C'est soulagé que tu retrouves le reste du groupe. Faut dire que te retrouver sous terre est loin de te rassurer. Toi, tu préfères les grands espaces. Les mines et les grottes ça ne t'a jamais fasciné. Tu suis les autres membres de l'expédition alors que Pelagia s'éloigne quelque peu. Tu sens qu'elle t'admire et tu aimerais pouvoir lui raconter certaines de tes aventures. Au fond, tu voudrais retrouver partager ce que tu sais, propager tes connaissances pour qu'elles profitent au plus grand nombre. Tu ne t'es jamais trouvé légitime, alors même que tu as fait le tour de la Terre plusieurs fois.

Tu te perds dans tes pensées et tu te laisses distancer par le reste du groupe sans t'en rendre compte. Pelagia n'est plus là, elle a avancé plus vite que toi et tu te retrouves seul dans cette demi-obscurité. Tu tournes sur toi-même. Tu as dû prendre un mauvais tournant. Tu reviens sur tes pas, un peu inquiet. Tu ne reconnais rien. Peut-être que quelqu'un‧e pourra te retrouver.

Ces dernières semaines ont dû être les plus longues de la courte vie de la jeune sorcière. Et elle doute fort connaître une telle impatience de nouveau un jour. Après tout, on a qu’une première fois, et on ne l’oublie jamais. Depuis que les lucioles ont eu vent de la découverte d’une véritable et authentique carte au trésor, l’arbre à vœux est en ébullition. Bien sûr, Siren et Spriggan essayent de ne pas trop jubiler devant Djinn — en partie parce que c’est un secret de faction, mais aussi parce qu’il n’aura jamais l’autorisation de les accompagner — mais il s’est avéré très difficile de ne pas laisser libre cours à leur imagination. Elles deux, debout sur un gigantesque et antique coffre rempli de plus de pièces d’or que de pauvres dans les rues de la basse ville. Ou encore dans une grotte aux murs couverts de joyaux étincelants. Ou même mettant la main sur les secrets les mieux gardés de ce monde, se battant contre des brigand.e.s et des érudit.e.s pour propager cette connaissance que toustes pensaient perdue. Leurs fantaisies n’ont plus de limites, éprouvées par des rêves accumulés depuis presque deux décennies. Trouver un trésor a toujours été leur but, et il est sur le point de se réaliser.

La première désillusion s’abat sur Spriggan lorsqu’elle débarque sur la péniche des Covenant, équipée de tous ses petits trésors et talismans, plus prête qu’elle ne le sera jamais. La première étape de leur grande aventure, c’est les deux lucioles qui courent sur les pontons jusqu’au lieu d’embarquement, comme elles savent si bien le faire. Les bruits de leur pas comme les battements de leurs cœurs avides de liberté et de découvertes. Mais Siren n’est pas là. Comme de plus en plus souvent. Apparemment, elle est déjà partie. C’est en tout cas ce que dit Nell, qui prépare elle-même ses affaires. Sa capitaine ne l’a pas attendue pour leur toute première chasse au trésor ? La Scorta essaye de ne pas trop se laisser abattre, elle ne veut pas passer pour un bébé boudeur auprès de la grande sœur de Siren, même si elles ont presque le même âge, mais son entrain vient clairement de piquer une tête dans le Porto Vecchio. Accusant le coup, elle propose « on y va ensemble ? » pour se laisser quelques minutes encore pour digérer. Peut-être qu’elles se sont mal comprises ? Que Siren pensait qu’elles se retrouveraient directement au point de ralliement et que, trop impatiente, elle y est allée à la première heure ? Voilà, c’est à cette pensée que va se raccrocher Spriggan. Plutôt que d’imaginer qu’une fois encore, elle a été laissée derrière. La sorcière adresse un sourire encourageant à Nell lorsqu’elles descendent de la péniche. Mais elle n’est pas sûre de qui elle cherche à rassurer.

