Pronom : elle

C'est au coeur de la nuit que tu te glisses à Cittàgazze. Tu n'as pas l'habitude d'aller dans la ville des autres. Tu ne sais pas sur quoi tu vas tomber, seulement que tout te semble différent, inconnu. Tu n'aimes pas ça. T'as cette impression que des yeux t'observent constamment. Pourtant, t'es là pour une raison, une raison importante. Avec Ara, vous avez pour mission de récupérer un livre ancestral, Le Livre des fuites. Il serait gardé précieusement dans la Bibliothèque des Livres brûlés en plein dans la Ville Basse. Tu n'es pas suffisamment familière des rues de Cittàgazze pour t'y retrouver seule, mais heureusement Ara est là. Le conteur gazzi sera d'une grande aide. Tu ne sais toujours pas trop quoi penser de lui. Il sait des choses qui t'intéresse, vos conversations sont agréables, mais c'est un gazzi. Il vient de Cittàgazze, c'est l'un de ces autres que tu détestes tant. Pourtant, il n'est pas comme elleux. Il est entre les deux mondes et il apporte des nuances à ton monde en noir et blanc. Il n'y a pas le mal d'un côté et le bien de l'autre, tu n'arrives pas à t'en rendre compte, tout devient bien trop compliqué. Comment peux-tu expliquer ta haine des cittadini s'iels ne sont pas toustes mauvais.e.xs ? Tu ne sais quoi penser. Alors tu enfermes tout ça dans un coin de ta tête et tu te reconcentres sur votre mission.

Rentrer dans la Bibliothèque n'est pas bien compliqué, en revanche, t'y retrouver dans les étagères et les meubles est une autre affaire. Rien ne semble être rangé de façon logique. Il y a des livres terriens à côté d'ouvrages alterriens, des études alchimiques à côté de recueil de poésie. Où allez-vous trouver Le Livre des fuites ? Tu t'aventures dans un rayon, tes doigts effleurant la tranche de chaque livre.

Malgré les années passées à Coatlinchan, les suspicions ne se sont jamais éteintes quant au dévouement d'Ara pour ses nouvelleaux compatriotes. Il les comprend autant qu'elles le blessent, lui qui n'a jamais failli à prouver sa légitimité au village d'inkumbolis. Lui qui n'a plus d'espoir rêve cependant de nouveaux adelphes parmi celleux qui les ont recueilli, lui et son deuil. Aux yeux des adultes, il reste arrimé à cet entre-deux qui ne finit jamais, mais à ceux des plus jeunes, il n'est que le conteur aux mille histoires qui puisent leur inspiration dans la Cité des Cimes. Cela fait longtemps qu'il n'y est pas retourné, mais sa mémoire écorchée n'a jamais abandonnée les histoires, réelles ou non, qui s'ancrent dans les racines de Cittagazze. Il n'est pas tiraillé entre les deux villes opposées en tout temps et en tout lieu ; il est captif de ces deux extrêmes qui l'empêchent d'échapper à la méfiance des habitant‧e‧xs du village.

Les passeur‧euse‧xs et lui auraient pourtant tant de choses à échanger, tant de mythes à partager, mais les soupçons taisent toutes les histoires ancestrales. Peut-être est-ce pour cela qu'il s'est proposé comme accompagnateur pour cette mission dans la cité, lui qui n'y a pas mis les pieds ni les écailles depuis longtemps déjà ; pour prouver que ses intérêts sont les mêmes que les autres, que son allégeance est sans faille. Le chemin à travers la forêt est bien silencieux, la passeuse de mémoire se murant dans un mutisme déterminé comme tous‧te‧xs leurs autres avant elle. Il reste à ses yeux un des cittadini qu'elle haït tant, même s'il sent parfois vaciller sa haine lorsqu'elle se prend à échanger des bribes de récits mythiques en réponse au don de ses connaissances sur la Cité des Pies. Comme pour lui prouver qu'il est digne de sa confiance, il la mène jusqu'à la bibliothèque des livres brûlés, dans les méandres de la ville basse, pour subtiliser un livre appartenant aux descendant‧e‧xs de Cittaspide.

