies. Votre clan te semble parfois si brisé : Macao et son aile blessée, Zuko et l’ayahuasca, Bateleur et ses brûlures, et toi et les pertes de mémoire traumatiques. Pourtant, vous vous serrez les coudes, vous faites tout pour trouver encore de la joie dans cette vie insupportable. Auprès d’eux, tu pourrais vivre mille ans, même en enfer.

La forêt se fait plus dense et le chemin menant à la Grotte du Souvenir devient de plus en plus incertain. Zuko te propose de prendre de la hauteur pour essayer de trouver les traces d’un sentier, et tu acquiesces. Tu te transformes rapidement en caracara avant de t’envoler et de survoler la forêt. Au loin, tu aperçois le mont au pied duquel se trouve la grotte, mais la cime des arbres dissimule à demi le chemin à prendre. Tu en aperçois tout de même quelques bribes, et tu rejoins finalement Zuko, avant de reprendre forme humaine. « La grotte se trouve plus loin au nord. » tu pointes du doigt la direction. « Il faut couper à travers ce roncier, le chemin est de l’autre côté. » tu indiques en reprenant sur ton épaule le matériel de peinture. Tu croises le regard de Zuko, un peu absent. Tu as conscience que le sevrage doit être épuisant et douloureux. « Est-ce que ça va ? Tu tiens le coup ? » tu te risques finalement à demander.

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Tu regardes Tsoar prendre son envol et comme chaque fois, tu le trouves magnifique. Tu as toujours apprécié regarder tes frères dans le ciel, là où vous êtes tous plus libres. Tu as souvent tendance à les suivre, protéger leur arrière parce que tu ne voudrais pas qu'il leur arrive quelque chose. Et Tsoar t'es si cher, tu voudrais avoir pu le sauver plus tôt ce jour-là. Qu'il n'est pas fini à l'eau, noyé, mais tu n'es pas arrivé suffisamment tôt. Tu ne t'es pas inquiété de son retard au début, tu lui faisais confiance, mais t'aurais dû chercher plus tôt. Et lorsque tu le regardes voler, tu te dis que vous serez capable de survivre une journée de plus. Tu te battras pour lui, pour eux. T'as pas le droit de mourir et de les laisser derrière.

Tu luttes contre le sevrage, ta consommation d'ayahuasca était devenue bien plus importante que ce que tu n'avais jamais pu imaginer. Parfois t'as encore l'impression d'être sous emprise, d'être dans cet état méditatif que provoque le psychotrope. Faut que t'apprennes à vivre sans. Faut que tu te fasses à ce qui te hante, aux images que tu ne cesses de voir et c'est dur, mais tu dois le faire. Tu ne peux plus sombrer comme avant. Tu ne peux pas les abandonner et pour ça faut que tu cesses de t'abandonner toi-même. Le caracara revient vers toi. Il t'explique le chemin qu'il a distingué à travers les arbres et les ronces. D'abord il faut passer au travers du roncier qui vous fait face. Tu te félicites d'avoir penser à mettre un pantalon, tes jambes ne finiront pas totalement en sang, mais tes bras sont nus. Il y a les quelques cicatrices et des marques rouges là où tu plantes tes ongles, tes serres quand tout va mal. La douleur te fait reprendre pied à la réalité et tu le fais sans même t'en rendre compte maintenant.

Tu suis Tsoar. Il a repris sur son épaule une partie du matériel et tu fais au mieux pour ne pas t'écorcher aux ronces. Le buisson est dense, mais il faut que vous rejoigniez la grotte. Lae coryphée vous a donné une mission et même si c'est un prétexte pour vous éloignez du village, tu ne te vois pas bafouer vos mémoires. Tsoar se tourne vers toi, il a dû remarquer tes yeux absents, le temps que tu mets parfois à réagir. Et tu déglutis avant de lui répondre. "Je fais au mieux. J'ai... J'ai eu quelques crise d'angoisse, mais je lutte, pour vous." Tes yeux fuient les siens alors que tu te dévoiles. Tu n'avais jamais dis à personne que tu avais ces crises. Tu ne veux pas être un fardeau supplémentaire pour les Flamboyants alors tu prends tout sur toi, jusqu'à ce que ce soit trop lourd à porter. Ta culpabilité devient panique à l'idée de les perdre où qu'il leur arrive quelque chose. Tu veux tout contrôler, tout protéger, mais tu n'arrives plus à tenir. Et la nuit, tu restes éveillé, les noms de celleux qui sont mort‧es en faisant le rituel de l'inkumbolo sur les lèvres et les souvenirs traumatiques par dizaines qui se rejouent. L'ayahuasca faisait tout disparaître, mais elle te faisait disparaître toi aussi, tu ne peux plus en prendre. Alors, il faut que tu survives aux angoisses pour que les Flamboyants restent soudés. Tu ne pourrais pas vivre avec toi-même si tu causais leur perte. "Je suis désolé que tu aies à t'inquiéter pour moi. Tu as déjà suffisamment de problèmes..." Et tu ne veux pas attirer l'attention sur ce qui ne va pas dans ta vie. Mais Tsoar t'as vu au prise avec l'ayahuasca. Tu lui as promis d'arrêter. Tu ne peux plus revenir en arrière.