La deuxième désillusion se trouve renforcée par l’espoir qui a tenté de balayer la première. L’alchimiste a dû embarquer dans une des premières chaloupes, parce que Spriggan ne repère pas sa petite étoile de luciole parmi les noénautes sur le départ. L’incompréhension habille ses traits. Elles n’ont pas pu se croiser, et comme le dernier canot est prêt à partir, Spriggan à son bord, il est évident que Siren n’a pas attendu. La seule conclusion est une que la jeune sorcière ne veut pas admettre. Ce serait trop douloureux. Surtout en ce jour qui devait être si grandiose. Le regard perdu dans les vagues, elle entonne doucement le chant qui résonne sur l’embarcation, plutôt que de penser.

Le roi et ses pairs
Ont enfermé la reine,
A bord d'un bateau de plomb.
Nous naviguerons, et par ses pouvoirs
Les noénautes voguerons.

Le bois de l’embarcation frotte le rivage de galets noirs. Spriggan s’était figuré ce moment. Siren et elle mettraient pied à terre avant même que terre il n’y ait, et elles s'empresseraient de partir à l’abordage de la montagne. Mais l’alchimiste est toujours introuvable. Son groupe a déjà dû commencer son ascension du sentier des contrebandier.ère.s, un chemin clair comme une coupure au couteau dans les falaises de craie, car il n’y a plus que les dernier.ère.s arrivé.e.s sur la plage. Une nouvelle désillusion s’ajoute, avec un arrière-goût d’habitude. Se tournant vers Nell, elle lui souffle « c’est parti pour l’aventure » accompagné d'un sourire forcé. Parce qu’elle ne déborde pas d’excitation comme elle l'aurait dû. Et que la brune n’est qu’un triste remplacement pour la Covenant qu’elle préfère. Elles suivent les traces fraîchement imprimées sur le sentier par leurs prédécesseur.se.s. La sorcière essaye de deviner, à leurs formes irrégulières, celles qui ont été laissées par Siren. Rageusement, la Scorta envoie valdinguer les gravillons qui font crisser ses pas. Elle aurait préféré ne pas avoir à fixer le sol pour y trouver sa jumelle de cœur. Arrivée devant l’entrée d’une mine, la sorcière se saisit d’une torche et entre, sans plus de réflexion. Elle ne peut s’empêcher de penser à Siren, à leur incursion dans la centrale ambarique, un peu plus d’un an auparavant. Elle sait à quel point son soleil déteste ce genre d’endroit, mais elle doit y être entrée, parce qu’elle n’est pas plus devant la gueule béante de la prochaine étape de leur périple qu’elle ne l’était à tous les autres endroits où les prunelles inquiètes l’ont cherchées aujourd’hui. La collection de désillusions s’agrandit.

Inspirant l’odeur caractéristique des grottes, la Scorta chemine à un rythme constant, Nell sur ses talons. Elles ne sont que deux dans leur groupe, un des derniers à prendre le chemin du trésor. Ça leur fait une personne de moins pour se défendre dans ce lieu apparemment dangereux, mais la noénaute se rassure en se disant que les groupes précédents auront sans doute eu la gentillesse de s’occuper des problèmes. Son optimisme vacille lorsqu'elles trouvent une autre âme, qu’elle ne parvient pas à identifier dans la pénombre, au moment où un spectre apparaît derrière lui. D’une main qu’elle ne s’autorise pas à laisser trembler, elle se saisit d’un sortilège confié par sa grand-mère — sa seule condition pour la laisser partir — afin de les protéger toustes les trois. Ne s’autorisant à respirer que quand l’ombre disparaît, Spriggan demande à l'explorateur égaré si « ça va ? ». La torche se baisse et les angles du visages se font plus familiers. La jeune femme reconnaît sans peine Jade, un doyen et sorcier. Une bouffée d’angoisse lui picote le dos. Si même quelqu’un d’aussi puissant et expérimenté que lui a pu se retrouver seul et en si mauvaise posture, elle n’ose imaginer les innombrables manières dont Siren pourrait ne jamais ressortir de ce boyau de terre. Sans trop leur laisser le temps de reprendre leur souffle, elle les presse de suivre le mouvement, avant de perdre de vue la faible lueur d’une autre torche.

résumé : Spriggan se lance dans l'aventure avec @Nell Covenant dans les dernières. Elles rejoignent @Jade Shirazi et le sauvent de son spectre grâce à un Fantasmagoria.

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