Le lieu est à peine éclairé, déserté de tous‧te‧xs en ces petites heures du jour, et iels n'ont aucun mal à se glisser à l'intérieur. Trouver la copie du Livre des Fuites ne sera pas aisé, l'organisation des ouvrages étant aussi anarchique que la faction à laquelle appartient cette bibliothèque. Iels l'auraient plus rapidement trouvé dans la Bibliothèque des Quatre Mondes, dont le rangement est à l'image de son ancienne faction : rigide et méthodique. Ori jette son dévolu sur un rayonnage et Ara se plonge dans le suivant, laissant lui aussi courir ses doigts sur la tranche des livres pour ne rater aucun titre. L'entreprise se promet d'être longue et laborieuse.

Vous êtes tous les deux silencieux. Il ne semble y avoir personne d'autre dans cette bibliothèque et heureusement puisque vous prévoyez de voler un livre précieux. Tu sais toujours pas quoi penser d'Ara. Il y a ces moments où tu te surprends à l'apprécier. Il sait des choses sur la cité des cimes que tu ne connais pas. Il est intéressant, mais t'as trop peur que si tu lui en révèles trop, il vous trahira à la première occasion. C'est un gazzi. Iels ne sont pas des gens biens. Tu ne peux pas croire qu'iels font preuve d'honneur. Tout est différent entre votre culture et la leur. Tu ne leur fais pas confiance. Iels te donnent l'impression d'exploiter toutes les faiblesses qu'iels trouvent sans jamais se soucier de blesser quelqu'un•ex ou de décimer des peuples entiers. T'as appris que pour elleux les inkumboli n'étaient pas accepté•e•xs. Tu ne comprends pas pourquoi, t'as cessé de te poser la question. Iels ne sont pas comme vous, c'est tout. Il faut que tu t'en méfies et que tu protéges les tiens. Vous avez déjà bien trop souffert. Tu naccepteras pas que ça recommence.

Tu continues de chercher dans les rayons. Ara est un peu plus loin et tu jettes des coups d'œil dans sa direction de temps en temps. T'aimerais ne pas te méfier de lui. Il y a des fois où tu oublies d'où il vient, mais en général, tu vois le gazzi en lui. T'oublies que c'est un conteur et qu'il n'a pour l'instant rien fait de mal aux analogues. Il y a ces deux visions de lui qui se battent. L'inkumboli que vous avez accueilli dans vos rang ou le gazzi. Tu ne sais pas comment tu dois le voir. Tu secoues la tête. Il faut que tu te concentres sur ta mission. "Tu trouves quelque chose ?"

L'attention du gazzi est décuplée par l'espoir d'enfin prouver son allégeance à la faction des inkumbolis. Il voudrait que dans les yeux des habitant‧e‧xs de Coatlichan ne se lise plus la méfiance et son ancienne appartenance aux cittadini. Il voudrait être des leurs, après toutes ces années. Il n'a certes pas été le plus à même de prouver sa rupture avec la Cité des Cimes, trop écrasé par ce deuil sans tombeau, par la culpabilité qui chaque jour le ronge. Alors oui, il espère trouver la copie du Livre des Fuites afin d'effacer dans les soupçons dans le regard d'Ori, d'autant plus qu'il l'admire ; pour ses fonctions au village, pour sa mémoire ancestrale.

Cependant, les recherches restent vaines, malgré toute la concentration portée à la tâche. Un soupir s'échappe de ses lèvres et une légère grimace les tord, déçu de devoir apporter une réponse négative à la passeuse.

"Non, toujours rien... Et toi ?"

Peut-être que sa partenaire du jour aura plus de chance que lui, qui sait.

réussiteAssure la réussite de votre action ou de votre sort, quel que soit le résultat des dés.