Tu sens bien que Zuko n’est pas tout à fait présent. Son regard lointain et la douleur que tu peux lire dans ses yeux ne trompent pas, même s’il tente tant bien que mal de la cacher. Pendant de longues minutes, tu ne dis rien, mais l’inquiétude finit par te faire demander comment il se sent. Tu sais qu’il essaye de se sevrer de l’ayahuasca, et que le processus doit être long et âpre. Tu n’as jamais connu d’addictions, mais tu en as déjà vu les ravages lors de tes escapades dans la Ville Basse, chez les camé·es de l’ambrume. Tu ne peux qu’imaginer l’épreuve que traverse Zuko. Il te dit qu’il continue de lutter, pour vous, et un sourire encourageant, quoiqu’un peu triste, se dessine sur tes lèvres. « Tu es très courageux. » tu déclares d’une voix douce en déposant une main réconfortante sur son épaule. Tu as toujours admiré sa droiture et sa bravoure – Zuko est sans doute le plus juste et le plus brave d’entre vous tous. Autrefois, il était aussi le plus mesuré, le plus stable, tenant à bras le corps toutes vos insécurités et vos instabilités pour les compenser seul. Vous vous êtes sans doute beaucoup trop reposés sur lui pour surmonter la mort de Numénor. Zuko a endossé ce rôle de grand frère protecteur malgré lui.

Vous tentez de vous frayer un chemin à travers le roncier, vous écorchant les jambes et les flancs. Vous progressez pourtant et finissez par rejoindre le chemin que tu avais aperçu depuis les hauteurs. « Enfin, un chemin. » tu soupires en faisant une halte. Tu sors de ton sac à dos une gourde d’eau que tu proposes à ton adelphe, avant de boire à ton tour. Après quoi, tu reportes ton attention sur lui. Ses derniers mots te serrent le cœur. « Tu n’as pas à être désolé Zuko. Tu ne seras jamais un fardeau pour nous. » Si vous avez tous vos problèmes à gérer, prendre en compte ceux des autres fait partie de l’ADN de votre adelphité. Certes, être confronté à l’addiction du messager sagittaire est douloureux, mais tu préfères pouvoir l’aider que de vivre dans son absence parce qu’il aurait succombé à l’ayahuasca. « Je veux t’aider. J’en ai fait le choix, et je ne te laisserai jamais tomber. Jamais. » Et spontanément, tu viens le serrer dans tes bras, de toutes tes forces. Tu voudrais lui transmettre par cette étreinte tout l’amour et toute la tendresse que tu éprouves pour lui, et que toutes les overdoses du monde ne parviendront pas à diminuer.

Vous reprenez finalement votre route, mais tu ajoutes après quelques minutes : « Si tu as besoin que je dorme avec toi pour t’aider lors des crises d’angoisse, tu sais que tu peux me le demander. » Tu passes le plus de temps que tu peux avec lui pour le sortir de sa spirale mortifère, mais si Zuko a besoin de plus, alors tu lui donneras plus. Vous parvenez finalement jusqu’à la Grotte du Souvenir, après avoir longuement écumé la forêt et fureté sur des chemins souvent minuscules. « Nous y sommes ! » tu t’exclames en déposant les affaires à l’entrée de la caverne.

