Le dos tendu en direction du brasier éteint, tu fais mines de t'intéresser aux bambous qui s'érigent en direction de l'éther. Tes premiers coups d'oeils ont suffit à reconnaître que tu ne trouverais rien d'intéressant en lisière de cette forêt, alors à la place, tu as attribué à Sangha une mission bien plus intriguante.

“Elle s'éloigne en direction de la plage, je pense que leur conversation est déjà fini.”

Le primate, les yeux plissés en direction des deux adelphes, se charge de décrire à son porteur tout ce qu'il voit.

“Comment réagit Nicholas ?”
Demandes-tu tout bas, frustré de ne pas pouvoir toi-même constater des faits.

“Il reste agenouillé, il l'a regarde s'éloigner.”

Tu expires à travers tes narines, rasséréné qu'une dispute n'ai pas éclaté. En tant que noénaute, tu restes persuadé que l'exploration est une bonne chose. En ce qui concerne l'Isola Fiamata, tu n'es pas certain que ça soit une exploration profitable aux Covenant. Tu n'oses imaginer l'effet que provoque, à l'un comme à l'autre, de fouler le sable de cette île. Heureusement, l'intrusion de la luciole leur permet d'être ensemble pour surmonter ça.

“Siren n'a pas l'air trop perturbé ?”

Le tamarin saute de quelques bambous et étire la nuque, mais la cartographe est trop loin pour qu'il puisse correctement discerner quoi que ce soit.

“Je ne suis pas sûr..”

Dubitatif, tu invites d'un signe de l'index ton daemon à revenir jusqu'à toi. Il est temps de pourvoir l'alchimiste de ta compagnie. Peut-être sauras-tu rendre son expédition plus légère ? Avant de t'éloigner, tu jettes un dernier regard à la lisière de la forêt pour t'assurer de n'avoir rien manqué.

Partout où porte son regard, Siren voit Arthur. Il a laissé des morceaux de lui aux quatre coins de l'île. Enterrés sous le sable, ses pas ont creusés des cavités que les marées ont remplit d'eau et transformés en bassins. Les cendres des feux qu'il a allumé ont nourrit les arbres qui bordent la côte. Les larmes qu'il a versé ont salé la mer.

Longeant méticuleusement la plage, Siren tente de ramasser ces bouts égarés de son frère, mais ses mains ne savent pas où se poser. Tout ce qu'il reste de lui ici a été éparpillé par les vents, écrasé par le ciel et rongé par l'océan. Elle tente de ramasser les traces d'Arthur par poignée et de rassembler ce qu'il a perdu dans la paume de sa main. Chaque fois, tout file entre ses doigts et emporte le vœu qu'elle poursuit - celui d'Arthur, celui de toute sa famille. Le souhait impossible. "Je ne vais pas loin. Promis."

A chaque foulée dans le sable, Siren laisse tomber davantage de sa naïveté dans son sillage. "Il est rentré, tu sais. Arthur. Il n'est plus là. Alors qu'est ce que tu fais là, toi ?", interroge Embrun dans son doux langage codé. Elle le sait maintenant : elle ne trouvera ici aucune formule magique, aucune potion divine, ni aucune clé ensorcelée pour soigner les maux de son ainé et réparer ce que cette île a brisé. Elle ne peux qu'espérer mettre des images sur les pensées qui la tourmentent depuis tant d'années, trouver des réponses aux questions qu'elle n'ose pas poser. Faute d'être capable d'alléger le fardeau du frère retrouvé, peut-être ainsi pourra-t-elle au moins en partager un peu la charge ? Et si elle ne peut pas chasser la solitude qui lui étreint le cœur, peut-être pourra-t-elle mieux la comprendre ? Elle voit désormais où Arthur vivait, ce qu'il voyait, où il dormait. Elle tourne la tête vers les vestiges du brasier et, l'espace d'un instant, elle voit la silhouette d'Arthur se découper sur les hautes flammes, juste avant que Nicholas ne prenne sa place en un clignement de paupière. "Peut-être. Mais Nico est là, lui, et je ne veux plus jamais qu'un Covenant se retrouve seul sur cette maudite île."

Un sanglot étouffé lui étreint encore la gorge quand elle vient s'asseoir auprès de son frère devant l'ancien feu pour noter ses observations. Elle trace les contours d'une carte et esquisse la ligne du paysage qui s'étend devant eux, se perdant dans l'attention de sa tâche et la beauté de la vue pour couvrir tous les souvenirs qui s'y cachent. Dans le coin de sa page, elle ne peut cependant pas s'empêcher de dessiner les Covenant, ensemble face à cet horizon qui les a si longtemps séparé, comme un pied-de-nez au passé.

Enfin, après ce moment de recueillement avec son adelphe, le bruit de pas dans son dos la sort de ses pensées. "Aimé !" Siren saute sur ses deux pieds et court à la rencontre de son compagnon d'exploration, des questions pleins les lèvres. "Alors, qu'est ce que tu as trouvé ? Tu m'as cueillie des plantes intéressantes j'espère ? Je voudrais en faire sécher dans mon carnet pour qu'un botaniste puisse les étudier à notre retour. Il y a des chemins ? Des montagnes ? Tu dirais que le dénivelé est à quel angle ? Sois précis hein, c'est pour ma carte."