"Je ne trouve rien. Cette bibliothèque est rangée n'importe comment j'ai l'impression. Iels ne peuvent pas classer les ouvrages par ordres alphabétiques ou par genre ? C'est tout le temps comme ça dans les bibliothèques gazzi ou seulement dans celle-ci?" Pester t'aide un peu à oublier ta frustration. T'as déjà l'impression d'avoir chercher des heures. Ça ne fait pas si longtemps que tu es là pourtant. Ara fait chou blanc lui aussi. Tu voudrais pas t'éterniser ici. Tu pensais que retrouver une copie du Livre des fuites serait bien plus facile que ça. Manifestement t'as sous-estimé la difficulté de cette première étape pour mener à bien cette mission. Ara semble très appliqué. Tu te dis qu'il fait de son mieux pour aider. Il peut pas être aussi mauvais que les autres cittadini. Peut-être qu'iels ne sont pas tous aussi inhumain·e·xs que ce que tu crois. Non, les gazzi sont tes ennemi·e·xs. Iels ont fait tant de mal à ton peuple, tu ne peux pas le leur pardonner. Tu ne sais plus quoi penser et ça te perturbe. Vaut mieux que tu restes concentrée sur la recherche de ce fichu livre.

Ara envie le franc parler de le‧a passeur‧euse, cette voix qui ne souffre d'aucune entrave. Il y a dans sa détermination et son assurance ce qu'il a toujours admiré chez les analogues : cette force des certitudes qui les poussent dans la même direction, là où les cittàdini se sont toujours déchiré‧e‧xs pour des idioties. Il n'a jamais pu adopter cette habitude au village, toujours en retrait des débats et des discussions importantes, la clarté de sa voix ne s'élevant que dans les histoires qu'il raconte aux enfants. Le ollin bat en lui comme en tous‧te‧xs les autres analogues, mais il reste à leurs yeux le gazzi qui ne sera jamais vraiment des leurs. Il n'appartient plus à rien : ni à la Cité des Cimes, ni au village ; ni au monde des mort‧e‧xs ni à celui des vivant‧e‧xs. Peut-être n'existe-t-il plus vraiment.

Ses pensées échappées pincent ses lèvres d'une émotion qu'il peine à masquer, heureusement cachée par l'obscurité qui règne dans la bibliothèque.

"Non, c'est seulement celle-ci, à ce que je sache. La bibliothèque des Quatre Mondes est rigoureusement rangée. Il aurait été bien plus facile de le trouver là-bas."

Appuyé sur une étagère, il s'arrête pour prendre une pause, ses jambes blessées le rappelant douloureusement à la réalité. Ses yeux continuent pourtant de chercher la copie de ce livre si important, plissés pour distinguer dans la pénombre le nom des ouvrages étalé sur la tranche. Son regard s'allume d'un éclat enthousiaste et il en oublie la douleur pour s'approcher de l'étagère, fébrile. Les mains tirent le volume pour s'assurer de la véracité de sa trouvaille et le titre marquant la couverture ne fait plus aucun doute.

"Ori, il est là !"

#staff

Tu te précipites vers Ara lorsque tu l'entends dire qu'il a enfin trouvé le livre que vous cherchiez. Il vous en aura fallu du temps, mais vous y êtes parvenu. Tu te penches sur son épaule pour regarder et doucement tu t'empares de l'ouvrage. Délicatement, tu tournes les pages, t'essaies de comprendre quelque chose n'importe quoi. Il y a là des dessins et des croquis. Des textes et des poèmes. Tout un univers sur ces pages. Tu pourrais rester des heures à parcourir ces pages, tentant de déchiffrer les moindres détails, mais tu n'en as pas le temps. Refermant le livre qui renferme bien des secrets, tu te rappelles à ta mission première. Cette ouvrage n'est qu'une pâle copie, il vous faut trouver l'original.

"Bien. Il faut qu'on se rende au deuxième sous-sol maintenant. Il ne faut pas qu'on traîne, je ne sais pas quand est-ce qu'on va tomber sur quelqu'un·e·x."

Sans plus tarder, tu descends les premières marches. Tu ne t'arrêtes pas au premier sous-sol, ton objectif bien en tête. Tu continues de descendre jusqu'à arriver à une porte close. Tu essaies de l'ouvrir, mais rien, elle est verrouillée. "On essaie de la crocheter ? Je crois qu'on arrivera pas à l'ouvrir par la force." Même sous forme animale tu n'es pas bien lourde. Tu sors deux épingles à cheveux, celles que tu utilises toujours pour crocheter une serrure. Et voilà que tu insères ton entraineur dans le cylindre de la serrure. Tu prends ton temps, tu ne voudrais pas te rater. Il n'y a plus qu'à soulever les goupilles une à une.

réussiteAssure la réussite de votre action ou de votre sort, quel que soit le résultat des dés.