Tu partages avec Tsoar ce que tu n’as jamais vraiment osé dire aux Flamboyants. Vous avez tous vos problèmes et tu t’es toujours senti responsable d’eux. Gamins sans famille, sans personne, échoués là à Coatlinchàn et votre famille vous vous l’êtes créé. Vous avez décidé de devenir frères envers et contre tout et même si la vie ne vous a pas fait de cadeaux, vous êtes ensemble et c’est déjà énorme. Tu regretteras toujours la mort de Numénor. T’aurais voulu l’arracher des doigts froids de la faucheuse, le reprendre de force, mais tu ne peux pas. C’est impossible. Il est partout, tu le sais, t’entends encore son rire, sa voix, mais tu te détestes d’oublier petit à petit les traits de son visage. Il s’efface petit à petit de ta mémoire parce que c’est comme ça que ça marche. Les souvenirs disparaissent, chassés par de nouveaux, plus frais. T’aurais voulu le protéger du monde, il était trop lumineux, trop bon, peut-être le meilleur d’entre vous. Et tu te rends compte que tes pensées s’emballent, ne s’arrêtent jamais. Tout va trop vite. Il y a toujours quelque chose qui te tient éveillé, qui t’angoisse et qui te fait perdre le pied. Le combat est interne, pas forcément visible, mais toujours là. Il ne cesse jamais. Tu relèves légèrement la tête au son de la voix de Tsoar. Tu avais presque oublié qu’il était là, trop perdu dans tes pensées, dans le fait qu’il faut avancer, prendre garde aux ronces, mettre un pied devant l’autre, toujours. Parce que tu le sais, si tu t’arrêtes de lutter une seule seconde, alors tu auras perdu. Alors il sera bien trop facile de retrouver de l’ayahuasca et de plonger pour ne jamais revenir.

Tu ne dis rien. Tu ne sais pas comment lui répondre. Tu ne sais pas vraiment quoi lui dire. Tu ne peux pas le rassurer parce que tes paroles seraient vides et tu ne veux pas lui mentir. Tu ne veux pas l’inquiéter, mais tu le fais quand même. Vous vous arrêtez un instant après avoir traversé le buisson de ronce. Tu as quelques éraflures, mais rien de bien grave. Tu bois deux gorgées d’eau avant de rendre la gourde au caracara. T’es devenu taciturne avec le temps, retranché dans tes pensées, plus vraiment capable de sourire vraiment. Toujours Flamboyants dans l’âme, mais jamais aussi lumineux que tes adelphes. Abel est comme un feu de forêt dévorant tout sur son passage, la colère en étendard pour se protéger de tout. Le feu de Tsoar est plus calme parce qu’on l’a trop longtemps chahuté. Et toi, t’as l’impression d’être presque éteint. Quelques braises fragiles qu’il faut abriter, alors qu’en réalité il y a un véritable brasier qui engloutirait tout s’il devait arriver quelque chose à l’un de tes frères. « Je sais que je peux compter sur vous. » Et tu ne dis rien de plus parce que tu sens que l’émotion te prend à la gorge. Pour rien, mais tu es tellement plus sensible dernièrement. Tes émotions te semblent incontrôlables et tu ne sais plus quoi en faire. Entre les crises d’angoisses et les nuits sans sommeil, il y a trop de choses à gérer, ça te submerge. Alors que vous avez repris votre route, les mots de Tsoar te touchent en plein cœur. « J’y penserai. » Et ça sort un peu étranglé, tu te sens sur le fil, à fleur de peau et il faut que tu te reprennes. Vous continuez à suivre le chemin à peine tracé sur le sol jusqu’à arriver à la grotte.

Là, les ronces sont aplaties, peut-être que des animaux y ont élu domiciles et du genre gros à en juger par les dégâts. Tu t’avances prudemment, ça craque sous tes pas. Des carcasses de poissons. Il semblerait que vous ne soyez définitivement pas seuls dans cette grotte. Un grognement confirme tes soupçons et tu fais demi-tour sans tarder. « Il faut qu’on les éloigne de la grotte ! » Vous les avez réveillés et un autre ours leur répond. Tu voudrais les attirer au loin, mais tu n’es pas sûr de savoir comment. T’as pas le temps d’y penser plus que ça que tu balances un caillou trouvé au sol vers l’ourse. Elle semble piquée par ton action et grogne de plus belle. En une seconde, tu laisses la place au messager sagittaire et tu fuis à tire d’aile espérant que l’ourse suive.