Asmar n'avait pas prévu de suivre Ara et Ori en ville, cela s'est fait... assez naturellement, en réalité. Se fondre dans la forêt, puis reprendre forme humaine et se glisser dans les ruelles à leur suite n'a pas été difficile, et il a déja bien l'intention de le leur faire remarquer : si iels sont si inattentif‧ve‧xs, iels se feront bientôt repérer par plus méchant‧e‧x que lui.

Ce n'est pas son sentiment d'insécurité qui lui fait faire le déplacement, pas l'impression que ses deux proches vont se perdre en ville et ne plus jamais rentrer, non, c'est un espionnage dont il est peu fier lorsqu'iels se sont vu‧e‧xs confier cette mission. Mettre les pieds dans une bibliothèque est à la fois une de ses peurs et une de ses plus profondes envies, lui qui ne sait pas lire et chaparde des ouvrages sur les cadavres sans savoir quoi en faire.

Il lui faut un long moment, dans l’entrebâillement de la bibliothèque des livres brulés, pour contenir ses émotions devant ce spectacle, pour contrôler la peine et le sentiment d'inadéquation qu'il ressent devant toutes ces connaissances inaccessibles. Il se drape dans sa culture orale comme d'une armure, décidé à rejoindre les autres analogues désormais, se sentant trop minuscule en ce lieu en tout point étranger, et les rattrape à l'odeur devant l'un des sous-sols.

"Ciao... Ce n'est que moi." Silhouette dégingandée dans l'ombre, il garde les mains en l'air le temps d'être reconnu, et accepte les remontrances le visage fermé. Son regard reste fixé sur cette porte, et il y voit la possibilité, enfin, de laisser court à ce qui bouillonne en lui. "Laisse moi faire." Sous sa forme de grizzly, il ne lui faut que quelques gros coups de boutoir pour que celle-ci lâche sous son poids et sa force, et il pousse un gros grondement de bien-être. Voilà, en bon analogue, casser des trucs gazzi, ca lui remet les idées en place.

Crocheter une porte ça demande beaucoup de minutie et du silence. T'es concentrée sur la serrure, t'aimerais réussir du premier coup. Tu te penches un peu plus quand t'entends un bruit. Tu te tournes vers Ara pour voir s'il entend quelque chose lui aussi. Tu te redresses, ranges tes deux épingles et t'enfonces un peu plus dans l'ombre. Peut-être que quelqu'un·e·x vous a entendu et pourrait vous foutre dehors. Tu sens ton myocarde qui s'accélère alors que tu commences à t'inquiéter sur la fin de votre mission. Si ça rate, on t'en rebattra les oreilles jusqu'à la fin de tes jours.

Tu jettes un regard vers l’escalier pour voir une silhouette descendre les marches. La voix qui te salue, tu la reconnais en une fraction de seconde. C’est Asmar et d’un coup tu ne te sens plus aussi paniquée à l’idée de t’être faite repérer. « Mais qu’est-ce que tu fais là ? J’ai failli avoir une attaque ! Pourquoi tu nous as suivi ? Tu croyais que t’allais encore devoir me protéger ? J’suis pas en sucre. » T’hausses pas trop la voix de peur qu’il y a quelqu’un·e·x d’autre avec vous. Le grizzly ne réagit pas. Tu sais qu’il est attiré par les livres sans jamais réussir à les déchiffrer. Tam t’a appris, comme tout ce que tu sais faire maintenant. Sans tarder, Asmar prend forme animale et défonce la porte. « Ça va plus vite comme ça… mais pour la discrétion on repassera. Les gazzi sauront qu'on est passé par là. Faudra pas s'attarder en ville après. » S’il t’avais pas interrompu, t’aurais déjà fini de la crocheter cette foutue serrure. Tu t’avances derrière lui, alors qu’Ara s’éclipse dans l’ombre. « Bon, allons-y alors. »

réussiteAnnule un échec aux dés.